Login
Menu et informations
Indre

Musique et musiciens d’Église dans le département de l'INDRE autour de 1790

Sommaire

Liste des musiciens de l'Indre

Url pérenne : http://philidor.cmbv.fr/musefrem/indre

   

1-Châteauroux

Louis Bataille, Vue de Châteauroux avec plusieurs bâtiments (églises St-André, St-Martial, St-Christophe, St-Martin, le Château-Raoul, Les Cordeliers, la manufacture royale de draps…), 1784, aquarelle d’après nature (Musée Bertrand de la Ville de Châteauroux, 862/1866)

Le département de l’Indre est né de la subdivision de la province du Berry. Il s’inscrit, par conséquent, dans la continuité de celui du Cher précédemment publié par Sylvie Granger (†) qui cite en introduction les propos de Claude Michaud (Dictionnaire de l’Ancien Régime, PUF, 1996, entrée « Berry »).

"

« L’âge d’or du Berry se situe en amont de la période moderne, à l’époque du duc Jean, du Roi de Bourges, de Jacques Cœur… À l’inverse, à la veille de la Révolution, administrateurs et voyageurs déplorent l’indigence et l’abandon d’une province désertée par sa noblesse, endormie par l’atonie de sa bourgeoisie et la paresse de ses peuples, à l’écart des voies de communication ».

"

La lecture de ce synopsis pessimiste questionne par la succession de termes stéréotypés utilisés. Si le Bas-Berry, ainsi qu’on le nomme, est enclavé, peu favorisé, rural, est-il cependant un terroir indigent ? L’enquête menée se propose, dans un premier temps, de présenter le département de l’Indre avant d’étudier les musiciens d’Église exerçant dans les petites villes berrichonnes autour de 1790. Le contexte conduira à élargir le sujet à l'instruction et aux arts d'agrément, éléments de sociabilité qui interfèrent avec la musique d’Église.
Les recherches aux archives départementales de l’Indre (séries G, H, L), ainsi que les dépouillements de registres paroissiaux sont à la source de ce travail qui s’appuie sur les travaux d’érudits, notamment du XIXe siècle. Les travaux des sociétés savantes locales, les publications de Desplanques, Duguet, l’archiviste Eugène Hubert, le Mémoire statistique du préfet Dalphonse de 1804 sont des apports précieux. En ce qui concerne l’histoire moderne, il est fait référence à Jean-Pierre Surrault, qui dépeint avec autant de minutie que de rigueur le Bas-Berry.

2-Indre

Le département de l’Indre et ses six districts créés en 1790 (La République française en 88 départements, 1793, coll. B. Besson-Guy)

I – Le département de l’Indre, ci-devant Bas-Berry

Sous l’Ancien Régime, le Berry, constitué du Haut et du Bas-Berry, dépendait du diocèse et de la généralité de Bourges. L’organisation départementale du 4 mars 1790 conserve globalement ces deux divisions correspondant peu ou prou aux départements du Cher et de l’Indre. L’Indre est entouré de six départements : le Loir-et-Cher au nord, le Cher à l’est, la Creuse et la Haute-Vienne au sud, puis la Vienne et l’Indre-et-Loire à l’ouest. Quelques communes extérieures au Bas-Berry ont été adjointes à la nouvelle entité. Elles appartenaient aux anciennes provinces du Poitou – Ingrandes, Bélâbre, Saint-Benoît-du-Sault –, de la Haute-Marche – Éguzon ou Lourdoueix-Saint-Michel, enfin de la Touraine – Châtillon-sur-Indre, Mézières-en-Brenne –.

Si la dénomination du département de l’Indre, qui porte le nom de sa rivière principale, est actée dès le 26 février 1790, la désignation du chef-lieu de département fait l’objet de dissensions entre Châteauroux et Issoudun qui, jusqu’à la Révolution, sont de petites villes, éloignées du centre décisionnaire de Bourges. Après intrigues, tractations, la décision de l’assemblée générale du département est prise le 14 juin 1790, ratifiée le 17 août : Châteauroux, bien que moins peuplée qu’Issoudun, devient chef-lieu départemental. Privilégier la première répond à un choix pragmatique : Châteauroux bénéficie d’une position centrale tout en étant à la jonction de plusieurs routes et chemins. L’assemblée procède ensuite au découpage du département en six districts : Châteauroux, Issoudun, La Châtre, Argenton-sur-Creuse, Le Blanc et Châtillon-sur-Indre.
La démographie des chefs-lieux de districts met en évidence une disproportion entre les deux premières villes Châteauroux (7 500 habitants) et Issoudun (13 500). La population des quatre villes suivantes, La Châtre, Châtillon-sur-Indre, Argenton-sur-Creuse, Le Blanc est homogène, se situant entre 4 000 et 5 000 habitants. Exceptées Argenton et Le Blanc, toutes ces villes ont été le siège de chapitres collégiaux, supprimés en 1790.

• Un territoire rural ponctué de petites villes

La carte de l’Indre dessine un territoire s’étendant des limites de la Touraine et de la Sologne jusqu’aux contreforts du Massif Central, formant, selon la description de Christian Poitou (Paroisses et communes de France, Indre), quatre zones distinctes. Sur un axe nord-sud, la Champagne berrichonne constitue la majeure partie du département, englobant Châteauroux et Issoudun. Le voyageur traverse progressivement la vaste plaine berrichonne, propre aux cultures et à l’élevage ovin. Il atteint au sud les pentes escarpées, les vallées encaissées des bords de la Creuse, une région naturelle appelée Boischaut, où sont situées La Châtre et Argenton. C’est la « Vallée Noire » qui inspirera tant George Sand et les peintres au XIXe siècle. La poursuite du périple conduit au sud-ouest, vers la Brenne « aux mille étangs », landes et bois, une des zones les plus pauvres et insalubres du département. Rejoignant enfin le nord-ouest, la pérégrination s’arrête aux Gâtines de l’Indre (ou Boischaut Nord), un paysage qui déploie bocages, forêts, collines verdoyantes, annonçant une agriculture variée autour de Châtillon-sur-Indre et Valençay. Ces différents terroirs, dont les différences sont aussi topographiques que culturelles, ont un dénominateur commun : la présence de l’eau.

Le préfet Dalphonse rapporte dans son Mémoire statistique (1804) que « le département de l’Indre est arrosé par quinze rivières et 105 ruisseaux ». Les deux principales rivières sont la Creuse qui traverse le sud-ouest du département et l’Indre qui coule en son milieu. Elles ne sont navigables ni l’une ni l’autre. Les ponts y sont rares, voire disparus comme au Blanc, au bord de la Creuse, où le pont effondré au XVe siècle n’a pas été reconstruit. Les voyageurs empruntant la grand-route vers Poitiers sont, depuis deux siècles, contraints de passer la Creuse sur un bac. Si les rivières structurent les territoires qu’elles traversent, elles ne sauraient éclipser les ruisseaux ou étangs qui drainent le département. L’eau est un élément fort des paysages de l’Indre favorisant pisciculture, forges et moulins, tanneries et parchemineries.

En l’absence de navigation fluviale, routes et chemins sont privilégiés. Ils favorisent la circulation des voyageurs comme des musiciens d’Église au cours de leurs itinérances : venus de Saint-Omer, Beauvais, Poitiers, Troyes, ils repartent vers Bourges, Paris, Riom, Saint-Malo… Les collégiales de Levroux et Vatan les voient se succéder au chœur.

Quels axes empruntent-ils ? En premier lieu, la route royale reliant Paris à l’Espagne. Elle dessert, depuis Vierzon [Cher], Vatan, Châteauroux et Argenton. Des relais de poste y sont installés qui permettent de relier Paris à Argenton en trois jours et demi (contre six au début du siècle). Selon l’archiviste Desplanques, lorsqu’en 1740 le chapitre de Vatan acquiert à Paris une croix processionnelle en argent, il la fait venir « par le messager de Toulouse » (Mémoires inédits sur l’histoire civile et religieuse de Vatan). Un second axe, en provenance de Vierzon, fait une boucle, reliant Issoudun, Châteauroux, puis, à l’ouest, Buzançais et Châtillon[-sur-Indre]. Le réseau est enrichi de nombreux chemins plus ou moins entretenus.

• Moutons, « brandes » et petite culture
Au XVIIIe siècle, Arthur Young traversant la Champagne berrichonne, en dresse un tableau peu amène dans ses Voyages en France : « De Vierzon à Argenton, c’est un terrain plat, sans intérêt, avec beaucoup de landes couvertes de bruyères. Agriculture pauvre et population misérable ».

Le Mémoire statistique de Dalphonse décrit une agriculture vivrière cantonnée à « la petite culture » ainsi qu’à des pratiques traditionnelles. Seule la Champagne berrichonne, où l’on cultive le froment, fait exception. L’élevage ovin, pratiqué sur tout le département, joue un rôle essentiel. Quant à la culture de la vigne, elle est marginale, destinée à une consommation locale. Elle est pratiquée autour d’Issoudun, Reuilly et Valençay où se trouvent les meilleures productions. Plusieurs chantres sont vignerons, une activité complémentaire à leur service au chœur.

• Textile et sidérurgie dominent l’activité manufacturière
« Roues des fileuses et métiers battants : spectacle familier. Au village ou à la ville, des centaines d’hommes et de femmes travaillent le chanvre ou les laines » (Surrault, 2000).
Les laines du Berry sont réputées dans toute la France et commercialisées lors de foires spécialisées. Le textile constitue l’une des principales ressources économiques de l’Indre. Issoudun, Châteauroux, Saint-Benoît du Sault… doivent leur prospérité au textile qui a connu un essor spectaculaire à la fin du XVIIe siècle sous l’égide de Colbert et des commandes militaires liées aux guerres. Sans surprise, nombre de musiciens d’Église vivent de l’activité textile, comme tailleurs, cardeurs…

L’activité sidérurgique est la seconde activité industrielle. Financée par la noblesse qui en tire des profits conséquents, elle est présente dans toutes les campagnes berrichonnes. Elle est favorisée par des gisements de minerai, des forêts, des rivières au cours rapide qui facilitent l’installation de forges et hauts fourneaux. Au XVIIIe siècle, jusqu’à 300 personnes travaillent aux forges de Belâbre en Brenne ; celles de Bonneau sont installées à Buzançais au bord de l’Indre ; celles de Luçay-le-Mâle, proche de Valençay en Gâtines, deviendront les forges de M. Talleyrand. Jacques Tournaire (Les forges de Clavières) livre une description sensorielle des Forges de Clavières près d’Ardentes :
« Une fournaise rougeoyante illuminait les nuages, un martèlement sourd ébranlait les murs et une odeur persistante de charbon pénétrait toutes les demeures. Pendant plus de deux siècles, de 1670 à 1874, la vallée de l’Indre entre Châteauroux et Ardentes a vécu au rythme de la Forge Haute, de la Forge Basse et de la Forge de l’Isle ».

En résumé, si les Berrichons travaillant la terre restent dans une situation précaire, ceux pratiquant l’élevage ovin peuvent, en revanche, se targuer de produire les meilleures laines du royaume, tout en favorisant l’industrie textile. La sidérurgie, quant à elle, s’est développée jusqu’à devenir une activité prépondérante qui « surpasse en valeur de produits la traditionnelle industrie textile de la laine et du chanvre » (J.-P. Surrault).

II – Musique et musiciens d’Église

Les musiciens d’Église de la génération 1790 exercent au sein de neuf collégiales à la veille de la Révolution – mais seulement quatre psallettes –. Les revenus de chacune ne dépassent guère 8 000 livres, une somme modeste comparée à ceux des chapitres du Haut-Berry qui sont d’environ 10 à 12 000 livres. Sept abbayes ainsi que onze maisons religieuses complètent cet inventaire. En 1791, le clergé, qui n’était pas opulent, souscrit dans sa grande majorité à la Constitution civile du clergé. Sur les 339 clercs dénombrés, 291 sont assermentés et seuls 48 sont réfractaires, dont les quatre curés de Châteauroux.

• • • Musiques en collégiales

L’absence de cité épiscopale soulève une problématique inaccoutumée : quels lieux de musique privilégier en l’absence de cathédrale d’Ancien Régime ? Le parti a été pris de commencer par traiter Châteauroux, en cohérence avec les bouleversements de 1790, puis les deux principales ci-devant collégiales que sont celles de Vatan et de Levroux.

• Châteauroux, chef-lieu promu siège épiscopal (1790-1801)
Le Nouveau dictionnaire complet géographique de la France de Briand de Verzé (1842) décrit une ville « entourée de promenades agréables et bien plantées, mais généralement mal bâtie, mal percée et surtout très mal pavée. […] Les maisons sont petites, irrégulières et sombres ».

Châteauroux est située en Champagne berrichonne, entre la rivière Indre et Château Raoul, la forteresse qui lui a donné son nom. À la veille de la Révolution, rattachée au diocèse de Bourges, elle est chef-lieu d’élection, siège d’une maîtrise des Eaux-et-Forêts, d’un Grenier à sel, d’une maréchaussée et d’un bailliage. Elle est dotée de quatre paroisses principales jusqu’en 1781 dont l’une est également collégiale, ainsi que de trois couvents ou communautés religieuses. L’activité économique des Castelroussins se partage principalement entre le travail de la terre (journaliers, vignerons), l’activité textile (la Manufacture royale du Parc a été créée en 1751), l’artisanat et le commerce.

En devenant chef-lieu de département, et éphémère cité épiscopale, Châteauroux acquiert un rôle de premier plan : elle s’affranchit de la tutelle de Bourges [Cher] tout en se dotant des administrations judiciaires, militaires et religieuses inhérentes à sa position. Après la rupture de la Révolution, ces transformations importantes sont un bouleversement supplémentaire pour les Castelroussins. À la suite de la suppression des paroisses le 23 août 1791, seule la nouvelle cathédrale Notre-Dame et Saint-Martin (dite Saint-Martin), établie en l’ancienne église Saint-André, est désignée comme paroisse. L’église Saint-Martin, trop exiguë pour rassembler l’ensemble des paroissiens, est dès lors abandonnée. La chapelle des Capucins et l’église Saint-Christophe sont réduites à l’état d’oratoires. L’administration du diocèse, avec à sa tête l’évêque constitutionnel Héraudin, prend quant à elle possession des bâtiments de la Congrégation Notre-Dame (Augustines).

Si la restructuration religieuse est d’ampleur, les musiciens d’Église sont initialement préservés et majoritairement transférés au service de la cathédrale constitutionnelle, où les chantres gagistes sont employés « les jours de dimanche et fête ». Ils exercent tous un métier parallèlement à leur activité cantorale, principalement dans le textile ou l’instruction. Le directoire du département s’appuie d’ailleurs sur cette pluriactivité pour limiter l’attribution de pensions.

3-Collégiale Notre Dame et Saint Martin

Châteauroux : Collégiale Notre-Dame et Saint-Martin, située dans l’enceinte de la ville ancienne, Plan Crochet 1783, Détail (Ad36, E SUP Châteauroux DD 15)

Notre-Dame et Saint-Martin, dite Saint-Martin, est collégiale et paroissiale. Elle a été érigée en chapitre en 1622 par Henri II de Condé. Le chapitre est composé de douze chanoines, deux vicaires, un maître de psallette et organiste, quatre chantres, six enfants de chœur. Le chapitre entretient des relations privilégiées avec les collégiales de Vatan, Levroux et Châtillon-sur-Indre.
Un orgue, qui doit être bien modeste compte tenu de l’exiguïté des lieux, est joué par le maître de musique et organiste Pierre GAUDRION. Fils du chantre François GAUDRION, il a été formé auprès de l’organiste de la collégiale Saint-Laurian de Vatan, Maître Jean-Baptiste PIÉCOUR. Il est le seul à vivre exclusivement de la musique, que ce soit par ses fonctions au service du chapitre ou comme maître de clavecin en ville.
L’effectif cantoral est, quant à lui, composé de quatre hommes. René GAUDRION, frère aîné de Pierre, a exercé précédemment au chapitre Saint-Aoustrille de Châtillon [-sur-Indre]. Pierre BILLIEUX était originaire d’Argy près de Buzançais avant de s’installer à Châteauroux. Charles GRATIER a suivi un autre parcours, passant de la modeste paroisse Saint-Christophe à celle de Saint-André, avant d’être reçu à Saint-Martin. Jean François COLLET cité épisodiquement, intervient ponctuellement comme clerc et chantre gagiste.
La psallette est composée de six enfants de chœur : Denis LEMERLE, Louis ROUET, Louis HUET, Charles DENIS, Jérôme MOLLO [Jacques Melchior] et Tiburce BRISMORET.

4-Place de l'Hôtel de ville

Châteauroux : La place de l’Hôtel de ville et l’église St-André au XVIIIe siècle (Musée Bertrand de la Ville de Châteauroux) 

L’église Saint-André, paroisse la plus importante de Châteauroux, présente une organisation atypique. Elle est principalement connue pour ses enfants-prêtres ou prêtres communalistes, un archaïsme auquel l’archevêque de Bourges, Mgr Phélypeaux d’Herbault, met un terme en 1771, en imposant la présence d’un curé assisté de deux vicaires.
En quoi consistait cette survivance du XVIe siècle ? La communauté paroissiale compensait l’absence de vicaires par celle « d’enfants-prêtres » ou « prêtres communalistes » dont le processus de recrutement était strict. Il concernait des enfants nés sur la paroisse, y ayant été enfants de chœur, ayant accédé au sacerdoce avant d’être agréés par la communauté paroissiale. Ils formaient un collège avec le recteur curé. Claude Gaultier, ex-prêtre communaliste exerçant désormais à Neuvy-Saint-Sépulchre, revient officier exceptionnellement à Saint-André, jusqu’en 1786. Il continue à signer le registre en mentionnant « prêtre communaliste de Saint-André ». Les enfants-prêtres, au nombre théorique de quatre, n’étaient plus que deux à la fin du XVIIIe siècle. Saint-André n’est pas la seule église à avoir cette organisation : une vingtaine de paroisses du Bas-Berry recensent des communautés de ce type : Argenton, Buzançais, Déols... Cette particularité est à rapprocher des « enfants prêtres » des paroisses d’Auvergne, région limitrophe du Berry, étudiés par Stéphane Gomis.

À la fin de l’Ancien Régime, l’organisation cantorale de la paroisse Saint-André est sommaire, représentée par le chantre Jean TURMEAU, beau-fils de Jean MONDAIN (chantre de Saint-Christophe). Il exerce avec le sacristain-chantre François MARCHAIS jusqu’en 1790. TURMEAU est alors transféré à sa demande à la cathédrale. Les registres paroissiaux mentionnent encore, un chantre occasionnel, Jean DELAVAL. En 1776, le mariage de la fille de Marc François DAGUILLON dit FAVIER révèle que Sigismond Louis MACKER, témoin qualifié de maître de musique, habite la paroisse Saint-André. Il vit certainement de leçons dispensées en ville, avant d’être reçu à la cathédrale Saint-Étienne de Bourges en 1778.

Le personnel cantoral de l’église paroissiale Saint-Christophe est cité dans l’inventaire du Directoire du 21 juillet 1790. Il est limité à deux chantres, Jean DELHOMME et Jean-Baptiste BLANCHARD, et quatre enfants de chœur non documentés. Le parcours des registres paroissiaux permet de compléter l’effectif cantoral, étoffé épisodiquement de Jean MONDAIN, Jean Hugues GRIFFON et André DENIS, père de l’enfant de chœur Charles DENIS.

L’église Saint-Martial était la succursale de Saint-Denis, la paroisse la plus ancienne de Châteauroux, dont l’église, excentrée au bord de l’Indre, a été interdite au culte dès 1781, compte tenu de son état de délabrement. Les habitants lui préféraient d’ailleurs Saint-Martial, dont la situation était plus centrale. L’effectif cantoral y est réduit : André DENIS, sacristain, chante au pupitre en 1787. Il est cardeur de métier. Il correspond à la figure du chantre si souvent dépeinte par Xavier Bisaro, qui aurait le profil d’un homme à la stature imposante, à la « voix haute et forte ». Il a succédé à Pierre LECOINTE, instituteur. L’église Saint-Martial a la particularité d’abriter plusieurs confréries dont une du Très-Saint-Sacrement.

Des églises citées, seule Saint-Martial demeurera un édifice cultuel : Saint-André, ex-cathédrale constitutionnelle, est détruite en 1793 ; Saint-Martin est vendue comme bien national. Après le Concordat, en 1806, la paroisse Saint-André sera hébergée dans l’ancien couvent des Cordeliers, qui dispose d’une grande église dans un état correct. Un orgue y est installé, touché par Pierre GAUDRION jusqu’à son décès en 1812. Le XIXe siècle consacrera la renaissance d’un patrimoine religieux castelroussin en confiant à l’architecte départemental Dauvergne l’édification des deux grandes églises, Saint-André et Notre-Dame où l’orgue tient une place d’honneur. Il aura fallu moins d’un siècle pour que Châteauroux effectue sa mue et tienne son rang de première ville du département.

La musique d’Église croisée à Châteauroux, se résume au corps de musique d’une collégiale dont Pierre GAUDRION est l’élément central, soutenu par des chantres exerçant une activité complémentaire (textile, instruction). Les relations entre les différents musiciens mettent en évidence l’un des marqueurs de la musique d’Église en Bas-Berry, qui favorise un recrutement endogène, observé ici par la récurrence des patronymes et des liens familiaux. Sur les six enfants de chœur seul BRISMORET n’a aucun lien direct avec les membres d’un bas chœur : LEMERLE est un neveu GAUDRION ; le jeune ROUET a des liens familiaux avec Pierre GAUDRION et Charles GRATIER ; HUET est le fils du sacristain Pierre Huet dit Bernard ; DENIS, est le fils du sacristain chantre André DENIS ; MOLLO vient de Levroux où deux de ses frères sont enfants de chœur. La biographie du chantre Pierre BILLIEUX met, quant à elle, l’accent sur deux autres caractéristiques : il est précepteur de la jeunesse (maître d’école), et « confrère », c’est-à-dire, membre d’une confrérie. Cette pratique pieuse, comme pour François GAUDRION (le père), n’apparaît qu’au moment de son décès.

• Vatan, une musique qui donne le tempo

5-Chanoine haut-chapitre

Un chanoine du haut-chapitre de Vatan (Ad36, PM36000606, cl. CAOA36)

Arthur Young décrit son arrivée à Vatan en 1787, à une vingtaine de kilomètres au nord-est de Levroux : « Vatan est une petite ville qui vit surtout de la filature. Nous y bûmes pour la première fois de l’excellent vin de Sancerre, haut en couleur, d’une riche saveur ».

Vatan, à la limite septentrionale de la Champagne berrichonne, est un bourg agricole d’environ 2 000 habitants en 1790. Il bénéficie d’une situation privilégiée à la croisée de deux voies de communication. La grand-route royale Paris-Limoges-Toulouse, la seule praticable en toutes saisons, crée un dynamisme commercial : relais de poste et auberges contribuent à désenclaver la ville, favorisant probablement la circulation des musiciens d’Église. Un second axe, transversal, permet de rejoindre Vierzon. Sa situation de carrefour compense une implantation dans un marais où l’eau affleure, rendant le climat malsain.

« Le château et l’église collégiale de Saint-Laurian sont ce qu’il y a de plus remarquable dans cette ville » écrit Piganiol de la Force (Nouvelle description de la France). Selon le descriptif de la série G des archives départementales, le chapitre de Saint-Laurian est de fondation très ancienne (Xe siècle) et l’un des plus importants du Bas-Berry : il représente « une puissance économique » (8 814 livres). Le Pouillé du diocèse de Bourges (1760) de l’abbé Barbier, chanoine de Mézières-en-Brenne, rappelle que Vatan dépendait de l’archiprêtré et archidiaconé de Graçay [Cher] distant d’environ huit kilomètres. Cette précision permet de comprendre les liens étroits entre les chapitres de Saint-Laurian de Vatan et de Saint-Austrégésile de Saint-Outrille [en Graçay] lors des chassés-croisés d’organistes relevés entre 1747 et 1780.
Le chapitre est, quant à lui, composé de deux dignités (doyen et chantre), dix chanoines prébendés, quatre semi-prébendés incluant le maître de psallette et le principal du collège. Saint-Laurian regroupe de longue date musiciens confirmés et maîtrise.

C’est le seul lieu de musique du département où il est fait référence à des messes en musique, jouées par exemple lors de la convalescence du roi en 1743. Au cours du repas donné à la suite du Te Deum, le chapitre chante à plusieurs reprises « en faux bourdon » ainsi que le rapporte l’archiviste Desplanque. Surtout, lors de l’ouverture du jubilé du 12 mai 1751, « on chanta une messe solennelle du Saint-Esprit en musique » (Desplanque, p. 52 ; 71).

Le bas chœur est organisé autour d’un maître de psallette, d’un organiste gagiste, de quatre chantres dont une basse-contre serpentiste. L’effectif est complété par quatre enfants de chœur, un sonneur, un sacristain et deux bedeaux.

Composition du bas chœur de Saint-Laurian de Vatan en 1790

NOM Reçu en Fonction Précédents poste
Jean Charles BIZANNE [1775] Maître de psallette Avranches - Le Mans cathédrales
Amable BAS 1784 Basse-contre Beaune - Bourges cathédrale St-Étienne
Vincent LEPRAT [1774]  Basse-contre et serpent [Psallette Bourges St-Ursin] - Issoudun
Jérôme PATAUD 1780 Gagiste, mort en 1790 [Psallette de Vatan]
Louis Stanislas DELORME 1775 Haute-contre-organiste [Psallette Blois cathédrale]
Jean-Baptiste PIÉCOUR 1767 Organiste Bourges - Graçay

Le tableau révèle un bas chœur composé de musiciens qui sont pour moitié itinérants et pour moitié berrichons. Jean Charles BIZANNE, qui a été maître de musique au sein de deux cathédrales du Maine et de Normandie, est chanoine semi-prébendé. Il domine les autres musiciens, ne serait-ce que par sa rémunération de 726 livres. Les deux basses-contre, Amable BAS et Vincent LEPRAT, sont passés par Bourges. Louis Stanislas DELORME vient de Blois et Jérôme PATAUD, mort en avril 1790, était « gagiste » et serrurier, originaire de Vatan. Les quatre enfants de chœur placés sous la responsabilité du maître de psallette BIZANNE sont les deux frères Jean et Jean-Baptiste BAS, fils du chantre Amable BAS, ainsi que Jean-Baptiste LEPOT et Éloi JOURDAIN.

6-Chanoine bas-chapitre

Un chanoine du bas-chapitre de Vatan (Ad36, PM36000607, cl. CAOA36)

L’orgue et son positif sont en tribune « au bout de l’église » (Desplanque, p. 21), c’est-à-dire au bout de la nef et au-dessus du porche principal. Ils constituent l’élément le plus remarquable de la collégiale. Le premier instrument, installé en 1685, est remanié en 1747 sur les recommandations de l’organiste Pierre PINAULT, mentor de plusieurs organistes berrichons, tels ses neveux Jean-Baptiste COURIOU, Jean et Jean François PINAULT et Jean-Baptiste PIÉCOUR. Le décès de Pierre PINAULT en 1747 est suivi d’une période pour laquelle les archives sont muettes jusqu’à la réception en 1759 de Louis JANNOT, futur organiste de Château-Gontier [Mayenne] et mari de Jeanne Marie BERTRAND. Il touche l’orgue jusqu’en 1762.
Jean-Baptiste PIÉCOUR tient tribune à Saint-Laurian de 1767 à 1790. Sa rémunération totale de 641 livres est exceptionnelle. Il a été formé à Bourges, a exercé à Graçay où il a épousé la veuve de Jean PINAULT. Lorsque la ci-devant collégiale devient Temple de la Raison, PIÉCOUR, membre de la Société populaire de Vatan, fait sonner l’orgue au rythme des hymnes républicains.

On notera, outre la présence de musiciens itinérants, les porosités entre chapitres ainsi que des liens familiaux récurrents. L’analyse de la succession des musiciens renseigne sur le degré d’exigence de Saint-Laurian et sur son rôle de centre de formation. En 1786, par exemple, le chapitre organise un échange de chantres : le basse-taille Vincent SAUVAGÉ, ne pouvant plus tenir correctement sa partie pour des problèmes de voix, est transféré à Saint-Outrille de Châtillon où exerce Louis Paul GAUDRION qui est en retour réintégré à Saint-Laurian où il avait été enfant de chœur. On constate également le rôle formateur de Saint-Laurian qui ne se limite pas aux organistes : des maîtres de musique exerçant en 1790 sont passés par sa maîtrise comme Jean-Baptiste THOMIN (Levroux) ou Pierre GAUDRION (Châteauroux).

Hors la collégiale Saint-Laurian, la vie musicale de Vatan fait figure de parent pauvre. Les églises Saint-Christophe et Saint-Laurent sont limitées à leur fonction paroissiale, les maisons religieuses peu nombreuses.

• Levroux, un chapitre influent

"

« Du XIVe au XVIe siècle, la vie de l’orgue [dans le Berry] semble s’articuler autour de deux pôles : Bourges [Cher] et Levroux [Indre] » (Les Orgues du Berry).

"

Levroux (2 800 habitants en 1790), est rattachée au district de Châteauroux. Le bourg s’est formé autour de la collégiale Saint-Sylvain, elle-même érigée sur un ancien temple romain. C’est un des lieux de musique les mieux documentés aux archives départementales de l’Indre, depuis l’origine de l’orgue datée de 1502 (Les orgues du Berry), c’est-à-dire depuis le facteur d’orgues et organiste Guillaume SAFFREY jusqu’à Jean-Baptiste COURIOU.

7-Orgue Levroux

Levroux : Orgue (cl. F. Caillou, 2015)

À la veille de la Révolution, le chapitre de Saint-Sylvain est composé du prieur-doyen Grandjean, de huit chanoines prébendés et semi-prébendés, ainsi que de neuf vicaires. Il y a de plus une prébende préceptoriale dont est pourvu le sieur Jean-Baptiste THIVRIER, principal du collège, et une prébende « onéreuse » pour subvenir aux charges du chapitre. L’église paroissiale et la collégiale se partagent le même lieu, une pratique habituelle en Bas-Berry.
À la suppression du chapitre, le doyen Blaise Rémi Grandjean, qui jouit d’une certaine notoriété et a épousé les idées neuves, est élu maire de Levroux. Il candidate alors au poste d’évêque constitutionnel face au curé de Chaillac, René Héraudin. Par suite d’un revirement, l’assemblée départementale désigne comme évêque Héraudin, « doyen en âge », le 6 février 1791. Il est curieux que les diverses explications apportées à ce résultat inattendu omettent de rapporter le décès brutal de Grandjean le 3 février à Levroux ainsi que son incidence vraisemblable dans l’élection.

Si la renommée de la musique de Saint-Sylvain bénéficie de l’appui du doyen du chapitre, elle tient avant tout à son orgue qui est sans conteste le plus important du Bas-Berry : trois claviers, un pédalier, quatre soufflets et probablement une vingtaine de jeux, de grands volets permettant de le fermer. Quant à l’organiste Jean-Baptiste COURIOU, en exercice de 1726 à 1790, il est clerc tonsuré, bénéficier, organiste à vie, chicanier à ses heures, en particulier avec les chanoines de Saint-Sylvain. L’ensemble de ses revenus, évalués en 1790 à 821 livres, font de lui le musicien le mieux payé du Berry. À titre de comparaison, la rémunération totale de Pierre Denis VAUCORET à la cathédrale de Bourges [Cher] est légèrement inférieure (800 livres).

8-Journal

Première page du journal de J.-B.COURIOU, 1743-1744 (Ad36, 2J 31, cl. F. Caillou, 2006)

Jean-Baptiste COURIOU, musicien de talent haut en couleur, a laissé à la postérité nombre d’écrits sur ses préoccupations, dont la musique de son temps. Son journal est à ce titre un document unique dans le milieu des musiciens d’Église. COURIOU correspond avec compositeurs et clavecinistes, est en lien avec des facteurs d’orgues, évoque ses goûts musicaux. Il entend, par exemple, « exécuter des trios à deux dessus […], des tierces en taille […] ou encore améliorer le plain-chant à quatre voix ».

Le maître de musique est le second homme-clé de la musique levrousaine. Jean-Baptiste THOMIN a été formé à la collégiale Saint-Laurian de Vatan. Sa carrière se fait pas à pas. Clerc chantant la haute-contre à Vatan – cette voix si recherchée –, il est reçu maître de psallette de Saint-Sylvain, tout en étant cité comme maître de musique. THOMIN a en charge les quatre enfants de chœur logés à la psallette, auxquels il doit enseigner la musique et les instruments « qu’il est en état de leur apprendre ».
COURIOU et THOMIN sont berrichons, font l’un et l’autre partie de familles de musiciens. Le premier est un neveu de l’organiste Pierre PINAULT lorsque le second a pour frère Jean Marcoux THOMIN, organiste de Saint-Germain de La Châtre.

En ce qui concerne la vie de la maîtrise, les derniers recrutements permettent d’avancer que les chanoines privilégient les enfants de familles dans le dénuement, notamment les orphelins, tout en respectant un quota. Ainsi, lorsque Jérôme et Pierre MOLLO sont reçus, leur frère Jacques Melchior MOLLO est placé à Saint-Martin de Châteauroux. En 1771, André DARNAULT quitte la psallette à la réception de ses frères Étienne et Sylvain.
En marge de la psallette, citons le régent du collège, Jean-Baptiste THIVRIER. Ses fonctions illustrent « la figure du magister chantant » décrite par Xavier Bisaro (« Beauté du chant, laideur du chantre ») avec un tuilage entre les activités de maître de grammaire et de chantre : il instruit les enfants, leur fait chanter le Salve Regina et les accompagne à la messe tous les jours.

Des chantres itinérants passent par Levroux. La collégiale est sur l’ancien chemin qui relie La Ferté-Saint-Aubin à Romorantin, à proximité de la route d’Espagne. Saint-Sylvain constitue une étape dans l’itinérance des musiciens. Certains y exercent quelques mois, d’autres plusieurs années. Excepté Jacques THURAULT, chantre et serpent, resté presque 30 ans au service du chapitre, les autres gagistes sont plus instables. C’est auprès de THURAULT que le grand enfant de chœur Sylvain DARNAULT est initié au serpent, avant de devenir bénéficier du petit chapitre de Palluau-Montbel.
Pour plus de lisibilité, les chantres gagistes ont été répertoriés dans un tableau indiquant leurs mobilités :

Itinérances des choristes-gagistes de Saint-Sylvain de Levroux aux environs de 1790

NOM Levroux Vient de…  Part à…
René MOREAU 1789-1790 ? ?
HESSIN 1789-1790 ? ?
Jean-Baptiste TERINE 1784-1787 Paris, Troyes Paris ?
Théodore PETITPRÉ 1784  Saint-Omer Bourges-Nevers
Jean HERMANT 1783 Poitiers Riom, La Châtre, Guéret
Claude Denis DEVADRE 1758 Besançon, Nantes, Poitiers Saint-Malo
Jacques THURAULT 1759-1788 Loches, Issoudun, Mehun Mort en poste 1788
Jacques Antoine BARBIER 1751-1753 Mennetou [Cher], Châtillon Mézières-en-Brenne, Bourges [Cher], Valençay, Mehun [Cher]

L’analyse de l’effectif atteste la difficulté du chapitre à fidéliser ses chantres alors que deux hommes du cru sont sédentaires : l’organiste COURIOU et le maître de psallette THOMIN.

Levroux, ville musicale, peut également compter sur les CHAMBON, famille de facteurs organiers de père en fils, qui interviennent sur l’orgue de Saint-Sylvain. Ils vicarient pour leur part hors du Berry, de Bourges [Cher] vers Poitiers [Vienne], La Rochelle ou Saintes [Charente-Maritime] où Jean-Baptiste CHAMBON père est temporairement… « marin » avant de revenir à la musique.

• • • Des collégiales de second rang plus ou moins dépourvues…

• Issoudun une ville en déclin à la veille de la Révolution

9-Saint-Cyr

Issoudun : Collégiale Saint-Cyr (cl. F. Caillou, 2015)

Issoudun, longtemps seconde ville du Berry après Bourges, première du Bas-Berry, marque le pas tout au long du XVIIIe siècle. La petite ville fortifiée, désormais excentrée, mitoyenne avec le département du Cher, est lovée au bord de la Théols. Elle a souffert des luttes religieuses, des guerres civiles et de plusieurs incendies ravageurs qui ont accéléré son déclin. À la fin de l’Ancien Régime, Issoudun (13 500 habitants) est chef-lieu d’une élection, siège d’un bailliage royal, d’un grenier à sel et d’une maîtrise des Eaux-et-Forêts.

Si la ville s’est modernisée dans son urbanisme, son économie est léthargique, ainsi que le rappelle Jean Pierre Surrault (L’Indre…) notamment par sa situation à l’écart de la route d’Espagne. Elle n’est desservie que par la liaison transversale Bourges-Poitiers. Issoudun bénéficie cependant de ressources agricoles et artisanales. Elle peut s’appuyer sur son élevage ovin, réputé fournir une laine de qualité, son école de bergers, sa vigne. Elle est aussi connue pour sa fabrique de chapeaux de soldats, ses foires à laine qui drainent une clientèle venue de toute la France, et sa fonderie. La fermeture de la manufacture de draps en 1777 contraint plusieurs centaines de familles à émigrer.

Sur les deux collégiales issoldunoises, seule celle de Saint-Cyr est active en 1790, celle de Saint-Denis ayant été supprimée en 1782.

La collégiale Saint-Cyr a connu plusieurs incendies. Elle est collégiale et paroissiale. C’est à Saint-Cyr que seront célébrées les fêtes révolutionnaires. Chevalier, dans son Histoire religieuse d’Issoudun, rapporte une cérémonie « où un jeune moine de [l’abbaye de] la Prée, tout fraîchement défroqué, dirigeait les chœurs aux sons puissants de l’orgue ».

À la veille de la Révolution, le chapitre de Saint-Cyr est composé de dix chanoines, vivant des revenus de dix vicairies. Le pouillé de 1760 relève des revenus médiocres de 3 000 livres.
Un orgue est installé dans l’église, en tribune, entre chœur et nef, probablement sur un jubé. Aucune indication n’est fournie sur l’instrument, qui semble toutefois modeste. Lorsque Pierre JUBERT, ecclésiastique, est reçu organiste en 1760, il n’est pas certain que l’orgue soit jouable. Au demeurant, dès l’année suivante, la fonction de JUBERT évolue : il devient « bénéficier » et « maître de psallette », puis « maître de musique ». Il faut attendre 1768 pour que le chapitre confie la réfection de l’instrument au facteur François GILON.
Si la musique – et le chant – reposent sur le maître, de quelle musique s’agit-il ? Pierre JUBERT semble avoir le profil d’un maître polyvalent, agissant comme l’homme providentiel du chapitre. Ses compétences vont de l’orgue à la psallette sans omettre la direction des deux chantres et les menus services rendus au chapitre. Compose-t-il ? Rien ne le laisse supposer. Pour l’aider dans ses multiples tâches, il peut cependant compter sur la présence de sa famille. Son frère Joseph JUBERT est souffleur d’orgue et le neveu de ce dernier n’est autre que l’enfant de chœur BONNEFILLE dit FINET.
Les quatre enfants de chœur demeurent à la psallette. Ils sont en principe choisis parmi les familles les plus pauvres de la ville selon la volonté du chapitre. En 1790, sont présents Louis PENOT, grand enfant de chœur, Joseph BONNEFILLE, Cyr Claude RAYMOND et Étienne BENOIST.
Quant aux deux chantres, Jean-Baptiste AVÉ et Pierre NAUDIN, ils ont été engagés en 1783 et 1784, nés l’un à Mareuil [-sur-Arnon, Cher], l’autre à Thiers [Oise]. Après la Révolution, ils fondent famille à Issoudun et deviennent maîtres d’école ou instituteur, une reconversion allant de soi. Reste Louis BIDAULT, clerc, bénéficier et désigné comme sacristain dans les registres paroissiaux. Lorsque le directoire le répertorie comme chantre, il assimile à la fonction de sacristain celle de chantre, une situation rencontrée à plusieurs reprises dans le département de l’Indre.

Trois églises paroissiales desservent Issoudun, Saint-Denis, ex-chapitre qui sera détruite en 1795, tout comme celle de Saint-Jean. L’église Saint-Paterne disparaît quant à elle au cours du XIXe siècle. Quelques chantres, ont été détectés grâce aux registres paroissiaux. À Saint-Jean, François ROUY chante avec BAUDRY, PICOT, DENIZET dont on ignore les prénoms. Jacques PETITJEAN et Paterne DIETON sont, pour leur part, répertoriés à Saint-Paterne, avec la famille AUPRINCE dont les membres semblent se succéder au lutrin notamment Jean et Paterne. Aucun nom n’est apparu pour la paroisse Saint-Denis, par défaut de sources.

• La Châtre, un chapitre à la peine
« La Chastre est une autre petite ville à quinze lieues de Bourges et à l’extrémité du Berry du côté d’Occident, au-dessous de laquelle passe la rivière d’Indre » (Piganiol de La Force).

À la fin du XVIIIe siècle, la ville (4 000 habitants) est « bien close et bien murée », avec un ancien château, une église et de grandes halles. Dominant l’Indre, elle fait partie de ces bourgs fortifiés dotés d’un chapitre. Elle est chef-lieu d’une élection et d’un grenier à sel. On y fait commerce de grains, de bestiaux et de toiles.

Le chapitre de Saint-Germain de La Châtre est composé d’un prieur et de douze chanoines. Le recrutement de chantres y est tardif, imputable aux défaillances vocales des chanoines. Les registres capitulaires de 1772 prennent acte qu’« aucun de nous chanoines [n’est] par rapport à notre âge en état de soutenir le chœur par le champ [sic] ». Le même registre précise un peu plus avant que « les gages seront pris sur les revenus des bénéfices vacants ». Le recrutement tarde cependant car en août 1773 personne n’a encore été engagé.
L’église Saint-Germain est commune au chapitre et à la paroisse, ce qui est en soi banal, mais qui, à La Châtre, suscite tensions et anicroches récurrentes, largement relatées par l’érudit Claude Charles Duguet. En clair, la nef et le clocher sont pour les deux tiers du ressort de la fabrique et des habitants alors que le chœur et l’orgue relèvent du chapitre, pointilleux quant à ses prérogatives. Ainsi, puisqu’il dépend du chapitre, l’organiste ne peut toucher l’orgue lors des cérémonies de la paroisse qu’après avoir reçu l’accord de son employeur.

En ce qui concerne la musique, l’effectif de la collégiale Saint-Germain est réduit à un chanoine semi-prébendé, organiste et vicaire, du nom de Jean Marcoux THOMIN, dit Jean-Baptiste, frère du maître de psallette de Levroux, Jean-Baptiste THOMIN. L’instrument date de 1720, possède 14 jeux et se situe en tribune.
Les deux chantres Pierre FRICHE et Pierre FOURNIER constituent le bas chœur. Pierre FRICHE, originaire de Metz [Moselle], a vicarié par Paris et Châteauneuf-sur-Cher avant d’être reçu à La Châtre. Pierre FOURNIER est berrichon, Issoldunois et n’exercera qu’à La Châtre. Les gages étant modestes (200 livres environ), les deux hommes ont une activité parallèle : ils sont respectivement cuisinier et cordonnier.
Sur les trois enfants de chœur rémunérés 3 livres chacun par an, seul Pierre CHABENAT a pu être documenté. Ils sont vraisemblablement formés par l’intermédiaire du collège qui fonctionne en externat.
La position de Jacques BELLEAU, vitrier, cité à de nombreuses reprises dans les registres paroissiaux, reste énigmatique jusqu’en 1791. Les registres du directoire du département le listent alors comme « chantre » puis « bénéficier ecclésiastique » en 1795.
Après le Concordat, les anciens musiciens d’église continuent à entretenir des relations amicales : lorsque Louis PENOT, ancien enfant de chœur d’Issoudun, devenu menuisier, fonde une famille à La Châtre, il sollicite Marcoux THOMIN comme témoin de naissance de ses enfants.

• Quelques chapitres où domine le plain-chant

10-Rotonde

Neuvy-Saint-Sépulchre : Rotonde de la collégiale Saint-Étienne, ancienne collégiale Saint-Jacques-le-Majeur (cl. D. Jolivet, 2016, Wikimedia commons CC BY 2.0)

Neuvy-Saint-Sépulchre (1 700 habitants) paraît repliée sur elle-même et sa collégiale Saint-Jacques-le-Majeur à la veille de la Révolution. Le chapitre est composé de dix chanoines dont l’un est chargé des quatre enfants de chœur. Le chapitre prévoit « 50 livres de gages versés au maître outre sa prébende, ainsi que 30 livres pour l’entretien des enfants (habits…) », ce qui ne représente ni une psallette, ni des frais d’externat. Par déduction, il s’agit vraisemblablement plus de servants de messes que d’enfants de chœur chantants. Que ce soit Pierre CAMUS, Silvain CHAVARIN, Pierre HELION ou Silvain RICAPET, ils ne maîtrisent que difficilement l’écriture. Des deux chantres en exercice, Alexis MONDAIN, également cardeur, est le principal. Il exerce à la collégiale et à la paroisse. Il est le frère de Jean MONDAIN, croisé à Châteauroux. Le second chantre, Jean PETIT, a un parcours éclectique. Il est plus connu par ses activités de manufacturier, huissier royal et percepteur, que par sa présence au chœur.

11-Saint-Outrille

Châtillon-sur-Indre : Porche de la collégiale Saint-Outrille (cl. F. Caillou, 2015)

Châtillon-sur-Indre, dépendant de la Touraine et du pays Lochois, a été rattachée à l’Indre en 1790. La cité de 3 000 habitants, arrosée par l’Indre, est campée sur un promontoire. Son édification, comme celle de sa collégiale Saint-Outrille (Aoustrille ou Austrégésile) datent du XIIe siècle. Six chanoines semblent composer un chapitre dont l’effectif cantoral est resserré, puisqu’en 1790 n’y exercent qu’Antoine CHARBONNIER, chantre et serpent, et Vincent SAUVAGÉ, ancienne basse-taille du chapitre de Vatan dont on a vu qu’il avait été déplacé faute de voix… ce qui en dit long sur la pratique cantorale à Châtillon ! Quant aux enfants de chœur, aucun n’est cité. Ils apparaissent incidemment dans les registres capitulaires grâce aux dépenses annuelles pour leurs souliers, 6 livres en 1785, qui permettent d’estimer leur nombre à deux ou trois. Le chant ne semble pas faire partie de leurs attributions.

Mézières-en-Brenne, anciennement Subtray-Mézières, est située à la limite de la Touraine et du Poitou. Au XVIIIe siècle, la collégiale dédiée à sainte Marie-Madeleine devient également église paroissiale. Son chapitre est constitué de six chanoines et quatre vicaires. En 1790, seul un chantre est au lutrin, dont la fonction oscille entre « maître de psallette » et « maître d’école ». François FORT, homme à tout faire du chapitre, a la charge de quatre enfants de chœur qui ont la particularité d’être reçus entre 10 et 13 ans. Selon le relevé de carrière de François FORT, il aurait lui-même été enfant de chœur de 14 ans à 22 ans. Le contexte rend l’existence d’une psallette fort peu probable. Il s’agirait plutôt d’un cumul entre les fonctions de maître d’école et de chantre.

La collégiale Sainte-Menehoulde, de Palluau-Montbel, non loin de Châtillon, n’a été réunie à Palluau-sur-Indre qu’en 1790. Le chapitre est réduit à un prieur, quatre chanoines et trois vicaires. S’il n’y a pas de musicien, signalons la présence du bénéficier Sylvain DARNAULT, chantre et serpentiste, levrousain formé à la collégiale Saint-Sylvain.
L’histoire moderne du village a moins fait date par son chapitre que par « la Vendée de Palluau », à la fin des guerres de Vendée. Quelques chouans, repoussés en Berry, y constituent une poche de résistance soutenue par la population locale attachée aux prêtres réfractaires. Après divers incidents entre cette population et la maréchaussée, les royalistes tentent un mouvement de révolte rapidement maté par les troupes républicaines le 1er avril 1796.

• • • Un clergé régulier qui s’étiole

Alors que le Bas-Berry est riche d’un patrimoine religieux datant de la période romane, la fin du XVIIIe siècle marque le pas en matière de vie régulière. Que dire de la grande abbaye de Fontgombault, ou de celles de Déols (disparue dès 1612) et de Méobecq, livrées à la commende, puis supprimées ? Quant à la pratique musicale, elle semble à l’état végétatif, sans orgue ni chantre. Les autres maisons religieuses sont mieux représentées, en particulier les communautés de femmes.

• Une poignée d’abbayes d’hommes
Sept abbayes en déclin existent encore à la veille de la Révolution : elles accueillent entre deux et quatre moines. Les bâtiments ne sont plus entretenus. Leur infortune est en partie imputable à leur mise en commende, telle l’abbaye Saint-Pierre de Méobecq, rattachée fortuitement à l’évêché de Québec. Quant aux « choristes », deux noms, en tout et pour tout, ont été détectés : POIRIER et L’ENSEIGNE.

L’abbaye Notre-Dame du Landais (ou Saint-Pierre) à Frédille, n’abrite plus que le prieur et trois moines en 1790. Si elle a connu des périodes fastes depuis le XIIIe siècle, elle a souffert des destructions des compagnies protestantes et de sa mise en commende. Elle rémunère le choriste POIRIER qui reçoit un acompte de 24 livres sur ses gages le 3 avril 1790.

L’abbaye Notre-Dame de la Prée à Ségry, non loin d’Issoudun, aux confins du Cher, a été réputée. Trois moines y résident en 1790. L’abbaye dispose toujours de biens et de revenus importants au XVIIIe siècle. Placée en commende, elle est dirigée par un prieur résident. Elle est l’unique à disposer d’un noviciat. Elle emploie le choriste L’ENSEIGNE, répertorié avec les domestiques jusqu’en 1782, date à laquelle il part apprendre le métier de cordonnier. Il reçoit pour dédommagement une paire de souliers, des conditions qui s’apparentent à nouveau plus à celles d’un enfant de chœur qu’à celles d’un chantre de métier. Le choriste qui lui succède en 1786 est resté anonyme, rémunéré en nature. À son départ, il est indemnisé avec une paire de bas et deux paires de souliers. On sait cependant qu’au moins un moine possédait une voix et des dispositions musicales par le témoignage de son intervention à Issoudun lors des fêtes révolutionnaires.

• Des couvents ou monastères pratiquement sans voix
Onze maisons religieuses sont répertoriées à la veille de la Révolution, réparties sur l’ensemble du Bas-Berry. Les maîtresses de chant et choristes y sont rares, mal rémunérés, en général non documentés.

Six communautés féminines actives tirent leur épingle du jeu en se consacrant à l’instruction des jeunes filles. Les Ursulines ont leurs maisons à Châtillon, Valençay, Issoudun. C’est à Issoudun qu’une maîtresse ou « mère de chant », religieuse dont on ignore le nom, est rémunérée 3 livres pour les messes. Un monastère d’Augustines est installé à Châteauroux, quand les Visitandines sont à La Châtre et Issoudun.

Les maisons d’hommes n’abritent plus que quelques religieux à la veille de la Révolution. Citons les Augustins de Châtillon, et du Blanc, les Carmes de La Châtre, ou les Cordeliers d’Argenton et Châteauroux.
Le couvent des Cordeliers de Châteauroux fait exception. Il est doté d’un vaste cloître et d’une bibliothèque. Il est le seul à avoir un orgue touché par Pierre GAUDRION. Après le Concordat, Pierre GAUDRION retrouve une tribune familière qu’il conservera jusqu’à son décès.

• • • Bourgades dynamiques et paroisses inaudibles

Les comptes de fabrique et les registres de délibérations des petites villes du Bas-Berry n’ayant pas été conservés, la vie des paroisses reste peu renseignée, d’autant que les orgues, points de repère musical, sont rares.

Le Blanc (4 500 habitants), devenue chef-lieu de district, est la troisième ville du département après Issoudun et Châteauroux. Elle est située en Brenne, à la limite de la Vienne. Alors qu’une activité musicale y était attendue, aucun chantre n’a pu être identifié dans les trois paroisses. Seul l’organiste BELLET est cité en l’église Saint-Génitour : il doit se contenter d’un instrument d’un jeu, mis en place en 1780. L’absence de prénom ne permet pas de recherche complémentaire. C’est encore au Blanc que, plus tardivement, le musicien basse-taille Louis Paul GAUDRION s’installera à son retour en Bas-Berry (1818-1844), après avoir vicarié dans le Grand Ouest.

Argenton-sur-Creuse (4 000 habitants environ), est en Boischaut-Sud, sur la route Paris-Toulouse. La ville, ancien fief de l’Aquitaine, fut une place protestante avant d’être démantelée.
Si des chantres n’ont pu être identifiés, ne serait-ce que par les registres paroissiaux, cela représente moins une absence qu’une présence implicite, à rapprocher des fonctions des sacristains-chantres croisés dans les différents lieux de musique. Ils sont, avec les curés, les garants du processus cérémoniel, notamment par l’exercice du plain-chant.

 • • • Une sociabilité ancrée dans la tradition

L’étude des musiciens du Bas-Berry a mis en lumière des éléments de sociabilité ayant des interactions ou des tuilages avec la musique d’Église telles l’instruction ou la pratique des arts d’agrément que sont danse et musique.

•  Qu’en est-il de l’instruction ?
Ainsi que l’a souligné Jean Pierre Surrault (Au temps des « sociétés »… 2000) « Les villes, assez modestes, fort mal dégagées de leur gangue rurale, ne contribuèrent guère à faciliter les évolutions vers la maîtrise d’une culture écrite. Il n’existait pas de collèges dignes de ce nom en Bas-Berry et l’Université de Bourges sombra dans une torpeur qui aboutira à son écroulement ».
L’instruction est majoritairement assurée par le clergé. Elle est assurée par nombre de petites écoles et collèges plus proches d’écoles latines que de collèges au sens propre. Douze collèges environ sont recensés en 1791 dans l’Indre, dont les plus anciens sont ceux de Levroux, Châtillon et La Châtre. Les exercices religieux y tiennent la plus grande place. Le préfet Dalphonse rapporte dans son Mémoire statistique que 6% de la population maîtrisent la culture écrite, ce que corroborent les rares signatures rencontrées dans l’ensemble des registres paroissiaux consultés.

On a vu qu’à Levroux, le régent du collège Jean-Baptiste THIVRIER accompagne tous les jours les enfants à la messe. À Issoudun, M. ARNAULT exerce comme « précepteur » à l’école de charité pour « enseigner aux pauvres garçons » de la ville.
Si l’instruction est plus suivie à Châteauroux ou Issoudun que dans les campagnes, la présence de communautés religieuses, de psallettes, constitue des facteurs d’émulation qui favorisent l’apprentissage du plain-chant par les enfants. À l’inverse, l’absence de psallette, comme à Neuvy-Saint-Sépulchre, pénalise les enfants de chœur qui restent réfractaires à l’écriture. Citons l’enfant de chœur Pierre HELION, qui, devenu « piéton » (entendre facteur), ne parviendra à signer qu’en alignant des bâtons aussi maladroits que touchants.

Les exemples rencontrés ont conduit à s’interroger sur les interactions entre fonctions musicales et éducatives autour de 1790 :

Tableau de concordance entre fonction musicale/cantorale et instruction en Indre vers 1790

NOM Fonction musicale/cantorale avant 1790 Fonction d'instruction avant 1790 Fonction après 1790
J.-B. Gabriel THIVRIER

Maître de grammaire

Chantre

Principal de collège

Régent de collège

Instituteur
Pierre BILLIEUX Chantre

Maître d’école

Précepteur de la jeunesse

Commis à la Préfecture
Pierre LECOINTE Sacristain chantre

Maître d'école

Précepteur de la jeunesse

Instituteur
Jean-Baptiste AVÉ Chantre Maître d’école Instituteur
Étienne BENOIST Enfant de chœur   Instituteur
Pierre NAUDIN Chantre Maître d’école Juge de paix
Jean-Baptiste THOMIN Me de psallette
Me de musique
  Instituteur
François FORT Me psallette
Chantre
Maître d’école Instituteur
Louis Stanislas DELORME

Organiste

Haute-contre

  Instituteur
Professeur de musique

Si après 1790, les maîtres d’école deviennent naturellement instituteurs, certains chantres suivent la même démarche. Fait plus rare, le maître de psallette J.-B. THOMIN ou l’organiste L. S. DELORME optent pour cette reconversion. Un autre point significatif apparaît avec l’imbrication des fonctions sacristain-chantre-maître d’école. Pierre LECOINTE est sacristain-chantre à Châteauroux avant de s’installer comme instituteur à Châtillon. THIVRIER est maître de grammaire-chantre avant d’être régent. Par effet miroir, l’invisibilité des chantres d’Argenton ou du Blanc précédemment mentionnée pose question : des maîtres d’école pourraient-ils implicitement exercer comme chantres ?

•  Bourrées, musique et contredanse…
Le préfet Dalphonse a laissé un témoignage des divertissements des Berrichons : « Boire et danser – leur danse est lourde et sans action aux sons aigres d’une musette, les bras pendants, les yeux baissés, ils lèvent l’un après l’autre leurs pieds pesants et presque sans changer de place ».

La consultation des registres paroissiaux des années 1790 pondère le point de vue dépréciatif de Dalphonse en établissant la présence de maîtres à danser et maîtres de musique dans différentes petites cités du Bas-Berry. Des maîtres à danser exercent à Châteauroux, comme Jean CHARPENTIER et Antoine DELAIR. On croise dans la société issoldunoise Jacques NAUDIN en 1755, originaire du Poitou, puis à nouveau Antoine DELAIR qui convole en 1800 avant de partir à Saint-Amand-Montrond [Cher] en 1803. Il y a encore Pierre Jean-Baptiste LEMOINE, à Saint-Gaultier, Alexandre POCHET (frère de Louis POCHET, organiste en Touraine) … Des maîtres de musique sont également actifs tels Christian RUMMEL à Argenton ou Frédéric Gilbert SAINSON à Vatan. En 1776, Marc François DAGUILLON dit FAVIER et Sigismond Louis MACKER sont maîtres de musique à Châteauroux, avant de se mettre au service de l’Église, comme organiste à Châtellerault [Vienne] pour le premier, comme serpent à Bourges [Cher] pour le second. Pendant la période révolutionnaire, Louis Montain Thomas MARESSE, également maître de musique, vit au chef-lieu du département ou à Issoudun, où la clientèle est sans doute plus nombreuse. Citons encore le parcours aussi original que mouvementé de Claude Marguerite LARDI, ex-prêtre, devenu maître de musique après son mariage. Il passe par Issoudun en 1804 où il propose ses services avant de rejoindre Limoges en 1808… La présence de ces maîtres atteste la place que tiennent les arts d’agrément au sein de la bonne société des petites villes berrichonnes.

• • •

« Le département de l’Indre a un profil original avec son absence de cathédrale et ses nombreuses collégiales, bien « crottées » pour la plupart. On est loin des centres de pouvoir, et loin aussi des lieux d’innovation musicale, dans une France plutôt pauvre, où le plain-chant continue de régner en maître » (Bernard Dompnier). Alors que la moisson s’annonçait maigre, plus de 77 musiciens et chantres exerçant à l’église ont pu être répertoriés et leur parcours biographique documenté. Parmi les 17 lieux de musique étudiés, seule une « mère de chant » est citée chez les Ursulines d’Issoudun, laissant espérer d’autres musiciennes restées dans l’ombre.
L’analyse de la musique d’Église en Bas-Berry a mis en évidence deux collégiales disposant d’orgues et corps de musique étoffés dont la renommée n’est plus à faire. Vatan (chapitre Saint-Laurian) et Levroux (chapitre Saint-Sylvain) éclipsent les autres chapitres. Dans une région économiquement faible, peu instruite, les fonctions musicales, même mal rémunérées, constituent un pré carré de choix que les familles bénéficiaires gardent jalousement. Les familles PINAULT de Vatan, les GAUDRION de Châteauroux ou les JUBERT d’Issoudun en sont des exemples.
L’enquête a permis de valoriser différentes spécificités, à commencer par la tradition des « enfants-prêtres » ou prêtres communalistes de l’ancienne paroisse Saint-André de Châteauroux. Une seconde caractéristique concerne une association récurrente entre fonction cantorale et instruction.
La musique d’Église du département de l’Indre dans les années 1790 va certainement au-delà de cette enquête et attend d’être enrichie par les apports de lecteurs attentifs dont les suggestions sont bienvenues.

Beatrice BESSON-GUY (Muséfrem)
Jean-François « Maxou » HEINTZEN (chercheur associé au CHEC, Université Clermont Auvergne)
(mai 2023)

Le travail sur les musiciens de ce département a bénéficié des apports de plusieurs contributeurs, notamment :
Xavier Bisaro (†), Christophe Brugère, François Caillou, Youri Carbonnier, Bernard Dompnier, Lucie Dorsy (Ad Indre), Mathieu Gaillard, Sylvie Granger (†), Bastien Mailhot, Christophe Maillard, Jean Pierre Surrault

Mise en page et en ligne : Caroline Toublanc (CMBV)

>>> Si vous disposez de documents ou d’informations permettant de compléter la connaissance des musiciens anciens de ce département, vous pouvez signaler tout élément intéressant ICI. Nous vous en remercions à l’avance.

L’amélioration permanente de cette base de données bénéficiera à tous.

Les lieux de musique en 1790 dans l'Indre

Diocèse de Bourges

Pour en savoir plus : indications bibliographiques

Sources imprimées

  • François-Jean-Baptiste DALPHONSE (Préfet du département de l’Indre), Mémoire statistique du département de l’Indre, publié par ordre du gouvernement, Paris, Imprimerie de la République, An XII [1803-1804], 367 p.
  • Jean Aymar PIGANIOL de LA FORCE, Nouvelle description de la France dans laquelle on voit le gouvernement général de ce royaume, celui de chaque province en particulier…, t. 11, Paris, Théodore Legras, 1754, 571 p.
  • Arthur YOUNG, Voyages en France. 1787-1788-1789, éd. Henri Sée, Paris, Armand Colin, 1976 (1re éd. 1931), 3 vol.

Bibliographie

  • Association régionale d’étude et de sauvegarde des orgues, Les orgues du Berry. Inventaire national des orgues, région Centre, 4, Chambéry-Loches, éditions Comp’Act-ARESO, 2003, 577 p.
  • Bulletin de la société académique du Centre : archéologie, littérature, science, histoire et beaux-arts, 1901-1902 [sur l’archiprêtré du Blanc].
  • Xavier BISARO, Chanter toujours, Plain-chant et religion villageoise dans la France moderne (XVe-XIXe siècle), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, 246 p.
  • Xavier BISARO, « Beauté du chant, laideur du chantre : esthétique du plain-chant et dressage vocal au XVIIIe siècle », Revue de l’histoire des religions, vol. 227, n° 1, 2010, p. 127-150.
  • A. BOUCHER et Évariste THEVENIN, Situation de l’instruction primaire dans la ville d’Issoudun et son canton nord, suivie de l’exposition scolaire, Châteauroux, A. Aupetit, 1882, 96 p.
  • Marcel BRUNEAU, Les débuts de la Révolution dans les départements du Cher et de l’Indre (1789-1791), Thèse de doctorat, Paris, Hachette, 1902, LI-468 p.
  • Jules CHEVALIER, Histoire religieuse d’Issoudun depuis sa fondation jusqu’à nos jours, Issoudun, Gaignault, 1899, XVIII-444 p.
  • Adolphe CRÉMIEUX, Études sur l’histoire de l’instruction publique dans le département de l’Indre. 1ère partie. L’enquête de 1791-1792, Châteauroux-Paris, A. Majesté et L. Bouchardeau - A. Picard et fils, 1896, 309-372 p.
  • Alexandre DESPLANQUE (ancien archiviste de l’Indre), Mémoires inédits sur l’histoire civile et religieuse de Vatan, résumés et mis au jour, Paris, Chaix, 1864, 72 p.
  • Claude Charles DUGUET, Histoire d’une petite ville qui n’a pas d’histoire. La Châtre avant la révolution, XVIIIe siècle, La Châtre, L. Montu, 1896, 342 p.
  • Stéphane GOMIS, Les « enfants-prêtres » des paroisses d’Auvergne, XVIe-XVIIIe siècles, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise-Pascal, Collection « Études sur le Massif Central », 2006, 546 p.
  • Louis Alexandre de LA TRAMBLAIS et Arthur de LA VILLEGILLE, Esquisses pittoresques sur le département de l’Indre, dessins par Isidore Meyer, Châteauroux, J.-B. Migné, 1854, VIII-335 p.
  • Bastien MAILHOT, Les enfants de chœur des églises du centre de la France. Les institutions capitulaires d’éducation et leurs élèves aux XVIIe et XVIIIe siècles, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, 2018, 322 p.
  • Jean-Jacques MEUNIER, « La communauté des enfants-prêtres de Saint-André de Châteauroux », Revue de l’Académie du Centre, t. 92, 1966, p. 9-21.
  • Arnaud de MONTIGNY (dir.), À la découverte des églises de l’Indre, [Prahecq], Éd. Patrimoines et médias, 2004, 501 p.
  • Christian POITOU, Paroisses et communes de France. Dictionnaire d’histoire administrative et démographique - Indre, Paris, CNRS Éd., 1997, 580 p.
  • Christian POITOU, La population de la Sologne au XVIIIe siècle, Orléans, l’auteur, 2014, 358 p.
  • Jacques PRÉVOST, Recherches sur le fonctionnement de l’instruction publique dans le Bas-Berry sous l’Ancien Régime, mémoire de maîtrise d’histoire moderne, université d’Angers, faculté des lettres et des sciences humaines, 1983, 217 p.
  • Marie José SENET, Annette SURRAULT, L’école du peuple dans l’Indre avant Jules Ferry, Vendœuvres, Lancosme édit., 2007, 159 p.
  • Jean-Pierre SURRAULT, Au temps des « Sociétés » - Confréries, bachelleries, fêtes, loges maçonniques en Bas-Berry au XVIIIe siècle, Paris, Éditions Guénégaud, 2000, 364 p.
  • Jean-Pierre SURRAULT (dir.), L’Indre : Le Bas-Berry de la préhistoire à nos jours, Collection « L’histoire par les documents », Saint-Jean d’Angély, Bordessoulles, 1990, p. 181-296.
  • Jacques TOURNAIRE, Les forges de Clavières, Indre : 1666-1874, Châteauroux, 1990.
  • Briand de VERZÉ, Nouveau dictionnaire complet géographique de la France et de ses colonies, Paris, Belin-Leprieur, 1842, LVI-1410 p.
  • Philippe WERTH, Issoudun à la fin de l’Ancien Régime (1772-1789), Issoudun, Gaignault, 1983, 127 p.
<<<< retour <<<<