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Aveyron

Musique et musiciens d’Église dans le département de l'AVEYRON autour de 1790

Sommaire

Liste des musiciens de l'Aveyron

Url pérennehttps://philidor.cmbv.fr/musefrem/aveyron

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« Jadis, vous le savez, dans une basilique
Où brille un chapitre nombreux,
J’entendais tous les jours les accords chatouilleux
D’une sacrée et savante musique.
Mais aujourd’hui mon sort est affreux
Je suis réduit hélas à la monotonie
De la pesante psalmodie
Ou d’un plain-chant moins ennuyeux… »

Claude Peyrot, Requête à Monseigneur de Grimaldi d’Antibes (1746-1770),
Evêque et Comte de Rodez,
Œuvres françaises, Millau, 1810, p. 47-49.

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C’est en ces termes que Claude Peyrot, poète occitan, évoque, pour les regretter, les fastes de Saint-Sernin de Toulouse, les comparant à la misère musicale de sa paroisse de Millau, dans le sud du Rouergue. Par cette requête écrite vers 1767, il parviendra à convaincre Mgr de Grimaldi d’Antibes, alors évêque de Rodez, de participer au financement d’un nouvel orgue pour l’église Notre-Dame-de-l’Espinasse.

1-Vue de Rodez

N. F. CANDIEU, Vue en perspective de la ville de Rodez, Gravure, Société des Lettres Sciences et Arts de l’Aveyron, 1784

I - Du Rouergue au département de l’Aveyron : présentation du territoire

Le département de l’Aveyron recouvre la majeure partie de l’ancienne province du Rouergue qui comprenait le comté de Rodez, au sud la Haute Marche (autour de Millau) et à l’ouest la Basse Marche (vers Villefranche-de-Rouergue). Le Rouergue débordait alors sur les actuels départements du Lot (vers Capdenac) et du Tarn-et-Garonne (Saint-Antonin-Noble-Val). En 1779, il a été réuni au Quercy pour former la province de Haute-Guyenne. Le 15 janvier 1790, par décision de l’Assemblée constituante, l’ancien Rouergue devient le département de l’Aveyron, réunissant au diocèse de Rodez celui de Vabres. Le premier compte 473 paroisses en 1789, le second seulement 128. En 1801, le Concordat réunit pour quelques années le diocèse de Rodez (et Vabres) à celui de Cahors, situation qui perdurera jusqu’en 1822. Le 21 novembre 1808, un décret impérial de Napoléon Ier créera le département du Tarn-et-Garonne, en détachant à l’ouest de l’Aveyron les territoires de Parisot, Saint-Antonin-Noble-Val et Varen.

À la veille de la Révolution, trois centres urbains se partagent le territoire : à l’ouest Villefranche-de-Rouergue, la plus peuplée de ces trois villes avec dix-mille habitants, au sud-est Millau dont la population atteint six-mille habitants et au centre Rodez avec seulement cinq-mille-six-cents habitants. La Révolution ôte à Villefranche-de-Rouergue son rôle de capitale administrative au profit de Rodez qui devient préfecture du nouveau département. Celui-ci est découpé en neuf districts : Aubin, Millau, Mur-de-Barrez, Rodez, Saint-Affrique, Saint-Geniez-d’Olt, Sauveterre-de-Rouergue, Séverac-le-Château, Villefranche-de-Rouergue.

3-Le département de l’Aveyron en 1793

Le département de l’Aveyron en 1793 d’après Louis Marie Prudhomme, La République française en LXXXIV départemens, Paris, 1793

L’Aveyron est un vaste département, en forme de losange, d’une superficie de 8 735 km2, ce qui en fait le cinquième de France. Il occupe la frange sud du Massif central, jouxtant au nord le Cantal, à l’est la Lozère, puis une petite partie du Gard, plus au sud l’Hérault, au sud-ouest le Tarn, puis le Tarn-et-Garonne et en remontant à l’ouest le Lot.

• • • Le département est traversé d’importants cours d’eau : d’est en ouest, au nord du département, sur 481 km, coule le Lot, qui reçoit au nord les eaux de la Truyère, au sud celles du Dourdou de Conques. Le centre du département est baigné par l’Aveyron qui parcourt 291 km, d’est en ouest, depuis sa source à Séverac-le-Château. Après Villefranche-de-Rouergue, il plonge au sud, vers Laguépie, où il reçoit les eaux du Viaur venu du plateau du Lévézou (qui culmine à 1 155 m). La profonde vallée du Viaur offre sur son cours aval une frontière naturelle avec le département du Tarn. Le sud du département est traversé par les eaux du bassin du Tarn, avec ses affluents : la Dourbie, le Cernon, la Sorgue, le Dourdou de Camares et le Rance. Cet important réseau hydrographique engendre une alternance de plateaux d’altitude et de vallées plus ou moins profondes. Le point culminant du département, 1 463 m, se situe à Cazalets, dans les monts d’Aubrac.

La région des Grands Causses est formée de sept causses, dont certains s’étendent sur les départements voisins : Causse Comtal, Causse de Séverac, Causse de Sauveterre (en Lozère et Aveyron), Causse Méjean (Lozère), Causse Noir (Aveyron, Gard, Lozère), Causse Rouge et Larzac (Aveyron et Hérault). Ces hauts plateaux calcaires, relativement impropres à la culture, sont des zones d’élevage d’ovins surtout pour la laine, mais aussi de bovins. Le cheptel était estimé en 1699 à 285 000 ovins et 27 000 bovins. Cet élevage est à l’origine de la production du roquefort qui se développe au cours du XVIIIe siècle. Le fromage est expédié en France, en Italie et en Angleterre : en 1780 on compte 3 000 caves et une production de 6 000 quintaux de roquefort.

Les Ségalas, à l’ouest du département, sont des plateaux à la terre siliceuse acide, où la seule culture céréalière possible est celle du seigle qui lui donne son nom (segal ou sigal en occitan). Ces paysages de plateaux sont traversés par de profondes vallées encaissées. Les châtaigneraies sont développées partout, et la châtaigne remplace souvent le blé lorsque celui-ci vient à manquer. La pomme de terre, introduite vers 1760-1770, connaît un essor important à la fin de l’Ancien Régime.

Dans le Vallon de Marcillac, la vigne est cultivée depuis le Moyen Âge. Les moines de Conques, les comtes du Rouergue et les notables de Rodez favorisent son développement. Au XVIIIe siècle, les vignes sont principalement la propriété de bourgeois de Rodez, et la production vinicole s’écoule dans les environs.

• • • L’industrie de la fin du XVIIIe siècle se caractérise par de nombreuses petites manufactures, très dispersées. Si les verreries du Ségala (zone géologique située à l’ouest du département, entre Rieupeyroux et Baraqueville, dit aujourd’hui Pays des Cent vallées) et de la région de Camarès déclinent au cours du siècle, le secteur du cuivre se maintient, en particulier autour de Villefranche-de-Rouergue, où une centaine de martinets alimentent une forte activité chaudronnière. Le bois, travaillé à Najac pour la tonnellerie, part ensuite vers le Gaillacois et vers le Quercy. Le cuir est tanné dans toutes les villes ayant une rivière, mais son travail se concentre peu à peu autour de Millau, où le protestant Antoine de Guy, revenu de Genève et Lausanne vers 1750, introduit la chamoiserie et développe la ganterie, déjà connue à la fin du XVIIe siècle. Une partie des produits manufacturés, draps, cuir et cuivre principalement, est exportée vers l’Angleterre et vers l’Allemagne. Le secteur manufacturier le plus actif est celui du textile, organisé autour de deux centres principaux. À Saint-Geniez-d’Olt où il n’existe aucun grand atelier, la production repose sur de nombreuses entreprises familiales disposant de deux à six métiers. La production de ces métiers alimente un commerce avec l’armée, et s’exporte jusqu’en Amérique. Dans le Vabrais, les petites filatures périclitent, au profit de Saint-Affrique, jusqu’à la fin du XVIIe siècle. Par la suite, Montauban capte progressivement une grande partie du marché de la laine filée, sans toutefois faire disparaître totalement cette activité du sud Aveyron.

• • • Le commerce repose sur de multiples foires et marchés, dont le nombre important s’explique par les difficultés de déplacement. Une seule voie d’eau est navigable : le Lot, dont le cours, régularisé par des écluses, autorise le transport du charbon et des merrains (planches de chêne destinées à la fabrication des fûts). Le développement des routes du Languedoc et la construction du canal des Deux-Mers ont progressivement détourné le trafic hors du Rouergue. En 1790, Rodez compte soixante-cinq négociants dont vingt-deux sont aussi « facturiers », surtout dans le textile. Nombre d’entre eux sont propriétaires de fermes sur les Causses.

Bien que la via podiensis, qui relie Le Puy-en-Velay à Compostelle traverse le Rouergue (Aubrac, Espalion, Entraygues, Estaing et Conques avant de rejoindre Figeac, dans le Lot actuel), cette route est largement insuffisante, en particulier pour le transport des marchandises. Au début du XVIIIe siècle, les autres voies terrestres de communication consistaient en des chemins, sortes de pistes, souvent dans un état pitoyable, praticables seulement par les hommes à pied et par des chars attelés de bœufs ou de mulets. Les fortes déclivités de certains itinéraires ne permettaient pas de recourir à des attelages de chevaux. Un changement intervient à partir de 1740 avec la nomination du nouvel intendant de la généralité de Haute-Guyenne, Gaspard César Charles Lescalopier. Celui-ci s’attache à la création de voies modernes, avec des pentes modérées, en particulier pour l’axe est-ouest, qui relie Millau à Montauban, via Villefranche-de-Rouergue, en passant au sud de Rodez et en franchissant la profonde et abrupte vallée du Viaur à Pont-de-Salars. Trois voies orientées nord-sud rejoignent ce tracé : à l’est un axe Najac-Villefranche-de-Rouergue-Figeac, vers le sud une route est ouverte vers Albi depuis l’actuel bourg de Baraqueville, et enfin une autre voie relie Rodez à Espalion.

• • • Au XVIIIe siècle, le Rouergue n’abrite aucune des institutions majeures du pouvoir royal en province. L’administration et la fiscalité dépendent de la généralité de Haute-Guyenne, dont l’intendant siège à Montauban ; le pouvoir militaire et son gouverneur sont installés à Bordeaux ; pour la justice, le territoire ressort du parlement de Toulouse. Rodez n’abrite qu’une maîtrise particulière, celle des Eaux et Forêts. Elle est par ailleurs l’une des vingt-cinq sénéchaussées qui relèvent du parlement de Toulouse, la seconde du Rouergue ayant son siège à Villefranche-de-Rouergue.

• • • Des collégiales et établissements monastiques en nombre maillent le territoire. Pour l’ensemble des deux diocèses de Rodez et de Vabres, le nombre total de prêtres séculiers et réguliers est évalué à 1 700, ce qui fait du Rouergue de la fin de l’Ancien Régime une région solidement installée parmi les mieux pourvues en prêtres (un pour deux-cent-seize habitants et un nombre d’ordinations en progression).

Au moment de la Révolution, ces prêtres refusent majoritairement de prêter les serments exigés : un quart d’entre eux seulement adhère à la constitution civile du clergé, soit cent-vingt jureurs pour mille-onze prêtres. En 1801, cette résistance se poursuit par le refus du Concordat, le schisme de la Petite Église et le mouvement des Enfarinés, qui se développe au nord du département (Campouriez et Villecomtal). Environ cinq-cents prêtres seront déportés à cette période. Nommé à Rodez le 28 janvier 1781, monseigneur Seignelay Colbert de Castlehill, né en Écosse, est en poste en 1789. Destitué de son siège pour avoir refusé le serment constitutionnel, il part pour Paris en 1792 avant de gagner l’Angleterre où il meurt en exil en 1813. À la suppression du diocèse de Vabres, son évêque Mgr Jean de la Croix de Castries se réfugie à Paris où il décède en 1796. Lors de l’élection du nouvel évêque, après la démission pour raison de santé présentée par Albouy, ancien curé d’Estaing, la charge épiscopale est confiée le 23 mars 1791, à Claude Dubertier. L’évêque constitutionnel, précédemment curé de Laguiole est élu avec une courte majorité de voix (cent-cinquante-six sur deux-cent-dix votants). Plus de la moitié des grands électeurs (environ sept-cents) appelés pour ce scrutin ne se sont pas déplacés. Dubertier, que la population traite « d’ébesque de paillo » (évêque de paille), fait son entrée à Rodez le 14 mai.

Sur ce territoire étaient implantées quatorze collégiales qui se réduisent à douze après la création du Tarn-et-Garonne : Aubin, Belmont-sur-Rance, Conques, Lapanouse-de-Séverac, Mur-de-Barrez, Nant, Saint-Affrique, Saint-Christophe-de-Marcillac, Saint-Sernin-sur-Rance, Salles-Curan, Sauveterre-de-Rouergue et Villefranche-de-Rouergue. Quatre d’entre elles sont d’anciens monastères bénédictins sécularisés, comme Conques. Six abbayes d’hommes étaient établies en zone rurale : Aubrac, Bonnecombe, Bonneval, Conques, Loc-Dieu et Sylvanès, une seule pour femmes : l’abbaye de Nonenque. En 1790 le nombre total de religieux des abbayes n’est plus que de quatre-vingt, soit beaucoup moins que ces établissements pouvaient en accueillir.

• • • L’enseignement à Rodez est centré autour du collège royal, dont les professeurs sont nommés par l’évêque. Il est considéré comme l’un des plus ouverts du royaume à la philosophie des Lumières. L’enseignement y sera interrompu de mars 1793 à mai 1796, époque où le collège devient École Centrale. Quatre séminaires assuraient la formation du clergé avant la Révolution : un « grand », celui de Rodez (existant depuis 1690) et trois « petits » à Laguiole, Saint-Geniez d’Olt et Villefranche-de-Rouergue.

• • • La vie culturelle à la fin du XVIIIe siècle est moins brillante qu’aux époques précédentes, le « Grand Siècle de Rodez » étant la période 1450-1550, de la fin de la guerre de Cent Ans aux guerres de Religion. Créée par testament par Noble Jean de Tullier, le 18 mars 1675, une petite académie de Jeux Floraux avait vu le jour. Suivant le modèle toulousain, des concours étaient organisés, mais après 1767, faute de concurrents, l’académie décline rapidement. En 1752, Claude PEYROT (Millau, 1709-1795), plus connu sous le nom de « prieur de Pradinas », en fut l’un des lauréats avec son Combat pastoral. Après un début de carrière littéraire et religieuse à Toulouse (où il est par deux fois récompensé aux Jeux Floraux, en 1746 et en 1747), il devient prieur de Pradinas. C’est là, dans cet humble prieuré niché au cœur du Ségala, qu’il poursuit son œuvre poétique, en français et en occitan, et musicale. D’après Georges Girard qui lui consacre un article dans la Revue du Rouergue, « il compose messes et motets, qu’il faisait chanter à ses paroissiens qu’il avait su éduquer en musique… ». Malheureusement, à ce jour, aucune trace de ses compositions musicales n’a été retrouvée. En 1765 il s’installe à Millau, et intègre la communauté des prêtres de Notre-Dame-de-Lespinasse. Ainsi que l’écrit Paul Gayrard, en parfait homme de son temps, il chante « le bonheur de la vie simple, de la nature généreuse et belle et en même temps l’exactitude déjà réaliste des remarques sociologiques et des gestes de la vie ».

2-Dalmayrac motet

Pierre Jacques DALMAYRAC, motet Lauda Jerusalem, ms, 1752, musique latine Lavergne [Tome2] (F-BnF/ Rés Vma 853 [2])

Un autre personnage important de la France des Lumières a vu le jour en Rouergue : l’abbé Guillaume Thomas Raynal. Né le 12 avril 1713 à Lapanouse, il est élève des Jésuites de Rodez, puis enseigne à Pézenas, Clermont puis Toulouse avant d’être nommé à Saint-Sulpice à Paris. Quittant le sacerdoce, il fréquente les salons parisiens et écrit des ouvrages qu’il édite et diffuse lui-même. Apôtre de la liberté, il écrit contre le colonialisme, ce qui le contraindra à l’exil. Il rentrera en France en 1784, avant de s’éteindre à Paris le 6 mars 1796.

Pour ce qui concerne les musiciens (d’Église), force est de constater là encore que l’âge d’or appartient au passé. La cathédrale de Rodez a vu à la direction de sa chapelle de brillants musiciens tels Guillaume Bouzignac (1587-1643), présent à Rodez de 1629 à 1632, ou Guillaume Minoret (1650-1720). Le somptueux buffet d’orgue de la cathédrale est aussi là comme vivant témoin du faste de cette époque. Au XVIIIe siècle, on relève néanmoins la présence de compositeurs tout à fait dignes d’intérêt : Denis DEMONGEOT, bourguignon, et Nicolas HENRY, originaire de Lorraine, pour lesquels la cathédrale de Rodez n’est qu’une étape parmi d’autres. Gilles DESHAYES dit SALOMON, dont on ne connaît la carrière musicale qu’à Rodez puis à Cahors, et Joseph LAGUNA sont actifs dans la France méridionale. Pierre Jacques DALMAYRAC est toutefois le seul musicien dont la carrière se situe uniquement à Rodez. À Vabres il faut noter la présence de Jean DUCLAUS, dont des livrets sont conservés.

II - Les lieux de la musique d’Église dans le diocèse de Rodez

4-Le grand orgue de Rodez

Le grand orgue de la cathédrale de Rodez (Orguesfrance.com)

• • • Le chapitre de la cathédrale Notre-Dame de Rodez est le plus riche du Rouergue, avec un revenu total annuel de 50 000 livres. Il est composé de vingt-cinq chanoines, auxquels s’ajoute un personnel de quatre hebdomadiers, vingt-cinq vicaires dont six « vicaires aux 6 deniers », des clercs de paroisse, vingt-sept choriers, un bedeau. Lorsque l’effectif est au complet, lors des plus importantes cérémonies, ce ne sont pas moins de cent-vingt à cent-quarante personnes qui officient dans le chœur, en plus des musiciens. Le magnifique buffet d’orgue que l’on connaît aujourd’hui a été sculpté par Raymond Gusmond (originaire de Périgueux) vers 1630, et l’instrument qu’il contient est dû au facteur Antoine Vernholes. Un orgue était cependant présent dès les XVe-XVIe siècles. Les plus prestigieux facteurs ont ultérieurement apporté leur concours à l’amélioration de cet instrument : André Eustache (1657), Jean de Joyeuse (1676), François Lépine (1728), Joseph Isnard (1775). De grands organistes l’ont joué : Luis d’Aranda (1648) Antoine Boat (1655-1681) Pierre FABRY (1710) puis Jean-Baptiste son fils… et à la fin du XVIIIe siècle André ESCAVY (qui, passé par Mende, ira à Bonnecombe) puis Antoine Joseph AGAR, son dernier titulaire (qui, venu du sud du Rouergue, poursuit sa carrière à Montpellier). Les musiciens qui composent la chapelle de musique en 1790 ne sont plus aussi nombreux qu’auparavant. Ils sont sous la responsabilité du maître de musique Jean François VAREILLES, homme d’Église qui chante la basse-taille. Le bassoniste est Jean-Baptiste FAUCHAMEAU, originaire d’Albi. On relève aussi un joueur de serpent et basse, Jacques DAURES, qui sera professeur de musique au conservatoire vers 1805, ainsi qu’un « symphoniste » (joue-t-il du violon ?), Antoine RAYNALDI dit TEYSSANDIER. Les chanteurs sont Jacques André CHABBOT, haute-contre, Jean-Baptiste DURAND, haute-taille, François OURGOULHOUX basse-taille comme le maître de musique. Seuls trois d’entre eux sont clercs (DURAND, OURGOULHOUX et VAREILLES), les autres sont des laïcs. Les noms des six enfants de chœur ne sont pas connus.

Le bas chœur de la cathédrale est composé de vingt-sept choriers et vingt-cinq vicaires de chœur qui chantent le plain-chant durant les services religieux. Les choriers reçoivent un traitement annuel de 73 livres 5 sols, les vicaires de chœur de 102 livres 13 sols. En 1790, seuls quinze choriers sont en activité, les autres sont appointés mais « ne servent point », sauf l’un d’entre eux qui « sert quelques fois ». Leur âge est connu pour une petite moitié d’entre eux : trois ont entre 20 et 29 ans, cinq entre 30 et 59 ans et quatre davantage, le plus âgé ayant 96 ans. Durant la Révolution, deux semblent avoir émigré (a priori en Espagne) : Antoine BEZI et Jean Antoine CASTAN. Seul Jacques VALAT a été déporté, tandis que Jean Joseph GARRIGOU est pour sa part qualifié de « fanatique ». Par la suite, six d’entre eux desserviront de petites églises, le plus souvent à proximité de leur lieu de naissance (Antoine BÉLIÈRES, Jean Pierre BAS, Jean Antoine CASTAN, Alexandre Augustin DEJEAN, Pierre Jean LESTRADE et Jean François NAJAC). En ce qui concerne les vingt-cinq vicaires de chœur, vingt-deux sont actifs et trois sont plus ou moins hors d’état de servir. Leurs âges sont tous connus : trois ont moins de 30 ans, quinze entre 30 et 59 ans et cinq plus de 60 ans. Parmi eux on comptera dix prêtres réfractaires dont un seul, Naamas GASTAL, semble avoir émigré ; sept autres, François ALBAT, François BOUSCAYROL, François GERALDY, Pierre GRÈZES, François Alexandre MARTIN, Antoine PORTALIÉ et Laurent RICOME, connaissent la réclusion et sont déportés, tout comme Antoine André BLAYAC et Mathieu PONS qui décèdent en déportation. Passé cette période, ils sont neuf à revenir au pays et, comme certains choriers, à recevoir une charge paroissiale dans la région de leur naissance, qu’ils aient connu ou non la réclusion : Louis BERNAT, Germain BURGUIÈRE, Jean FORESTIER, Jean Pierre GALIBERT, François GERALDY, François LAPEYRE, Jean Antoine LARINIÉ, François Alexandre MARTIN, Laurent RICOME ; onze demeurent en l’état de simples « pensionnés ».

6-Serpent vers 1800

Serpent vers 1800 (collection du musée Urbain Cabrol, Villefranche-de-Rouergue)

• • • Seules deux des collégiales, Sainte-Foy de Conques et Notre-Dame de Villefranche-de-Rouergue, comptent encore un corps de musique, fort réduit, à la veille de la Révolution.

5-La collégiale de Villefranche-de-Rouergue

François Albert Mouly, La collégiale de Villefranche-de-Rouergue

(coll. part.)

Villefranche-de-Rouergue connaît sa période d’apogée à la fin de l’Ancien Régime après sa désignation en 1779 comme capitale de la nouvelle province de Haute-Guyenne, statut qu’elle conserve jusqu’en 1790. Cette position lui vaut une certaine prospérité économique et une consécration intellectuelle. Elle compte alors dix-sept lieux de culte et des confréries, dont la plus importante est celle des pénitents noirs. En plus du somptueux décor de sa chapelle, cette dernière conserve un important fonds musical (qui concerne également la collégiale) et quelques instruments de musique, en particulier un impressionnant serpent (datant du début du XIXe siècle). En 1626, le facteur Claude Guillemin (de la ville de Dorat, Basse-Marche) refait l’orgue de la collégiale Notre-Dame, qui avait été construit par le facteur Castel en 1506. La restauration s’élève à 1 060 livres payées pour moitié par le chapitre et pour l’autre par les consuls. Les seules informations concernant la musique à la collégiale durant le XVIIIe siècle sont des mentions d’organistes, parfois qualifiés de maîtres de musique. Le dernier en fonction est Charles Martin COTREAU, natif de Saint-Germain-en-Laye, qui occupe cette tribune de 1767 à 1792.

7-Conques

Conques et la collégiale Sainte-Foy (conques-en-Rouergue.com)

• À Conques le culte de Sainte-Foy est célébré depuis le IXe siècle. Située sur la via Podiensis, Conques est une étape majeure sur le chemin de Saint-Jacques. Le bourg ne compte pourtant, en 1793, que huit cents habitants. L’abbaye originelle est sécularisée en 1537. À la Révolution, le chapitre de vingt-quatre chanoines est sous l’autorité de l’abbé René Adhémar de Panat ; le bas chœur compte six prêtres. Il y a en outre un bedeau, un clerc, et un ou deux carillonneurs. La chapelle de musique à cette époque est formée de l’organiste Jean AVALON, du joueur de serpent Joseph Bazille FABRÉ et de quatre enfants de chœur sous la responsabilité du sieur Jean François LABRO. Au moins trois générations d’organistes de la famille Avalon se sont succédés, de père en fils, à la tribune de Sainte-Foy : Antoine AVALON (vers 1657-1743), puis son fils Jean Louis AVALON (1689-1749) et le fils de ce dernier Jean AVALON (1734-1810). En 1791 les chanoines sont chassés, les bâtiments tombent en ruine, seule l’église est sauvée mais, mal entretenue, elle se dégrade rapidement. Le Trésor, sauvé par un groupe d’hommes dirigés par l’ancien chanoine Benazech, qui le mettent à l’abri tout en faisant croire à un vol commis par des chaudronniers ambulants, sera restitué après la Révolution.

• Les autres collégiales du diocèse ne possèdent pas ou plus de corps de musique à la fin du XVIIIe siècle. C’est le cas de Saint-Christophe de Sauveterre-de-Rouergue, où un orgue était en usage au XVIe siècle, touché par Johan Esquieu, prêtre qui décède en 1598, puis par Guillaume Valiech. Le bourg, qui connaissait alors une période de grande activité, entre en déclin au début du XVIIe siècle.

8-L’abbaye de Bonnecombe

L’abbaye de Bonnecombe (wikipédia)

• • • Les plus importantes abbayes du diocèse de Rodez, malgré le déclin observé à la fin du XVIIIIe siècle, possèdent encore un orgue, et appointent un organiste.

• Aux portes sud de Rodez est installée l’abbaye cistercienne Notre-Dame de Bonnecombe qui, fondée en 1167, ne compte plus que neuf religieux en 1790. Par décision du Directoire le 21 mai 1791, elle est destinée à servir de maison de retraite aux religieux souhaitant continuer à vivre en communauté. L’abbaye est finalement vendue comme Bien national. Au cours de la vente du mobilier qui s’ensuit en octobre, celle de l’orgue est envisagée. Ce dernier est estimé le 31 octobre 1791 par le facteur d’orgue « Corbèze » (sans doute Nicolas CORBEVAISSE dit Corvèse) à la somme de 15 050 livres. L’instrument a aujourd’hui disparu. Le somptueux retable de l’abbaye (1660) est transporté dans l’église de Comps-La-Grandville à l’initiative du maire de la commune, le sauvant ainsi du pillage de 1792. Plusieurs noms d’organistes du XVIIIe siècle nous sont connus, en particulier celui du dernier, André ESCAVY, originaire d’Arles.

9-L’abbaye de Bonneval

L’abbaye de Bonneval (Pinterest.fr)

• L’abbaye cistercienne Notre-Dame de Bonneval, sur l’actuelle commune du Cayrol, sert de maison de noviciat pour un ensemble d’abbayes. C’est sur la proposition de Jean Charles DESFORAT que l’orgue du monastère est relevé en 1750 par le facteur Jean-François Lépine. L’organiste Jean-Baptiste FABRY de Rodez assure la vérification des travaux. De la pratique musicale de l’abbaye à la fin du XVIIIe, seules les mentions de la présence de deux enfants de chœur en 1791 (dont on ne connaît pas les noms) et d’organistes comme Nicolas CORBEVAISSE dit Corvèse (originaire du Cantal) et ensuite Jean Louis AVALON (natif de Conques, et arrivant de Bagnières-de-Bigorre) nous sont parvenues. L’abbaye est vendue à la Révolution et les bâtiments tombent ensuite en ruines.

• D’autres abbayes rouergates ont entretenu dans les époques antérieures soit une chapelle de musique avec une maîtrise, soit plus modestement un orgue, dont on ne retrouve plus trace au XVIIIe siècle. C’est le cas de la Dômerie d’Aubrac pour laquelle est mentionnée en 1523 une maîtrise de quatre enfants de chœur qu’on élevait « dans la science de la musique et les bonnes mœurs ». Si dans le courant du XVIIIe siècle la Dômerie comptait encore quatre-vingts chanoines réguliers de Chancelade, en 1791, il n’en reste plus qu’une quinzaine qui sont chassés. Les bâtiments, à l’exception de l’église, sont vendus comme Biens nationaux : la tour des Anglais est achetée par le département, le bâtiment de l’hôpital est affecté à l’administration des eaux et forêts.

• À Martiel, l’abbaye cistercienne de Loc-Dieu était pourvue d’un orgue au XVIIe siècle. Au moment de la Révolution, il ne reste que l’abbé commendataire, Drummont de Melfort, d’origine écossaise, et quatre religieux. L’abbaye est vendue à la famille Cibiel dont les descendants (famille Masson-Bachasson de Montalivet) occupent, restaurent et entretiennent encore aujourd’hui les bâtiments et le parc. De l’orgue construit par Claude Guillemin en 1630, aujourd’hui disparu, on ne connaît pas le titulaire de 1790.

• Le couvent des Dominicains de Rodez abrite un orgue, au moins depuis 1621. L’instrument est vendu comme Bien national le 27 août 1791, et 14 tuyaux de l’orgue sont rachetés par Antoine Burg, aubergiste. Le nom du dernier organiste ne nous est pas parvenu. Dans la même ville le couvent des Cordeliers possède aussi un orgue donné en 1681 par Antoine Boat, là encore sans que ses titulaires aient pu être identifiés à l’exception du frère Bardet en 1610-1612. Enfin le couvent de l’Annonciade possédait lui aussi un orgue au XVIe siècle, mais on ignore s’il est encore utilisé à la fin de l’Ancien Régime. Le couvent sera utilisé comme maison de réclusion pour des prêtres insermentés.

• Le couvent des Augustins de Villefranche-de-Rouergue dispose lui aussi d’un instrument, installé en 1625 par Claude Guillemin, qui a aussi construit l’orgue de la collégiale, mais aucun nom d’organiste n’a pu être retrouvé.

• • • Tout comme les abbayes, rares sont les paroisses à disposer de personnel pour la musique à la veille de la Révolution. Enclavée dans les terres du diocèse de Vabres (mais relevant diocèse de Rodez), Millau, ancienne place forte calviniste au sein d’un territoire majoritairement catholique, a souffert durant tout le XVIIe siècle de la violence des affrontements confessionnels. Mais après l’édit de tolérance de 1787 et le retour de nombreux exilés au pays, l’économie locale bénéficie de leur savoir-faire et connaît un renouveau.

10-0rgue de Notre-Dame-de-L’Espinasse Millau

Le grand orgue de l’église Notre-Dame-de-L’Espinasse de Millau (cl. F.Talvard)

• L’église Notre-Dame-de-Lespinasse, a un organiste (ou maître de musique). Quatre instruments s’étaient succédé entre 1488 et les années 1561-1569, où l’église fut détruite par les calvinistes. Elle a été reconstruite entre 1633 et 1663, mais ce n’est que plus de cent ans plus tard que Claude Peyrot, ancien prieur de Pradinas retiré à Millau, parvient à trouver le financement d’un nouvel instrument. En plus d’une collecte de dons, il obtint de l’évêque, Mgr Grimaldi d’Antibes, une année du loyer de la maison des Jésuites qui venaient d’être expulsés. Le facteur Guillaume Desnoyer signe un contrat le 11 juillet 1769 pour ce chantier. Le premier titulaire est Jean Joseph AGAR, père de Joseph Hercule, qui occupe cette tribune en 1790. Plusieurs noms de musiciens de Millau nous sont parvenus sans qu’il soit toujours possible de connaître exactement leur lieu d’exercice, ni les dates de leur activité. Les sieurs Joseph Hercule AGAR, venu de Lodève, Louis ANDUZE de Vabres, Jean Philippe Simon DIUMENJOU qui, parti de Céret, termine ses jours à Rodez, ou encore Jean Hyacinthe LASSALE sont ainsi tous qualifiés soit d’organiste, soit de maître de musique, ou encore de professeur de musique…

• En 1750, la plus ancienne église de la ville de Rodez, Saint-Amans menace de s’écrouler ; les services religieux sont interrompus, et les précieuses reliques transférées au couvent des Cordeliers le 11 mai 1751. D’importants travaux sont entrepris, et l’église nouvelle est consacrée en 1764 (malgré l’inachèvement du clocher). Un premier orgue y avait été installé par le facteur Jean Bonengien vers 1460, et l’on connait le nom de bon nombre de ses organistes des XVIe et XVIIe siècles. À la Révolution l’organiste est semble-t-il le sieur Jean Philippe Simon DIUMENJOU déjà rencontré. Deux chantres actifs en 1790, Jean-Baptiste NOÉ et Pierre PEYSSY ont tout de même laissé une petite trace dans les archives.

• De manière fortuite nous est parvenu le nom du chantre d’une paroisse de campagne, celle de Saint-Géraud de Vailhourles. Louis ALRIC, natif de Cassagnes-Begonhes, y occupe cet emploi, en plus de ses fonctions de vicaire, de 1764 à sa mort en 1803.

• D’autres paroisses, nettement plus importantes que cette dernière, ont entretenu aux siècles précédents un corps de musique, qui n’existe plus à la fin du XVIIIe siècle. Ainsi trace a été trouvée, en 1737, de deux « cloitriers » (choristes) à l’église Notre-Dame d’Aubin, bourg où un ancien maître de musique de Figeac, Jean Pierre BASTIDE, se trouve en retraite en 1790. L’ancienne église Saint-Jean-Baptiste à Espalion possédait un orgue au XVIe siècle. Enfin l’église Saint-Thomas-de-Canterbury de Mur-de-Barrez, célébrait le culte avec chantre(s), serpent et maître de musique au XVIIe siècle. Mais rien ne permet de conclure à la présence de musiciens dans ces églises en 1790.

III - Les lieux de la musique d’Église dans le diocèse de Vabres

À l’origine, vers 862, Vabres est un monastère bénédictin placé sous l’autorité de l’abbaye Saint-Victor de Marseille. En 1317, le second pape d’Avignon, Jean XXII, d’origine cadurce, choisit Vabres pour être le siège d’un nouveau diocèse, celui de Rodez étant jugé trop vaste. Cette création entraîna l’installation d’un nouveau chapitre et la construction d’une cathédrale. En 1568, Vabres a été pillée, incendiée, la cathédrale et le palais épiscopal détruits par les bandes armées calvinistes. Le diocèse est beaucoup moins étendu que celui de Rodez, et sa population à la fin de l’Ancien Régime n’est que de cinquante-deux-mille habitants, celle de Vabres d’environ sept-cent-trente seulement. Le diocèse jouxte au nord celui de Rodez, dont il est séparé par le cours du Tarn, à l’est le diocèse d’Alès, au sud ceux de Lodève et de Castres, à l’ouest celui d’Albi. Ce diocèse se compose de 128 paroisses relevant auparavant du diocèse de Rodez, trois collégiales (Belmont-sur-Rance, Saint-Sernin-sur-Rance et Saint-Affrique) et trois abbayes (Nant, Nonenque et Sylvanès). Il n’a pas de séminaire et les candidats à la prêtrise font généralement leurs études de théologie au séminaire d’Albi. Vingt-quatre évêques se succédèrent à la tête du diocèse de Vabres : le dernier, Mgr Jean de Lacroix de Castries (1717-1796), nommé en 1764 arrive en poste en 1770. Le sud Aveyron durant la période révolutionnaire est marqué par des oppositions politiques qui recoupent les positions religieuses.

• • • Le chapitre de la cathédrale Saint-Sauveur-et-Saint-Pierre a un revenu estimé à 18 000 livres. Les statuts du XVIIe siècle (antérieurs à 1644) précisent quelques points importants de la pratique musicale : chaque nouveau chanoine « est enjoint [à sa nomination] d’apprendre dans les deux mois le plein chant à peine de privation des fruits de sa chanoinie ». Et le document se poursuit :
 

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— « Et est de la charge du Maître de musique de la chapelle d’enseigner aux chanoines le plain chant et la musique, lui donnant un salaire modéré […] Il est aussi de sa charge d’apprendre à lire et chanter aux petits enfants de chœur, et de les instruire à la bienséance requise […] Il faira la musique tous les dimanches à la messe et à vêpres et un petit motet à la fin de complies, comme aussi à toutes les fêtes doubles ».

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11-Vabres orgue

Vabres l’Abbaye, orgue Micot (1761) de l’ancienne cathédrale Saint-Pierre-Saint-Sauveur (Orguesfrance.com)

À la fin du XVIIIe siècle, le chapitre compte un prévôt, un archidiacre, un [grand-]chantre Charles Barthélémy Calvairac (Murasson, 16 novembre 1723 – Vabres, 12 janvier 1808) et douze chanoines. En 1790, le bas chœur est composé de douze prébendiers (dont Louis LOUYRETTE, ancien enfant de chœur du chapitre jouant du basson et du serpent), du maître de musique Jean Joseph GAUVIN (originaire de Verdun-sur-Meuse, et revenu ultérieurement dans la Meuse après un séjour parisien), d’un organiste François René JULIEN (originaire de Saint-Malo) qui est le premier titulaire du nouvel orgue construit en 1761 par Jean-Baptiste Micot. Seules trois des quatre places d’enfant de chœur sont occupées par Joseph CABAUD, Antoine Joseph MALZAC et Joseph RASCOL. Le plain-chant est chanté par les prébendiers, certains relativement âgés : Antoine Héraud (Vabres, vers 1723 - 10 mars 1808), Antoine Carrière (Saint-Izaire, vers 1731 –Vabres, 31 août 1803), Jean Crebassa (vers 1720 – Saint-Affrique 29 août 1808), Étienne Dumas (vers 1717 – Vabres, 10 décembre 1798). Un inventaire des biens de la maîtrise est dressé le 17 février 1791 par Antoine Carrière, Jean Crebassa et Étienne Dumas, prêtres et anciens chanoines, qui précise « les autres absents, non prêtres ou malades ». Dans la maison du chapitre, où logent le maître de musique et les enfants de chœur, sont recensées dans un salon deux basses dont une sans archet… Ce maigre inventaire témoigne de l’état de pauvreté de la maîtrise de la cathédrale.

• • • Des trois collégiales du diocèse de Vabres une seule s’est révélée lieu de musique en 1790.

12-Belmont-sur-Rance

Belmont-sur-Rance et la collégiale Notre-Dame (cl. F. Talvard)

• Belmont-sur-Rance est un bourg de mille-trois-cent-trente habitants en 1786. Le chapitre de la collégiale Notre-Dame[-de-L’Assomption] compte outre un prévôt, quatorze chanoines et six clercs prébendés. Sa petite maîtrise se compose d’un maître de musique Antoine DALMAYRAC, natif de Rodez, qui avait débuté sa carrière à Narbonne, puis à Carcassonne et finira ses jours à Toulouse. Il enseigne à quatre enfants de chœur : BLAYAC, CASTELBON, JUSTON et MONTS. Il faut signaler qu’un musicien natif de Belmont, Jean CAZES, fait une brillante carrière hors de la région : après un passage comme musicien à la chapelle de musique de la cathédrale Saint-André de Bordeaux (1753), il se rend à Paris où il chante à la cathédrale Notre-Dame (1754) avant d’intégrer la musique de la Chapelle du Roi (1757-1778). Il revient l’année suivante au pays natal (au domaine du Bousquet) et exporte vers la capitale des produits régionaux, tels que fromages de Roquefort, vins de Languedoc et eaux-de-vie.

• À Saint-Affrique, le chapitre de la collégiale Notre-Dame de Miséricorde voit passer, à deux reprises, un chantre natif du lieu, Pierre SAURIN, qui poursuivra sa carrière hors du Rouergue, notamment à la tête de la maîtrise de la cathédrale de Carcassonne. C’est la seule trace musicale relevée pour cet établissement, qui n’a plus de musique en 1790.

13-L’abbaye de Nonenque

L’abbaye de Nonenque

(aupaysdemesancetres)

• À Saint-Sernin-sur-Rance, avant 1778, Jean Martin RAYNAL, occupe un poste de musicien. Natif de Millau, il exerce ensuite à la cathédrale de Vabres, puis à Figeac où il dirige la chapelle de musique. À l’époque qui nous intéresse, la musique a déserté le chapitre de Saint-Sernin.

• • • La riche abbaye de Nonenque est la seule du sud Aveyron où a été relevée une activité musicale en 1790. Elle est située au fond de la vallée de la rivière qui lui donne son nom, sur l’actuelle commune de Marnhagues-et-Latour. Cette abbaye cistercienne bâtie en 1146 a été fondée par celle de Sylvanès. Charlotte d’Estaing, sœur de Joachim, évêque de Saint-Flour, devenue abbesse de Nonenque le 31 mars 1725, fait rebâtir l’église qu’elle enrichit d’un orgue. À sa mort en 1760, Félice de Pardailhan-Gondrin, qui lui succède, fait ajouter des jeux à l’instrument (facteurs : Monturus et Denoyer). Ce nouvel orgue est installé en 1769. Le titulaire en poste en 1790 est Marie Amans BACQUIÉ, qui a été formé à la maîtrise de la cathédrale de Rodez. À la vente des Biens nationaux, en 1792, l’instrument reste en place ; son magnifique buffet orne désormais la chapelle du Grand Séminaire de Rodez.

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Au terme de cette enquête, le personnel musical recensé est de l’ordre de quatre-vingt-dix personnes, musiciens et enfants de chœur confondus, en activité en 1790. Les musiciens instrumentistes sont au nombre d’une douzaine environ dont sept organistes, quatre joueurs de serpent ou de basson. Quatre maîtres de musique seulement sont chargés d’éduquer une douzaine d’enfants de chœur. Dix-sept lieux de musique ont été trouvés dont quatre, Rodez, Vabres, Conques, Belmont-sur-Rance, possèdent encore une maîtrise. Ailleurs, notamment en milieu rural, l’activité musicale est centrée autour de l’orgue et des chantres, ces derniers difficilement repérables.

Des documents de nature à compléter le parcours de ces hommes, voire à révéler l’existence d’autres musiciens d’Église, ont pu échapper à cette étude. Merci d’avance à tous ceux qui voudront nous faire part de leurs découvertes dans les archives.

Françoise TALVARD
 CHEC, Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand
(septembre 2019)

Le travail sur les musiciens de ce département a bénéficié des apports de, notamment :
Youri Carbonnier, Bernard Dompnier, Mathieu Gaillard, Sylvie Granger, Isabelle Langlois…

Mise en page et en ligne : Sylvie Lonchampt et Agnès Delalondre (CMBV)
MERCI à eux tous.

>>> Si vous disposez de documents ou d’informations permettant de compléter la connaissance des musiciens anciens de ce département, vous pouvez signaler tout élément intéressant ICI. Nous vous en remercions à l’avance.

Les lieux de musique en 1790 en Aveyron

Les lieux de musique documentés pour 1790 dans le département sont présentés par diocèse et par catégorie d’établissements : cathédrale, collégiales, abbayes, monastères et couvents, paroisses (ces dernières selon l’ordre alphabétique de la localité au sein de chaque diocèse).

Diocèse de Rodez

Diocèse de Vabres

Pour en savoir plus : indications bibliographiques

  • François LESURE, Dictionnaire musical des villes de province, Paris, Klincksieck, 1999, 367 p. [p. 258-259 pour Rodez]
  • Henri AFFRE, Dictionnaire des institutions, mœurs et coutumes du Rouergue, Rodez, Carrère, 1903, 476 p.
  • Gaston ALARY, L’Église en Rouergue, sous le choc de la Révolution, 1789-1801, Bulletin religieux du diocèse de Rodez, Rodez, 1989, 316 p.
  • Marie-Léone ALARY, Pierre LANCON, Jean-François BESSIÈRE, Belmont-sur-Rance, Rodez, Éditions du Rouergue, 1988, 327 p.
  • Henri ANCOURT, Annales de Villefranche de Rouergue, 1800-1860, volume 1, 1963, 311 p.
  • Robert ARDOUREL, L’Orgue de l’église Notre-Dame de Millau, Millau, Association des amis de l’orgue, 1975, 46 p.
  • Jules ARTIÈRES, Annales de Millau, p. 133-134.
  • Robert AUSSIBAL (dir.), Abbaye Notre-Dame de Bonnecombe, Ordre de Cîteaux, Carnets du patrimoine, Sauvegarde du Rouergue, 2004, 150 p.
  • François AUVITY, Notre-Dame de Bonneval, Aveyron, huit siècles de vie cistercienne, 1147-1947, Rodez, Carrère,‎ 1948, 273 p. 
  • Hippolyte de BARRAU, « Étude historique sur l’ancienne abbaye de Bonnecombe », Mémoires de la Société des Lettres, Sciences et Arts de l’Aveyron, 1839, tome 2, p. 193-264
  • Louis BION DE MARLAVAGNE, Histoire de la cathédrale de Rodez, Rodez, 1875, 423 p.
  • Jean-Yves BOU, Atlas du Rouergue à la veille de la Révolution française, Millau, l’auteur, 2016, 2 volumes, 331/ 321 p.
  • Jacques BOUSQUET, « La cathédrale de Rodez sous la Révolution. Philosophie du vandalisme », Aspects de la Révolution en Rouergue, Les Amis de Pierre Carrère, 1989, p. 175-205.
  • Jacques BOUSQUET, « Lumières sur la première loge de Rodez (1749-57) et les origines de la franc-maçonnerie en Rouergue », Revue du Rouergue, tome XIII, n° 50, avril-juin 1959, p. 129-142.
  • Jean-Louis-Étienne BOUSQUET, « L’ancien hôpital d’Aubrac », Mémoires de la Société des Lettres, Sciences et Arts de l’Aveyron, 1844, tome 5, p. 1-242
  • Jean-Louis-Étienne BOUSQUET, Notice historique sur l’ancienne Abbaye de Notre-Dame de Bonneval, Espalion,‎ Imprimerie de Mme veuve Gonin-Faure, 1850, 83 p. 
  • Annie BRAS, Bonneval, une abbaye cistercienne en Rouergue, Toulouse, Privat,‎ 2008, 219 p. 
  • Étienne CABROL, Annales de Villefranche de Rouergue, tome 2 (1561-1731), Villefranche, Impr. de Vve Cestan, 1860, 842 p.
  • Bernard COMBES DE PATRIS, « Maçons ruthénois au XVIIIe siècle », Revue du Rouergue, tome XIII, n° 50, avril-juin 1959, p. 143-158.
  • Camille COUDERC, Bibliographie historique du Rouergue, Rodez, P. Carrère, 1933, 168 p.
  • Lucien DAUSSE, « Le chant, le chanoine et la cheminée », Revue du Rouergue, n° 46 nouvelle série, 1996, p. 250-255.
  • Léon DENISY, « Notice et documents relatifs à l’abbaye et à l’évêché de Vabres » Mémoires de la Société des Lettres, Sciences et Arts de l’Aveyron, tome 18, 1912, p. 173-410.
  • Matthieu DESACHY, « Tables et "pointes" de la cathédrale de Rodez (XIVe-XVIe siècle) », Bibliothèque de l’École des Chartes, tome 55/ 2, 1997, p. 575-606.
  • Paul DROPY, « Organiers et organistes en Rouergue », Revue du Rouergue, tome XXVII, n° 108, octobre-décembre 1973, p. 358-379.
  • Henri ENJALBERT et Gérard CHOLVY (dir.), Histoire du Rouergue, Toulouse, Privat, 1987, 512 p.
  • Henri ENJALBERT (dir.), Histoire de Rodez, Toulouse, Privat, 1981, 382 p.
  • Jean Michel FISCHER, « L’orgue de Saint-Amans de Rodez », Revue du Rouergue, n° 2 nouvelle série, été 1985, p. 151-174.
  • Jean Michel FISCHER, « L’orgue du Grand Séminaire de Rodez : un joyau de la facture française du XVIIIe siècle », Études Aveyronnaises, 2012, p. 59-71.
  • Bernard de FOURNOUX, « Étude historique sur les orgues de la cathédrale de Rodez », Revue du Rouergue, juillet-septembre 1948, n° 3, p. 344-351.
  • P. GERAUD, « Mémoire sur l’abbaye et l’évêché de Vabres », Mémoires de la Société des Lettres, Sciences et Arts de l’Aveyron, tome 4, 1842, p. 12-73.
  • Georges GIRARD, « La vie de Claude Peyrot poète occitan ancien prieur de Pradinas (1709-1795) » et Paul GAYRARD, « Hommage à Claude Peyrot », Revue du Rouergue, n° 43, p. 335-352.
  • Georges GIRARD, « Orgues et organistes de l’église Notre-Dame de L’Espinasse de Millau », Procès-verbaux des séances de la Société des Lettres, Sciences et Arts de l’Aveyron, volume XXXIX, 1963-1966, p. 343-350.
  • Fortuné MAGNE, Abbé, Notice archéologique sur l’Église cathédrale de Rodez, Rodez, Imprimerie de N. Ratery, 1842, 130 p.
  • Jean MAUREL, Rodez et son pays au temps des Lumières. Chronique intime, 2006, 201 p.
  • Lucien ORSANE, « La loge maçonnique de Rodez et sa dissolution en 1816 », Revue du Rouergue, n° 18 nouvelle série, été 1989, p. 269-282.
  • Françoise PEZET, Dictionnaire administratif et démographique de l’Aveyron, Mémoire d’Histoire, sd, 68 p.
  • Françoise TALVARD, « La maîtrise de la cathédrale de Rodez aux XVIIe et XVIIIe siècle », Revue du Rouergue, n° 90 nouvelle série, été 2007, p. 141-190, et http://philidor3.cmbv.fr/Publications/Cahiers-PHILIDOR
  • Robert TAUSSAT, Sept siècles autour de la cathédrale de Rodez, histoire et vie quotidienne, Rodez, Éditions du Rouergue, 1992, 349 p.
  • Procès-verbaux des séances de la Société populaire de Rodez, Rodez, 1912, 739 p.
  • Joseph VAISSÈTE, Géographie historique, ecclésiastique et civile, Paris, Dessaint et Saillant, 1755, p. 56-57.
  • Pierre-Aloïs VERLAGUET, Cartulaire de l’abbaye de Bonneval en Rouergue, Rodez, Carrère, 1938, 756 p.
  • Pierre-Aloïs VERLAGUET, Cartulaire de l’abbaye de Bonnecombe, Rodez, Carrère, 1918-1925, 743 p.
  • Pierre-Aloïs VERLAGUET, Notices sur les prêtres du Rouergue déportés pendant la période révolutionnaire, Rodez, Imprimerie catholique, 1927, 4 tomes.
  • Pierre-Aloïs VERLAGUET, Vente des biens-nationaux du département de l’Aveyron, tome 1, Rodez, Imprimerie de Artières et Maury, 1931, 2088 p.

Bibliographie élaborée par Françoise Talvard
(septembre 2019)

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