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Finistère

Musique et musiciens d’Église dans le département du FINISTÈRE autour de 1790

Sommaire

Liste des musiciens du Finistère

Url pérenne : https://philidor.cmbv.fr/musefrem/finistere

 

Troisième département breton à être publié dans Muséfrem – après les Côtes-d’Armor et le Morbihan –, le Finistère présente un important corpus de musiciens et musiciennes actifs en 1790 – ou qui l’avaient été peu avant – dans un grand nombre d’établissements disséminés à travers le territoire. Cette enquête a permis de mettre en lumière, dans un milieu essentiellement masculin, la présence de quelques femmes organistes ou d’organistesses pour reprendre le terme utilisé par les fabriciens de la paroisse léonarde de La Martyre. Elle a également révélé quelques dynasties comme les Courtin, organistes, qui ont essaimé à travers la France ou comme les Martin restés à la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon.

1-vue générale de Quimper

Vue de la ville épiscopale de Quimper du côté de la justice, dans Christophe-Paul de Robien, Description historique, topographique et naturelle de l'ancienne Armorique, milieu XVIIIe siècle (F-Bm Rennes)

I - PRÉSENTATION DU TERRITOIRE

Le département du Finistère tire son nom de sa situation géographique : à l’extrême pointe de la pointe armoricaine. Cette dénomination fut préférée à celle de département de Basse-Bretagne – trop évocateur de la province d’Ancien Régime – ou de département de Quimper mais aussi à celle de Côtes-de-l’Ouest qui aurait pourtant fait un pendant logique aux Côtes-du-Nord (actuellement Côtes-d’Armor) et aux Côtes-du-Midi, nom envisagé un temps pour le Morbihan.

Si le nom de Finistère renvoie à une « fin de la terre », son équivalent breton Penn ar Bed se traduit par « tête du monde » et rappelle le fort passé maritime d’une région ouverte sur le monde.

Le Finistère : naissance d’un département

2-carte du département

Le département du Finistère et ses 9 districts créés en 1790 (carte tirée de La République française en 88 départements, 1793, coll. part.)

• • • Des limites rapidement décidées. Des cinq départements formés à partir des neuf diocèses de l’ancienne province de Bretagne, le Finistère est celui qui posa le moins de problèmes quant à l’établissement de ses limites : dès la fin de novembre 1789, trois semaines après le début des travaux des députés bretons à Paris, son tracé est fixé malgré quelques protestations. Les cantons du Faouët et de Gourin demandent en vain, jusqu’à la Monarchie de Juillet, leur intégration dans l’arrondissement de Quimperlé au motif qu’ils faisaient partie de l’ancien évêché de Quimper et qu’ils étaient plus proches du chef-lieu du Finistère que de celui du Morbihan. De même, Carhaix réclame, sous l’Empire et jusqu’en 1822, la reconstitution de son arrière-pays traditionnel – le Poher – mais elle se heurte à l’hostilité de Saint-Brieuc – chef-lieu des Côtes-du-Nord – qui refuse toute cession de territoire. Une seule modification interviendra en 1857 avec le rattachement au département de la commune de Locunolé, ancienne paroisse de l’évêché de Cornouaille dont le Finistère ne voulait pas en 1789.

La division du département en districts et la subdivision en cantons sont établies le 15 février 1790 par l’assemblée générale des députés de Bretagne. Le 26 février suivant, l’Assemblée Constituante entérine ces propositions sous la forme d’un décret auquel la sanction royale donne, le 4 mars 1790, force de loi.

• • • Le nouveau département du Finistère est constitué autour de deux anciens diocèses : celui de Léon en sa totalité et les deux tiers de celui de Cornouaille, auxquels est adjoint un petit nombre de paroisses des anciens diocèses de Tréguier, de Dol et de Vannes. Quelques chiffres permettent de mesurer les proportions des diverses pièces du puzzle :

  • 87 paroisses et 37 trèves de l’ancien diocèse de Léon
  • 139 paroisses et 45 trèves de l’ancien diocèse de Quimper ou de Cornouaille
  • 15 paroisses et 5 trèves de l’ancien diocèse de Tréguier
  • 3 paroisses et 1 trève de celui de Vannes
  • 2 paroisses et 1 trève de celui de Dol

En Bretagne, le mot trève désigne une paroisse administrée par un « Kure » (curé dans le sens breton du terme, c’est-à-dire un vicaire) dépendant d’un Person ou recteur desservant la paroisse-mère. On parle aussi de succursale ou d’église fille. Ce curé avait la charge des registres de baptêmes, de mariages et de sépultures de la trève. Cette dernière permettait aux paroissiens de bénéficier d’un lieu de culte à proximité de leur domicile surtout lorsque le territoire paroissial était vaste, et donc d’avoir une distance moindre à parcourir. Ainsi le territoire de Briec – paroisse de l’évêché de Cornouaille, proche de Quimper – comptait une paroisse-mère, Briec, et trois trèves : Langolen, Landudal et Quilinen. À la Révolution au moment de la création des communes, la plupart des trèves deviennent des communes. L’église tréviale ne doit pas être confondue avec la chapelle frairiale, qui est une chapelle de quartier où l’on ne célébrait que des messes et où l’on ne conférait pas de sacrements.

• • • Si les limites du nouveau département sont vite arrêtées, le choix d’un chef-lieu pose plus de problèmes. Un premier vote a lieu le 14 décembre 1789 au sein du Comité particulier du département et donne, à une voix de majorité, la préférence à Landerneau. Mais le 23 décembre 1789, un vote surprise de la députation bretonne à Paris choisit Quimper. Le 22 janvier 1790, l’Assemblée Nationale choisit également Quimper comme chef-lieu du département, mais à titre provisoire puisque le choix définitif est laissé aux électeurs du département. Ces derniers se réunissent du 7 au 28 juin 1790 à Quimper. Le 26 juin, la question du choix du chef-lieu du département est mise aux voix : des villes comme Morlaix, Carhaix ou Châteaulin sont rapidement écartées, seules restent en lice Landerneau et Quimper. Landerneau l’emporte mais les électeurs des districts de Quimper quittent l’assemblée départementale qui, dans la confusion, s’en remet à l’Assemblée Nationale pour trancher définitivement. Les neuf districts du département lui adressent des mémoires faisant valoir leurs arguments. Parmi les arguments des districts léonards, on relève celui de la position centrale de Landerneau au sein du nouveau territoire départemental. Quant aux districts favorables à Quimper, ils font valoir la pauvreté de la Cornouaille face à la richesse du Léon et à sa forte densité de population. Le choix de Quimper permettrait donc de rééquilibrer le département. De plus, Quimper s’inscrit dans une longue tradition administrative : siège d’un ancien évêché et d’un présidial. Finalement, le 20 août 1790 la majorité de l’Assemblée Nationale opte pour Quimper.

D’ancestraux contrastes nord-sud

Les difficultés rencontrées pour le choix du chef-lieu départemental révèlent l’opposition entre le nord – plus densément peuplé et riche – et le sud du nouveau département, c’est-à-dire entre Léonards et Cornouaillais. Cette opposition a grandement marqué l’histoire du département, certaines traces étant encore visibles de nos jours.

Les éléments qui suivent sont largement empruntés à Jacques Cambry qui publia en 1798, à Paris, un ouvrage en trois volumes intitulé Voyage en Finistère ou état de ce département en 1794 et 1795. Jacques Cambry, président du district de Quimperlé, est chargé de faire l’inventaire des objets ayant échappé aux destructions révolutionnaires. Il réalise cet inventaire en parcourant le département en six mois, passant par Scaër, Rosporden, Châteaulin, Landerneau, Carhaix, Morlaix, Saint-Pol-de-Léon, Lesneven, Brest, Landerneau, Quimper, Quimperlé et Pont-Croix. Il est donc un précieux témoin.

• • • La production agricole offre des facettes différentes entre les terres bordant la mer qui bénéficient d’amendements marins et la région montagneuse plus pauvre.

Les céréales – orge, froment, seigle… – constituent avec le sarrasin le fondement de l’alimentation. La presqu’île de Plougastel-Daoulas et la région de Roscoff, proches des marchés urbains et bénéficiant d’un climat favorable, développent plus particulièrement des cultures légumières et fruitières. À Roscoff, Cambry relève la culture d’« oignons, choux, navets, panais, choux-fleurs, asperges, artichaux. Il en part dix ou douze charretées pour Brest tous les jours, des charges de chevaux se rendent en outre à Morlaix, à Landivisiau, à Lesneven, à Landerneau. J’ai vu souvent dans les marchés de Lorient [Morbihan] et de Quimperlé, une concurrence établie entre les jardiniers du pays et les légumiers de Roscoff… »

Le XVIIIe siècle voit également l’émergence d’une culture nouvelle, celle de la pomme de terre. D’après la tradition, la culture de ce tubercule avait été encouragée par Mgr de la Marche nommé évêque du Léon en 1772, au point qu’il reçut comme surnom « Eskob ar patatez » – évêque des patates.

Les produits d’élevage, le lait, le beurre et la viande – surtout celle de porc – viennent enrichir l’alimentation des habitants du Léon et de Cornouaille.

L’élevage fournit également la force animale nécessaire pour les travaux agricoles et révèle encore cette opposition nord/sud puisque Cambry relève qu’« on laboure avec des bœufs dans la Cornouaille, avec des chevaux dans le Léonois », à l’exception des régions cornouaillaises de Pont-l’Abbé et de Pont-Croix qui comptent une forte densité chevaline. Le commerce des chevaux est surtout développé dans le Léon à cause de la faible taille des exploitations et de la forte densité humaine qui obligent les paysans à vendre rapidement leurs poulains. Ce commerce est organisé autour de quatre grandes foires qui se tiennent à Morlaix, à La Martyre, au Folgoët et à Lanhouarneau. Celle de Lanhouarneau voit affluer des marchands bretons et de provinces limitrophes – de Normandie, de Touraine, du Maine, d’Anjou ou du Poitou – qui y vendent du drap, de la mercerie et y achètent des chevaux et autres bestiaux.

Le bois est exploité dans la région de Carhaix et vendu essentiellement à Morlaix, à Saint-Pol-de-Léon.

• • • Des mines et des carrières prospères

L’activité minière redevient prospère après un siècle d’abandon. En 1732 est fondée la Compagnie des Mines de Basse-Bretagne. À la fin du siècle, les mines de plomb argentifère de Poullaouen et de Huelgoat, dont l’apogée se situe entre 1766 et 1778, sont les principales mines métalliques du royaume. En 1794, lors de la visite de Cambry, ces mines viennent d’être nationalisées et sont encore en pleine activité.

Les carrières de granite et d’ardoise sont très nombreuses. Les ardoisières de la région de Châteaulin sont réputées. Les carrières de L’Hôpital-Camfrout fournissent le kersanton, roche magmatique au grain très fin, durcissant en vieillissant, et donc support idéal pour les sculptures notamment celles des calvaires, des ossuaires et des églises des enclos paroissiaux qui se développent entre le XVIe et le XVIIe s.

• • • Des productions manufacturées éparpillées

• La production agricole est l’un des fondements de l’économie bretonne, en fournissant la matière première de la principale activité industrielle : la production de toiles de lin – pour l’habillement – et de chanvre – pour les voiles des navires ou les emballages. Les marchands des villes de Morlaix, Landerneau ou encore Locronan encouragent cette production dans l’arrière-pays en vendant les toiles tissées à une bonne partie des marines européennes. Le XVIIIe siècle marque le déclin de cette production que les guerres de la Révolution et de l’Empire vont encore aggraver jusqu’à sa disparition au XIXe siècle.

• Dans le premier tiers du XVIIIe siècle, le Léon compte cinquante moulins à papier installés autour de Morlaix, de Pleyber-Christ, de Saint-Thégonnec et de Guiclan. Les pilhaouerien, originaires des paroisses pauvres de la montagne comme La Feuillée, Berrien, Brasparts, leur apportent la matière première - vieux linges et chiffons - qu’ils ont collectée au cours de leurs tournées. Au XVIIe siècle, la production était essentiellement exportée en Angleterre et en Hollande. Au siècle suivant elle est largement utilisée par la Manufacture des Tabacs de Morlaix.

• Cette manufacture de tabacs a été créée vers 1689. Un siècle plus tard, son revenu annuel s’élève à 8 440 000 livres mais la Révolution provoque sa chute par la suppression du monopole en 1791. Cambry constate qu’elle « employait, il y a huit ans [en 1785], de 7 à 8 cents individus […]. Le produit de cette manufacture […] montait alors à 1 500 000 francs. Elle n’emploie à présent qu’environ 200 personnes. »

• Quimper accueille en 1690 une faïencerie qui fabrique vaisselle de table, poterie commune, pipes et faïences imitées de celles de Rouen. Bien que sa production reste essentiellement locale, approvisionnant surtout la Cornouaille, la demande est tellement importante qu’une seconde manufacture est ouverte en 1780

• • • Pêche en eau douce, pêche côtière

La rivière de Châteaulin (l’Aulne) et les rivières de la région de Carhaix sont réputées pour être poissonneuses. Les saumons péchés à Châteaulin sont expédiés à Paris. Mais au XVIIIe siècle cette activité est mise à mal par les pollutions dues au rouissage du lin et du chanvre. Dans la région de Carhaix, où l’on trouve principalement des brochets, des saumons, des dards, des brèmes et des perches, ce sont les mines de plomb de Poullaouen qui sont incriminées.

La pêche côtière est très développée tant dans le Léon que dans la Cornouaille et offre, comme la pêche à pied, un complément de nourriture. Mais c’est surtout la Cornouaille, en particulier dans les régions du Cap-Sizun et du Cap-Caval (actuel Pays Bigouden, dénomination qui apparaît vers 1830) qui l’emporte. Au XVIIIe siècle, la pêche à la sardine surpasse les autres pêches, grâce à une forte demande émanant du Languedoc et de la Provence. Concarneau et Douarnenez, en Cornouaille, deviennent les principaux ports sardiniers de France.

• • • Des ports actifs

3-Brest - le port

Le port de Brest en 1776 par Louis-Nicolas Van Blarenberghe (1716-1794), (cl. Wikipedia)

• Morlaix compte, en 1793, 10 393 habitants. Son port permet des échanges entre divers ports français et étrangers comme ceux d’Espagne, du Portugal, de Hollande et des pays du nord. Morlaix exporte surtout des toiles de différentes natures, des produits alimentaires, des animaux (bœufs, porcs, moutons et chevaux) ainsi que des minerais provenant des mines de Poullaouen et de Huelgoat.

• La ville de Roscoff est également dotée d’un port permettant le commerce, surtout avec les pays du nord de l’Europe, l’Angleterre et l’Espagne.
Mais le XVIIIe siècle marque le déclin du commerce breton – déclin causé par les diverses guerres de Louis XIV – et fait entrer la plupart des ports finistériens dans une décadence irrémédiable.

• Brest est évidemment la principale ville portuaire de la région mais sa vocation est essentiellement militaire – et attire au titre de la construction navale de nombreux ingénieurs, maîtres de charpente, peintres et sculpteurs de tout le royaume français –, au point qu’Yves Le Gallo parle à son propos de « monolithisme » : « Peu de vie intellectuelle, encore moins spirituelle », écrit-il, « dans cette cité brute et brutale aux structures inachevées ». Il souligne d’ailleurs que « cette ville-colonie ne participe point au trafic colonial ».

II - LA MUSIQUE DANS LES CATHÉDRALES DE QUIMPER ET DE LÉON

En 1790, le Finistère compte deux anciennes cathédrales : celle de Quimper, siège du diocèse de Cornouaille, et celle de Saint-Pol-de-Léon, située à l’extrême nord du département.

À la cathédrale de Quimper

4-Cathédrale de Quimper et maisons

La cathédrale de Quimper entourée des maisons à pans de bois dont l’une était occupée par la famille du sous-chantre MARESCHALLE. Celle du serpent MORO, contre le transept nord, n’est pas encore construite (Chr.-Paul de Robien, Description historique, topographique et naturelle de l'ancienne Armorique, milieu XVIIIe siècle, F-Bm Rennes ou Am Quimper/ 10Fi/ 164)

Tout au long du XVIIIe siècle, les chanoines du chapitre de Cornouaille, pour faire face à la baisse de leurs revenus, à la hausse des impôts et aux travaux à effectuer à la cathédrale et notamment à ses voûtes, doivent trouver divers expédients pour maintenir une présence musicale décente en la cathédrale Saint-Corentin. Une partie des solutions engagées touche les « suppôts du bas chœur » ainsi que la maîtrise, tant dans son effectif que dans son fonctionnement.

• • • Des suppôts venus d’ailleurs

4-ter intérieur de la cathédrale de Quimper.

"Intérieur de la cathédrale de Quimper vers 1865" lithographie de Félix Benoist.

En 1790, le chapitre de Cornouaille compte seize chanoines prébendés et quatre dignitaires : l’archidiacre de Cornouaille, l’archidiacre de Poher, un grand chantre (ou chantre) et un trésorier. La France ecclésiastique indique un revenu de 21 000 livres pour l’année 1788 et un bas chœur composé d’un diacre, d’un sous-diacre en chef, des cinq recteurs des paroisses de la ville qui se desservent à des autels particuliers en la cathédrale, de deux sacristains ainsi que d’officiers qui ne sont point titulaires. Il n’est pas fait mention explicite d’un corps de musique ou de musiciens comme pour les autres cathédrales bretonnes.

Pourtant, au moment de la Révolution, les comptes de la cathédrale révèlent la présence de quatre musiciens aussi appelés « suppôts du bas chœur » (parfois « suppôts-gagistes », « bas chœur » ou « officiers laïcs ») : un sous-chantre, un musicien qui donne également des leçons de musique aux quatre enfants de chœur, un serpent et enfin un chantre « éphémère » puisque recruté en août 1790.

Le serpent est tenu par Jean-Pierre MORO, originaire de Saint-Brieuc et recruté en 1764 par le chapitre cornouaillais. Homme de confiance des chanoines pour qui il surveille les travaux de la cathédrale, responsable des enfants de chœur et de leur formation entre juillet 1772 et Pâques 1788, mais aussi franc-maçon, membre de loges quimpéroises entre 1764 et 1773, c’est incontestablement la figure la plus remarquable de ce bas chœur. Pierre-François-Sébastien MARESCHALLE, originaire de Pierrepont en Picardie, occupe la place de sous-chantre. Jean-Julien PROVOST, originaire de Rennes, est « musicien ». Les chanoines lui confient à partir de Pâques 1788 la formation musicale des quatre enfants de chœur. Le bas chœur est complété en août 1790 par la réception d’un chantre : J.C. ROBERT, dont nous ignorons encore tout.

• Le Quimpérois Charles Julien CORNILY, successeur du Parisien Jean Pierre BARBAULT, vient compléter cette musique en la rehaussant par le jeu de l’orgue. L’instrument qu’il a sous les doigts a été construit en 1643 par le facteur anglais Robert DALLAM qui en a été également le premier titulaire. L’instrument est reconstruit en 1740 par Marcellin TRIBUOT, fils du facteur parisien Julien TRIBUOT. L’orgue est révisé en 1795-1796 par le facteur quimpérois François MARQUER qui utilise des tuyaux provenant de l’orgue du couvent des Jacobins de Morlaix. Après plusieurs réparations, l’orgue sera ultérieurement reconstruit en 1846 par Aristide CAVAILLÉ-COLL, puis en 1900 par les frères WOLF d’origine suisse, en 1954-1971 par HERMANN (qui décède en cours de reconstruction) et DARGASSIES (qui reprend le chantier). Enfin, l’instrument est entièrement reconstruit en 1995-1996 par la manufacture GIROUD.

• À l’exception de l’organiste, aucun des suppôts du bas-chœur présents en 1790 n’est originaire de la ville de Quimper ni même plus largement du diocèse de Cornouaille, et aucun n’y a été enfant de chœur.
En 1790, lorsque le chapitre cathédral est supprimé, les suppôts du bas-chœur quimpérois sont en poste depuis au moins une dizaine d’années – à l’exception de J.C. ROBERT – et même 36 ans pour le sieur MORO. Ils ont tous entre 40 et 58 ans et, mariés, ont charge de famille.

L’effectif musical en 1790 à la cathédrale Saint-Corentin de Quimper

Nom des musiciens Lieu d’origine Âge en 1790 Fonction Nombre d’années de présence à la cathédrale
Charles Julien CORNILI Quimper 44 ans organiste  Entre 10 et 9 ans
Pierre François Sébastien MARESCHALLE Pierrepont  (diocèse d'Amiens) 40 ans Sous-chantre 13 ans
Jean Pierre MORO Saint-Brieuc 58 ans Serpent 36 ans
Jean Julien PROVOST Rennes 42 ans Musicien. Chargé d’apprendre la musique aux enfants de chœur Entre 10 et 15 ans
J.C. ROBERT ? ? Chantre Recruté en août 1790

   
• • • Des enfants de chœur externes

Aux suppôts du bas-chœur, il faut ajouter quatre enfants de chœur : Jean Michel MARESCHALLE, Jean Sébastien Hervé MARESCHALLE, Charles François LE CAT et Antoine Marie LE CAT. Les deux premiers sont des fils du sous-chantre Pierre François Sébastien MARESCHALLE et les deux autres sont les enfants de Le Cat, brigadier d’ordre des fermes du Roy et demeurant à Quimper. Cette famille Le Cat semble assez proche du milieu musical de la cathédrale Saint-Corentin puisque l’une des filles – Hélène Charlotte – est marraine de l’un des fils de Pierre François Sébastien MARESCHALLE et signe comme témoin lors du mariage en 1793 de Jean Pierre MORO.

En juillet 1722, les chanoines avaient décidé la suppression de la psallette et avaient renvoyé le sieur JACQUARD, alors maître de psallette. Les enfants et le maître de grammaire sont dorénavant mis en pension chez le secrétaire du chapitre. Les leçons de chant sont confiées, l’année suivante, au sieur HAMON, chantre et porte-croix. En 1772, l’éducation et le logement des enfants sont confiés à Jean-Pierre MORO en sus de ses activités de serpent. Seize ans plus tard, en 1788, un nouveau plan d’éducation est mis en place par les chanoines : les deux derniers enfants recrutés MARESCHALLE et LE CAT devront demeurer chez leurs parents avec leur frère déjà enfant de chœur. Afin de pourvoir à l’éducation et à l’entretien des enfants, le chapitre verse 200 livres par an et par enfant à chaque famille. Avec ce nouveau plan, il n’existe donc plus de maîtrise ou de psallette au sens classique du terme, avec internat et formation permanente par immersion. Le chapitre ‘‘externalise’’ les charges de l’entretien matériel et de l’éducation générale, seule la formation musicale reste à sa charge : chaque jour, les quatre enfants reçoivent une leçon de musique donnée par le sieur PROVOST pour 72 livres par an en sus de ses gages de musicien. Ces leçons de musique se prennent en la demeure du sieur MARESCHALLE, demeure qui se situe dans l’une des maisons à pans de bois qui jouxtent la cathédrale.

• • • Quimper, un lieu singulier dans les réseaux musicaux

Au regard des autres cathédrales bretonnes, un tel bas chœur paraît bien peu étoffé. Aussi, afin de rehausser les solennités religieuses, les chanoines font-ils appel à quelques séminaristes. Les cinq recteurs des paroisses desservies en la cathédrale sont également mis à contribution pour le chant de la Passion : pour l’année 1789 et les neuf premiers mois de 1790, ces recteurs reçoivent à cet effet 12 livres.

Les cinq « comptes de la fabrique de l’église cathédrale » qui nous sont parvenus pour la période 1774-1790 laissent également apparaître des versements à des « chantres passants » qui, par l’interprétation d’un motet, viennent relever le quotidien musical des cérémonies canoniales. Dans ces comptes, un chapitre de dépense leur est réservé, mais malheureusement les musiciens n’y sont que rarement nommés. En 1789-1790, cette dépense s’élève à 12 livres.

Les musiciens passants enregistrés entre 1774 et 1790

Année Mention relevée
1774  Un musicien de Rennes
1775 Un ecclésiastique prêtre qui touche 3 livres
CLAIRBOIS, clerc et maître de musique de Saint-Malo qui touche 3 livres
1776 Un jeune musicien passant de la ville de Rennes (3 livres)
1777-1778-1779
(trois années réunies dans un seul compte)
A des musiciens « passans »

Faut-il voir dans ces « musiciens passants » des musiciens à la recherche d’un poste ? Malgré une situation géographique excentrée, la cathédrale de Quimper semble occuper une certaine place dans les réseaux de l’itinérance musicienne au moins à l’échelle de la Bretagne, situation qui semble confirmée par un chapitre préoccupé par ses finances mais qui réserve une partie de son budget à cet effet. Á ces traces, il faut ajouter le nom de Philippe VAN ARCKEN, chantre gyrovague déjà entrevu dans de très nombreuses églises du royaume, qui reste environ six mois à Quimper en 1787, avant d’être renvoyé.

Quimper étant choisi pour devenir chef-lieu du Finistère, la cathédrale de l’ancien diocèse de Cornouaille devient donc cathédrale du nouveau département et le directoire du département décide de maintenir le personnel musical alors en place « jusqu’à ce qu’on en ait pu conférer avec M. l’évêque ». Le devenir des musiciens n’en est pas moins provisoirement assuré en cette période de troubles.

Jean-Julien PROVOST, Jean-Pierre MORO et Charles-Julien CORNILI restent attachés au service de la nouvelle cathédrale et semblent conserver leur fonction jusqu’à la fermeture des lieux de culte, intervenue à Quimper le jour de la fête de saint Corentin – patron de l’ancien diocèse de Cornouaille – le 12 décembre 1793, journée marquée par le saccage de l’édifice religieux et conclue par « le brulis des saints » : les statues et autres objets transportables sont amenés et brûlés en place publique sur le Plateau de la déesse, lieu aménagé au pied du Mont-Frugy à quelques centaines de mètres de la cathédrale (à côté de l’actuelle préfecture) et destiné à accueillir les fêtes révolutionnaires.

Durant l’année 1791, nous perdons de vue le sous-chantre Pierre-François-Sébastien MARESCHALLE qui semble s’être orienté vers une carrière militaire. Il décède, en 1794, à l’hôpital de Lézignan – département de l’Aude – exerçant la profession de gendarme à la 2e division organisée de Versailles, Compagnie n°3.
Quant à J.C. ROBERT, chantre éphémère, nous perdons sa trace dès le début de l’année 1791.

À la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon

En 1790, le chapitre cathédral de Saint-Pol-de-Léon abrite quinze chanoines dont cinq sont dignitaires : le grand-chantre ou chantre, l’archidiacre de Léon, l’archidiacre de Quiminidilly, l’archidiacre d’Acre et le trésorier.
D’après La France ecclésiastique, le chapitre de Léon, dont les revenus en 1788 s’élèvent à 15 000 livres, entretient un bas chœur constitué de six vicaires, d’un sous-chantre prêtre, de six enfants de chœur et d’un corps de musique.
 
• • • Un corps de musique de neuf adultes et six enfants

5-Signature des musiciens de la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon

Signature des musiciens de la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon figurant au bas de la pétition du 28 novembre 1790 (F-Ad29/ 18L98, cl. G. Riou)

Dans les faits, ce corps de musique est composé de trois chantres, d'un sous-chantre, de trois « musiciens », d’un serpent et d’un organiste. À la tête de ce corps de musique, nous trouvons un maître de musique ou de psallette, la désignation variant suivant les documents. Les effectifs léonards sont donc supérieurs de quatre unités à ceux de Quimper, soit près du double.

5 bis-Cathédrale de Saint-Pol-de-Léon

Cathédrale de Saint-Pol-de-Léon, les stalles (entre 1504 et 1512) et l'orgue construit par Robert Dallam entre 1657-1660  (cl. G. Riou, 2019)

En 1790, le maître se nomme Jean-Julien LE ROUX. Il occupe ce poste depuis 1788 à la suite du départ de François BERNARD dit BERNARDI. Ce dernier, originaire de Verdun, après avoir occupé divers postes à Verdun, Poitiers, Mantes-sur-Seine [Yvelines], peut-être à Tours et Rochefort, était arrivé en 1787 dans la cité épiscopale léonarde, où le chapitre cathédral lui avait confié l’éducation des enfants de la psallette. Mais, en 1788, le chapitre de la cathédrale de Saint-Dié dans les Vosges lui offre le poste de maître de musique. François BERNARD accepte cette proposition qui lui permet de se rapprocher de ses terres natales et de celles de son épouse. Peut-être échaudés par cette mésaventure, les chanoines de Saint-Pol-de-Léon confient alors la place à une personne qu’ils connaissent bien et de longue date. Bien qu’originaire du diocèse voisin de Saint-Brieuc, Jean-Julien LE ROUX a en effet reçu sa formation musicale à l’ombre des tours de la cathédrale léonarde en tant qu’enfant de chœur avant d’y être reçu en 1765 comme musicien.

Parmi les trois musiciens, deux ont un itinéraire géographique assez semblable à celui de Jean-Julien LE ROUX : François LE BOULCH et Hervé-Jean-André PIZIVIN. Tous deux, originaires de la ville de Morlaix, ont été reçus enfants de chœur à la cathédrale avant d’y devenir musiciens. Au contraire, le troisième – Pierre-Ignace-Jean VAN DEN STEENE – est originaire de Bergues en Flandre et a beaucoup voyagé avant d’être engagé, en 1785, par les chanoines léonards en tant que basse-taille. Nous le rencontrons en 1783 à la collégiale Saint-Martin de Tours, où il tente sans succès d’être engagé, puis l’année suivante à la cathédrale d’Évreux. Il est probable que ce soit lui que l’on retrouve à Angoulême en juillet 1785. Un an après son arrivée à Saint-Pol-de-Léon, il épouse Gilette Jeanne Martin, l’une des filles de Charles-Étienne MARTIN, maître de musique de la cathédrale jusqu’en 1787.
Quant aux trois chantres, ils sont tous originaires du diocèse limitrophe de Tréguier : Allain LIVOLANT est natif de Morlaix, Jean-Louis OCHERON de Tréguier et Jacques RAOUL de Plounérin – petite paroisse proche de Lanvellec, à 22 km de Morlaix.
Le sous-chantre, Mathurin Marie LARVOR, nait à Saint-Pol-de-Léon et est reçu au bas-chœur de la cathédrale en 1770 ou en 1772 comme plain-chantiste avant d’accéder en 1781 aux fonctions de sous-chantre. Il semble par ailleurs exercer la profession de perruquier puisqu’en 1775, il est dit maître perruquier.
Depuis 1778, le serpent est joué par Étienne-Gilles-Marie MARTIN, né à Plélo – paroisse située à une quinzaine de kilomètres de Saint-Brieuc –, qui a succédé à son père Jean-Hervé MARTIN.
L’orgue, construit comme à la cathédrale de Quimper par l’anglais Robert DALLAM en 1660, et réparé en 1786 par le frère carme Florentin GRIMONT et ses ouvriers MOBÈCHE et MÈA, est tenu depuis février 1790 par un jeune homme âgé d’environ seize ans, Jean-Marie JACQ, qui a succédé à son père, Julien JACQ, décédé en janvier 1790. Auparavant, ce jeune organiste tenait les claviers de l’orgue de l’église de Roscoff, paroisse voisine de Saint-Pol-de-Léon.

En 1790, six enfants composent la psallette de la cathédrale, sous l’autorité de Jean-Julien LE ROUX : Jean-Marie-Théodore CHALMET, Augustin BAUDET, Jean-François MARTIN, François-Marie LE ROUX, Nicolas COQUART et Louis MAISONNEUVE. Ils sont logés avec le maître dans une maison à proximité de la cathédrale.

Jean-Marie-Théodore CHALMET, originaire de Morlaix, avait été repéré par le prévôt (le doyen) de la collégiale Notre-Dame-du-Mur de Morlaix qui avait incité ses parents, bien que la collégiale relève du diocèse de Tréguier, à l’adresser aux chanoines de Saint-Pol-de-Léon.

Jean-François MARTIN est l’un des enfants de l’ancien serpent de la cathédrale Jean-Hervé MARTIN. François-Marie LE ROUX est quant à lui l’un des enfants du maître de psallette en poste en 1790, Jean-Julien LE ROUX.

Le recrutement des enfants de chœur, en 1790, paraît donc se faire au niveau local puisque, sur les six enfants, deux viennent de Saint-Pol-de-Léon et un de la ville voisine de Morlaix. Les chanoines versent aux sortants – après dix ans d’une formation commencée à l’âge de six ans – 150 livres pour les aider le temps de leurs études.

• • • Portrait de groupe

On constate que le corps de musique de la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon est relativement jeune – plus jeune que celui de Quimper – puisque ses membres ont, en 1790, entre 24 et 31 ans à l’exception de Jacques RAOUL qui fait figure de patriarche du haut de sa quarantaine. Jean-Marie JACQ en est la plus jeune recrue puisqu’il n’a que seize ans.

Tous les membres du bas chœur sont laïques à l’exception d’Hervé-Jean-André PIZIVIN qui se destine à la prêtrise. Le 18 septembre 1790, il reçoit la tonsure des mains de Mgr Jean-François de La Marche, dernier évêque de Léon.

Le recrutement des musiciens, à l’exception de Pierre-Ignace-Jean VAN DEN STEENE, s’effectue au niveau local : il se cantonne au diocèse voisin de Tréguier voire à la ville de Morlaix qui est, avec ses trois églises et sa collégiale, un foyer musical important. Sur les neuf musiciens en poste en 1790, trois ont débuté comme enfants de chœur à la cathédrale, deux autres – l’organiste Jean-Marie JACQ et le serpent Étienne-Gilles-Marie MARTIN – ont appris par leur père avant de lui succéder et ne semblent pas avoir fréquenté la psallette de la cathédrale. La musique permet donc de faire carrière à Saint-Pol-de-Léon. À la veille de la Révolution, cette voie professionnelle est toujours de mise puisque deux des six enfants de chœur sont fils de musiciens de la cathédrale.

Il faut ici signaler en particulier la famille MARTIN – dynastie musicale révélée par cette étude – qui donna à la cathédrale léonarde, en l’espace de quelque trente années, cinq musiciens et peut-être d’autres encore auparavant.

Au cours des vingt dernières années de l’Ancien Régime, on observe – comme au chœur de la cathédrale de Quimper – une grande stabilité au sein du corps musical. Cette stabilité, au-delà de la situation géographique excentrée de la cathédrale, contribue à tenir ce lieu hors des réseaux d’itinérance des musiciens. De plus, l’absence de comptes à partir de 1772 jusqu’en 1790 ainsi que des délibérations capitulaires de la cathédrale ne permet pas le repérage – comme pour son homologue de Cornouaille – de musiciens passants. Les recherches, toujours en cours sur les décennies précédentes, pourront peut-être infirmer ou au moins nuancer ce constat et permettre de replacer ce lieu dans le réseau des cathédrales bretonnes.

• • • Des destinées divergentes

En 1790, le diocèse de Léon est supprimé et Saint-Pol-de-Léon perd son siège épiscopal. La ville de Morlaix, ville portuaire et commerçante, lui est préférée pour accueillir les administrations nouvelles du district. Malgré tout, les autorités administratives estiment devoir maintenir un corps musical dans l’ancienne cathédrale devenue église paroissiale.

Le 19 décembre 1790, le directoire du district de Brest et le bureau municipal de Saint-Pol-de-Léon proposent de maintenir en l’ancienne cathédrale un effectif musical conséquent, proche de celui de 1790 : quatre chantres, un serpent, trois musiciens dont le maître de psallette, quatre enfants de chœur, un organiste et son souffleur. Le projet est soumis au district de Morlaix qui délibère dix jours plus tard en s’étonnant de l’ingérence du district de Brest sur son territoire et en rejetant la proposition, craignant qu’elle « ne soit trop onéreuse à la nation et considérant qu’en faisant quelques réductions sur la pétition, cela ne nuiroit en rien à la décence du culte divin ». Le directoire de Morlaix propose de ne maintenir que deux chantres, quatre enfants de chœur ainsi qu’un organiste. Le tout sans serpent, ni « musicien ».

Sur le terrain, tous les musiciens exercent jusqu’en décembre 1790.

L’année 1791 est marquée par les départs successifs de plusieurs d’entre eux. Seuls Jean-Julien LE ROUX, Jean-Louis OCHERON, Allain LIVOLANT et François LE BOULCH restent en poste de janvier 1791 à la fermeture des églises en décembre 1793, mais leur niveau de vie est mis à rude épreuve et ils tombent dans la précarité car les fonds de la fabrique de l’église ne permettent pas de payer leur salaire. Les archives départementales conservent plusieurs documents – pétitions collectives, pétitions individuelles, lettres de soutien ou d’appui – adressés au district de Morlaix pour demander le paiement des gages ou l’octroi de secours permettant de faire vivre les familles. Ces documents démontrent l’adaptation de ces hommes face à la nouvelle société naissante. L’exemple le plus éloquent est peut-être fourni par la pétition collective en date du 2 avril 1794 où nos chantres se définissent comme les « Républicains chantres de la paroisse de Saint-Paul ». Restant attachés à leur fonction cantorale, trois des quatre musiciens cités ci-dessus doivent occuper un emploi complémentaire : Jean-Julien LE ROUX devient dès 1792 officier d’état civil de Saint-Pol-de-Léon, Jean-Louis OCHERON opte, en 1793, pour un métier de l’artisanat en devenant couvreur d’ardoise dans la même ville et, en mai 1794, Allain LIVOLANT entame une carrière militaire en tant qu’officier de la garde nationale de Saint-Pol-de-Léon.

• Et après la période révolutionnaire que deviennent-ils ? Mathurin LARVOR, exerçant la profession de perruquier, décède en 1806 à Saint-Pol-de-Léon. En 1807, Jean-Julien LE ROUX demeure à Landerneau – à 37 km de Saint-Pol-de-Léon – où il est professeur de musique puis, vers 1813, instituteur. Jean-Louis OCHERON, resté à Saint-Pol-de-Léon, reprend un service de chantre et perçoit de la fabrique de l’église Saint-Paul-Aurélien un salaire mensuel de 68 francs pour les mois d’avril à décembre 1833. Allain LIVOLANT, demeurant toujours dans l’ancienne cité épiscopale de Léon, retrouve une place de chantre dans l’ancienne cathédrale entre mai et septembre 1805 (peut-être également en 1806) tout en conservant une place d’instituteur. Quant à François LE BOULCH, il prend les armes en 1796 et devient capitaine de la Garde nationale sédentaire de Saint-Pol-de-Léon, tout en conservant une activité musicale – encore mal connue – jusqu’à sa mort en 1801 à Lesneven où il est encore qualifié de musicien.

Hervé-Jean-André PIZIVIN, toujours présent en 1791 à Saint-Pol-de-Léon, y poursuit son cheminement vers la prêtrise, puisqu’il est en basse classe du séminaire de Léon ; il semble avoir conservé durant cette période quelques activités musicales au sein de l’ancienne cathédrale avant d’être ordonné prêtre en mars 1792. Le 16 juillet 1792, il est élu curé du Drennec, commune distante de 37 km de Saint-Pol-de-Léon, puis devient l’année suivante vicaire à Saint-Sauveur de Recouvrance (aujourd’hui l’un des quartiers de Brest). Il renonce le 6 mai 1794 à son état ecclésiastique. En novembre de la même année, il est sélectionné par le district de Lesneven pour aller étudier au sein de la toute jeune École Normale qui vient d’être créée à Paris. À la fermeture de l’École en juillet 1795, il trouve à s’engager quelque temps comme musicien auprès d’un petit théâtre parisien avant de revenir à Brest. PIZIVIN reprendra un service musical entre janvier 1810 et mai 1812 comme organiste de la cathédrale de Quimper, poste qu’il cumule avec celui de sacristain. Après cette période, il est nommé recteur dans diverses paroisses finistériennes.

Étienne-Gilles-Marie MARTIN ne semble plus occuper de fonction musicale dans l’ancienne cathédrale dès janvier 1791. Dans une lettre adressée au district de Morlaix en décembre 1790, le bureau municipal de Saint-Pol-de-Léon se félicite que à ces « mauvais citoyens, nous verrons avec plaisir qu’il n’y aura plus à l’avenir rien à leur payer ». La phrase est au pluriel car elle concerne également le sous-chantre Mathurin-Marie LARVOR. Nous perdons ensuite sa trace. L’organiste Jean-Marie JACQ est demeuré à Saint-Pol-de-Léon jusque vers la fin de 1792, puis nous le retrouvons en Ille-et-Vilaine où, domicilié à Rennes, il occupe une fonction de « contrôleur des Droits Réunis du département ». Pierre-Ignace-Jean VAN DEN STEENE a peut-être conservé quelques fonctions musicales jusqu’en novembre 1791. Nous perdons sa trace durant près de sept ans avant de le retrouver en 1798, à 165 km de là, à Pleurtuit, également en Ille-et-Vilaine, où il est secrétaire de mairie. En 1805, il s’établit à Loudéac dans les Côtes-du-Nord puis, vers 1816, il revient à Saint-Pol-de-Léon. Dans ces deux dernières communes, VAN DEN STEENE exerce le métier d’instituteur.

Quant à Jacques RAOUL, il serait le premier musicien à avoir quitté l’ancienne cathédrale. Profitant peut-être d’appuis au sein du district de Morlaix, il se voit proposer un poste de chantre en la nouvelle cathédrale constitutionnelle de Quimper, à 90 km de son lieu de résidence. Il doit refuser cette opportunité faute de moyens financiers pour y transporter sa famille et se voit contraint d’accepter une place de chantre à Landerneau, poste équivalent mais moins prestigieux pour lui qui se qualifie de « meilleur basse-taille de Saint-Pol ». Il conserve cette fonction cantorale jusqu’en 1794, puis nous perdons sa trace jusqu’à son décès en 1800 à Plestin, commune des Côtes-du-Nord où il est juge de paix.

III - LES AUTRES LIEUX MUSICAUX DU DÉPARTEMENT DU FINISTÈRE

Les archives conservées au département et à l’évêché ont permis de mettre en lumière plusieurs autres lieux musicaux du Finistère et de retracer la carrière de certains des organistes et des chantres qui y œuvraient en 1790.

Deux collégiales où l’on perçoit de la musique

Les pièces d’archives évoquant les anciennes collégiales du Léon et celle de Morlaix dépendant de l’ancien diocèse de Tréguier utilisent le terme de « chapellenies » au lieu de « prébendes ». En l’état actuel des recherches, comme le souligne Olivier CHARLES notamment dans un article consacré à la collégiale de Lamballe [Côtes-d’Armor], on peut supposer qu’en ces modestes collégiales, les prébendes se réduisent souvent à de minces chapellenies.

• • • Dans le Léon : trois collégiales silencieuses

Sur l’ancien territoire du diocèse de Léon, il existait trois collégiales. La collégiale de Kersaint-Trémazan était située à une trentaine de kilomètres au nord de Brest (aujourd’hui sur la commune de Landunvez). La collégiale Saint-Charles de Plourin avait été fondée en 1644 par François de Kergroadez, dans une chapelle près de son château à Plourin, et pourvu de deux chapellenies. La collégiale Sainte-Anne de Lesneven, fondée en 1477 par Guillaume du Châtel, comprenait en 1790 sept chapellenies. Elle se desservait jusqu’en 1753 dans l’une des deux nefs de l’église paroissiale Saint-Michel. À la suite de travaux de réédification de l’édifice qui s’achevèrent en 1762, collégiale et église paroissiale se confondirent puisque les deux se desservaient au même autel.

Les quelques comptes qui nous sont parvenus de ces collégiales n’indiquent pas de paiements à des musiciens pour le XVIIIe siècle.

• • • Notre-Dame du Mur à Morlaix : trois chantres, deux enfants de chœur et un organiste

6-Morlaix Ex-voto

Morlaix : on aperçoit le clocher de la collégiale Notre-Dame-du-Mur et le château (Ex-voto de Notre-Dame-du-Mur, milieu du XVIe s., huile anonyme, Musée de Morlaix, cl. Wikipédia)

Située dans l’enceinte du château de Morlaix (diocèse de Tréguier), la collégiale royale de Notre-Dame-du-Mur fut fondée par Jean II, duc de Bretagne de 1286 à 1305, qui l’avait pourvue de huit chapelains (comprendre chanoines). Le personnel de la collégiale se composait donc d’un premier dignitaire nommé prévôt, de huit chanoines, d’un diacre et un sous-diacre d’office, d’un sacristain, de deux « suppôts » ou chantres, d’un maître de psallette, de quatre enfants de chœur, d’un organiste et d’un bedeau.

Toutefois, l’absence de documents pour la période relative à la fin de l’Ancien Régime ne permet pas de connaître avec exactitude la composition du bas chœur de cette collégiale à cette période. Seules nous sont parvenues les pétitions des chantres Gilles HAMON, Jean François SOURIMANT et Jean François BOUGEARD. Comme à la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon, ces chantres bénéficient d’une grande stabilité : en moyenne en 1790, ils sont en poste depuis douze ans, Gilles HAMON affichant même vingt-cinq ans et deux mois de présence. Tous sont originaires de paroisses voisines de Morlaix : Ploujean pour Gilles HAMON, Plourin-lès-Morlaix pour Jean-François SOURIMANT et Morlaix même pour Jean François BOUGEARD.

L’orgue de la collégiale est tenu depuis 1780 par Joseph GARDET qui occupe une place similaire depuis 1767 au couvent des Jacobins de Morlaix. Né à Nice alors occupée par le régiment français d'Île-de-France dans lequel son père est sans doute soldat, on ignore quand la famille Gardet s’installe en Bretagne. Son père, comme sa mère, est originaire d’Authume [Jura] en Franche-Comté et est dit en 1776 « soldat invalide tenant cabaret » à Morlaix. Outre ses fonctions d’organiste, Joseph GARDET est « lieutenant des milices garde-côtes du bâtaillon de Plestin » une paroisse du diocèse de Tréguier située à quelques 20Km de Morlaix. Il s’adonne également à la facture d’orgues en 1774 au côté de Jean-Baptiste MORAIN DU COUDRAY pour refaire l’orgue de Sizun. Deux ans plus tard, en 1776, il répare seul les orgues de Brasparts, paroisse du diocèse de Cornouaille. Toujours en 1776, il est qualifié d’organiste, de marchand épicier et est secrétaire de la loge morlaisienne de La Fidèle Union. Au moment de la révolution, il devient membre de la société populaire de Morlaix et obtient le poste d’organiste de la paroisse Notre-Dame, paroisse créée par le regroupement de toutes les paroisses de Morlaix. Entre 1792 et 1795, le directoire du district de Morlaix lui confie l’expertise et l’estimation des orgues du district. Ces estimations sont un témoignage précieux permettant de connaître des orgues, qui pour quelques-uns, sont aujourd’hui disparus. Au début des années 1800 et jusqu’à son décès survenu en 1820, Joseph GARDET développe une activité de professeur de musique laissant de côté l’orgue.

La présence de deux enfants de chœur - Guillaume HUET et Guillaume COSQUER - est attestée par plusieurs quittances couvrant l’année 1790. On ne connait rien du cadre structurel dans lequel évoluent ces enfants. Ils semblent placés sous l’autorité d’un chanoine de la collégiale, le chanoine Barbançon qui signe leur quittance mais ont-ils un maître de psallette ou est-ce l’un des chantres qui est chargé de leur apprendre la musique ? En 1752, les chanoines adressent un mémoire à Louis XV pour obtenir une augmentation de ressources dans lequel ils indiquent ne pas pouvoir assurer la nourriture de leurs enfants de chœur, qui doivent être nourris par leurs parents. Qu’en est-t-il autour des années 1790 ?

7-collégiale Saint-Trémeur de Carhaix

Carhaix : la collégiale Saint-Trémeur (Taylor et Nodier, Voyages pittoresques et romantiques dans l'ancienne France). L’édifice actuel, édifié entre 1881 et 1887, conserve uniquement la tour de l’ancienne collégiale.

• • • La collégiale de Carhaix : un organiste et peut-être un chantre

L’ancien diocèse de Quimper ou de Cornouaille comptait quant à lui deux collégiales : celle de Carhaix et celle de Rostrenen. Rostrenen, ayant été rattaché au département des Côtes-du-Nord en 1790, ne sera pas ici traité. Ce faible nombre de collégiales doit résulter d’une réorganisation des structures religieuses intervenue vers le milieu du XVIIe siècle. En effet, il existait anciennement une collégiale à Loctudy – paroisse située au sud de Quimper – comptant trois chanoines non-résidents et un vicaire. Cette collégiale a disparu vers 1647-1648, devenant simple paroisse. Il en va de même à Pont-Croix, église paroissiale au XVIIIe siècle mais encore, peut-être, collégiale au siècle précédent.

Fondée à la fin du XIIIe ou au début du XIVe siècle, la collégiale Saint-Trémeur de Carhaix – 2 800 habitants en comptant les paroisses de Carhaix et Plouguer, ainsi que les trèves de Saint-Quijeau et de Treffin – abritait à la veille de la Révolution un chapitre de quatre chanoines dont l’un était recteur de Carhaix, et un autre curé (vicaire).

En 1790, le chapitre rémunère un seul musicien : un organiste nommé François LAPORTE, recruté en 1785, après avoir occupé d’autres tribunes (Morlaix, Rostrenen). Il perçoit 324 livres annuellement dont 150 sont payées par la municipalité de Carhaix et 174 livres par la fabrique de Saint-Trémeur. Nous ignorons son devenir durant la période révolutionnaire avant de le retrouver à plus de 70 km de là en direction du nord-ouest, à Lesneven (Finistère), vers 1805, où il exerce comme cordonnier. François LAPORTE reprend un service musical en 1807 en touchant les orgues de Lesneven.

Les chanoines emploient exceptionnellement les services de Jean-Yves LE FOLL, chantre de la paroisse voisine de Plouguer. Jean-Yves LE FOLL est le seul chantre de l’ancien diocèse de Cornouaille dont les archives départementales gardent une pétition dans les sous-séries regroupant les pétitions des bedeaux, organistes et chantres adressées aux districts.

Les abbayes, couvents et monastères : des lieux partiellement muets

Les cotes 18 L 96 à 99 qui regroupent les demandes de pensions des bedeaux, des organistes et des chantres pour les différents districts du Finistère, ne contiennent pas de pétitions émanant de musiciens au service d’une communauté religieuse. La série H, consacrée aux établissements réguliers sous l’Ancien Régime, n’éclaire pas plus la vie musicale de ces maisons religieuses et compte d’importantes lacunes qui peuvent s’expliquer par la dispersion des archives souvent remises aux acquéreurs des biens ou plus simplement brûlées car « entachées de féodalité ». Lorsqu’il existe un fonds d’archives, il n’abrite le plus souvent que des actes concernant les biens dépendant de ces lieux.

• • • Dans le diocèse de Léon

La vie musicale des deux abbayes – l’abbaye mauriste Saint-Mathieu (ou Saint-Mahé), aussi appelée Saint-Mathieu de Fine-Terre (aujourd’hui sur la commune de Plougonvelin) et l’abbaye cistercienne du Relec (ou du Relecq) – et des couvents du diocèse de Léon est encore mal connue.

Nous savons que l’abbaye cistercienne du Relec, située en la paroisse de Plounéour-Ménez, disposait d’un orgue. Pour la seconde moitié du XVIIIe siècle, le seul nom d’organiste qui nous soit parvenu est celui de Pierre-Jean QUEFFÉLEC. Nous le connaissons par l’intermédiaire de la délibération du conseil de fabrique de Sizun qui le reçoit comme organiste le 8 octobre 1775 et qui précise qu’il était précédemment organiste à l’abbaye du Relec, distante de 33 km.

8-Abbatiale Sainte-Croix de Quimperlé

Quimperlé : intérieur de l’abbatiale Sainte-Croix dans la 1ère moitié du XIXe siècle (Taylor et Nodier, Voyages pittoresques et romantiques dans l'ancienne France)

Il en va de même pour les couvents et les monastères léonards. Les seules mentions retrouvées concernent le couvent des Minimes de Saint-Pol-de-Léon. L’une est d’autant plus précieuse qu’elle est l’unique trace retrouvée d’une musicienne, la demoiselle JACQ. Dans une pétition collective rédigée en 1791 par les membres du bas-chœur de la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon, Jean-Marie JACQ indique en effet qu’une de ses sœurs, Marie-Françoise, est organiste des Pères Minimes de Saint-Pol-de-Léon. Elle ne semble pas avoir poursuivi d’activité musicale visible à la suite de la fermeture des abbayes et des couvents. L’autre concerne Nicolas LE GUERNIGOU, originaire de la paroisse Saint-Martin de Morlaix, qui y est chantre entre février 1780 et juin 1782 à raison de 150 livres annuelles. A partir de juillet 1784, il occupe une place similaire en sa paroisse natale.

• • • Et dans l’ancien diocèse de Quimper

9-Anne Marie Audouyn de Pompéry

Anne Marie AUDOUYN DE POMPÉRY (1762-1820), musicienne et épistolière

Le constat est le même : l’abbaye mauriste de Landévennec n’a pas encore révélé la présence d’un personnel musical.

Le premier établissement où la présence d’un personnel musical est attestée, est l’abbaye mauriste de Quimperlé qui emploie un organiste : Christophe-Marie LAPORTE. Originaire de Morlaix, Christophe-Marie LAPORTE officiait en la paroisse Saint-Melaine de sa ville natale lorsque les religieux de l'abbaye royale Sainte-Croix de Quimperlé le sollicitèrent en 1768. À la suite de la suppression des communautés religieuses, LAPORTE se trouve à Quimper dès la fin de l’année 1790, où, recommandé par Mme Audouyn de Pompéry, il donne des leçons de piano-forte. Mais dès 1792 il retourne à Morlaix, sa ville natale, où il semble avoir occupé un poste d’organiste puisque le directoire du district de Quimper statuant en 1794 sur ses services rendus comme « organiste à la République » et ses « talents supérieurs dans la musique », souhaite qu'il soit doté « d'une pension qui puisse le recompenser de ses services pour la Nation ».

Les archives du district de Quimper révèlent également la présence d’une demoiselle ROZAVEN qui tient, en 1790, l’orgue de la chapelle des Dames de Kerlot, abbaye cistercienne de Quimper.

Enfin, le couvent des Carmes de Pont-l’Abbé emploie en 1790 un jeune homme de quinze ans qui est un temps élève pour le piano de Mme Anne Marie Audouyn de Pompéry : Jean-Augustin-Marie BLANCHARD est originaire de Locronan où son père, Jean-Joseph BLANCHARD, était organiste.

Du côté des paroisses

Le dépouillement des séries L et G (archives des paroisses) a révélé 23 noms d’organistes et de sept chantres en activité en 1790.

• • • Les organistes paroissiaux

Les 24 organistes sont âgés de 15 à 64 ans mais la plupart ont autour de la trentaine. Quasiment tous originaires du futur Finistère, ils occupent des places dans leur paroisse d’origine ou à proximité. Pleyben et Morlaix en sont les principales pourvoyeuses. Pour le cas de Pleyben, il semble que les organistes aient tous un lien de famille.

Les organistes paroissiaux 1790 retrouvés

Nom Âge en 1790 Lieu d’origine Lieu d’exercice en 1790
Jean Marie BIZIEN 49 ans Lochrist  Lochrist 
Jean Joseph BLANCHARD 43 ans  Quimper Quimperlé jusqu'en septembre 1790
Pierre François DANIELLOU 24 ans Pleyber-Christ Pleyber-Christ
Antoine Bonnaventure GAILHAC 64 ans Rostrenen Landerneau
François GARNAULT 21 ans Morlaix Roscoff
Jean LAMBERT ? ? Crozon
François LAPORTE 39 ans Morlaix Carhaix
Julienne LECTURE 53 ans Rennes (la famille s’installe à Morlaix) Pont-Croix
Jean Yves LE GOFF 22 ans Pleyben Morlaix
René LE NAOUR 38 ans Brest (famille d’Audierne) Audierne
François Marie LE RIDELLER 22 ans Morlaix Saint-Thégonnec
Jean Marie LE RIDELLER 36 ans Morlaix Morlaix
Gilles LOYER 27 ans Saint-Jean-du-Doigt Saint-Jean-du-Doigt
François MORVAN 43 ans Morlaix La Martyre
Maurice PLOUZENNEC 36 ans  Pleyben ?
Pierre Jean QUEFFELEC 33 ans Pleyben  Sizun
Mathieu Marie ROUVAULT ? ? Guimiliau ?
RUCARD ? ? Rumengol ?
Michel SALAUN 57 ans Pleyben  Goulven
François Marie Théophile VÉRAX 35 ans Quimper  Locronan
10-Pont-Croix tribune de l’orgue

Pont-Croix : l’ancienne tribune de l’orgue (cl. G. Riou, 2019)

Parmi ses organistes, le Finistère compte une femme : Julienne LECTURE, originaire de Rennes, fille d’un maître à danser. Vers 1740-1750, la famille LECTURE s’établit en la ville de Morlaix où son père, en plus de ses activités, tient durant trois ans l’orgue de l’église Saint-Melaine, à la suite du départ en 1759 de l’organiste NOROY. Après avoir peut-être débuté sa carrière comme « organistesse » en l’église de La Martyre à quelques 34 km de Morlaix, Julienne LECTURE occupe dès septembre 1764 la tribune de l’église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix, paroisse du diocèse de Quimper située à 73 km de La Martyre. Elle épouse Mathieu Olivier Vincent « notaire et procureur au marquisat de Pont-Croix et de la cour et juridiction de Lezoualch ». La « dame Vincent » touche, jusqu’en 1794, un petit instrument de « 3 jeux d’ange [sic] & 8 demi jeu et 1 demi en bois » qu’elle estime, en 1795, valoir 300 livres et être en mauvais état. De ce petit instrument, il ne reste plus aujourd’hui que la tribune.

• • • Quelques chantres paroissiaux émergés des sources

Si la présence d’organistes et la conservation de leur poste jusqu’à la fermeture des églises en décembre 1793 voire au-delà pour certains d’entre eux sont attestées par de multiples sources, en revanche la présence des chantres paraît moindre tant dans l’ancien diocèse de Léon – six chantres retrouvés – que dans celui de Quimper.

Pour le diocèse de Quimper, nous n’avons relevé la présence que d’un seul chantre : Jean-Yves LE FOLL à Plouguer que nous avons déjà croisé occasionnellement en la collégiale voisine de Carhaix.

Dans le diocèse de Léon, deux chantres œuvrent dans la région de Morlaix : François FAUJOUR à Sainte-Sève (succursale de Saint-Martin, l’une des paroisses de Morlaix) et Nicolas LE GUERNIGOU, dont l’activité cantorale est encore hypothétique en 1790. Les quatre autres chantres – Hervé GUÉLENNEC, Jérôme FLOCH, François SÉGALEN, Jacques BOTQUELEN – occupent des places dans des paroisses proches de Brest : respectivement Brouennou, Tréouergat, Plouguer, Saint-Marc (aujourd’hui dépendant de Brest). En moyenne, ils sont en poste depuis une dizaine d’années. À part Nicolas LE GUERNIGOU, ils ne paraissent pas être rémunérés par les fabriques des paroisses mais font une quête annuelle et exercent une profession par ailleurs. Seule exception, François FAUJOUR perçoit une livre et quelques sols (la somme variant légèrement chaque année en fonction du nombre d’offices assurés) de la fabrique du Saint-Sacrement pour chanter des nocturnes une fois par mois ainsi que durant les vêpres et la procession de la fête du Saint-Sacrement. La fabrique de la paroisse lui paie également un peu plus d’une livre pour chanter durant des nocturnes et à diverses processions.

Les chantres paroissiaux 1790 retrouvés

NOM Âge en 1790 Paroisse Années d’exercice comme chantre Métier
François FAUJOUR ? Sainte-Sève 9 ou 10 ans inconnu
Nicolas LE GUERNIGOU 32 Saint-Martin (Morlaix) 5 ou 6 ans Non
Hervé GUÉLENNEC 52 ans Brouennou 13 ans inconnu
Jérôme FLOCH ? Tréouergat Plus de 8 ans ménager
François SÉGALEN ? Saint-Marc 12 ans ouvrier au port de Brest
Jacques BOTQUELEN 47 ans Saint-Pabu 13 ans inconnu

  
    

À ces chantres, il faut ajouter le cas particulier de Mathieu ROUVAULT qui, ancien organiste de Guimiliau jusque vers 1790-92, signe avec la fabrique de Lampaul-Guimiliau en septembre 1792 un acte d’engagement pour occuper les fonctions d’organiste-chantre. Il explique ce cumul par le fait qu’il lui faut « servir de chantre à la dite eglise au defaut de prêtre pour aider monsieur le vicaire se trouvant seul pretre dans l’endroit, ne pouvant suffire par luy même tant pour les messe à Chants[,] service et ôbits de fondations ».

Ces chantres qui en 1790-1792 pétitionnent pour obtenir un salaire, laissent dans l’ombre tous ceux qui, n’acceptant pas les prêtres constitutionnels, arrêtent leur activité cantorale en 1790. Par ailleurs, nombre de pétitions signées par des prêtres constitutionnels soulignent la difficulté à trouver des chantres au moment de leur installation, le « personnel » en place avant 1790 refusant de les servir.

• • • Saint-Louis de Brest, un lieu à part

13-Brest - Aigle

Brest : Aigle provenant de l’ancienne église Saint-Louis détruite durant la 2nde Guerre Mondiale (cl. coll. part.). Ce lutrin fait partie d’une  garniture d'autel fournie en 1759 par Jean Baptiste Le Clair fondeur et dinandier à Paris.

Vers 1792, l’église Saint-Louis de Brest semble disposer d’un chœur assez développé : au moins un chantre (et peut-être un second), un serpent, un organiste et des enfants de chœur qui sont instruits par le serpent. Les fonds de cette paroisse, conservés aux Archives départementales, concernent essentiellement les années 1792-1793 et ne permettent pas de connaitre précisément l’activité musicale de ce lieu avant la Révolution.

Parmi les musiciens de cette paroisse et plus largement du Finistère, il en est un qui se distingue particulièrement : il s’agit de l’organiste WAFFNER. Peut-être d’origine allemande comme semble le penser Madame Audouyn de Pompéry dans l’une de ses lettres – à moins qu’il ne vienne d’Alsace – WAFFNER est choisi, en mai 1789, par la fabrique de l’église Saint-Louis pour toucher, l’année suivante, l’instrument que viennent d’achever le Frère Florentin Grimont et ses compagnons. En attendant l’achèvement des travaux à l’orgue, WAFFNER fait école à quelques enfants et donne des cours de musique. Il semble garder cette activité éducative jusqu’en 1793, année où nous perdons sa trace. Ce musicien semble avoir joui d’une assez grande réputation dans le milieu musical finistérien puisque Mme de Pompéry écrit en 1791, alors qu’elle réside à Quimper : « J'aurais voulu […] que mon talent pût égaler celui de Mlle Floch, mais je luis cède la pomme. Jouer des concerts de Clementi par cœur, dédaigner la musique facile, faire les passages les plus difficiles avec une égalité et une précision admirables ! Elle a donc pris des leçons de VAFNER ou de quelques autres ? ». Déjà dans une lettre d’avril 1790, elle écrit « […] j'ai terminé mon voyage par un petit séjour à Brest. J'y ai fait beaucoup de musique, j'ai entendu de bons maîtres : un allemand et un italien ; j'ai joué effrontément devant les deux et on a eu la bonté de m'applaudir ». Cet « allemand » pourrait être notre organiste de l’église Saint-Louis.

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Cette enquête a permis d’établir la présence de quelque 65 musiciens – dont quelques musiciennes et enfants de chœur –, actifs en 1790 dans une quarantaine de lieux et ainsi de replacer ce département de l’extrême pointe armoricaine dans le réseau musical breton mais aussi français. L’enquête toujours en cours permettra, par la poursuite du dépouillement des comptes de paroisses et des registres paroissiaux, de compléter ce panorama qui pourra également s’enrichir des contributions des lecteurs.

Gwenaël RIOU,
Programme Muséfrem (octobre 2019)

Le travail sur les musiciens de ce département a bénéficié des apports de, notamment : Xavier Bisaro (†), François Caillou, Youri Carbonnier, Olivier Charles, Bernard Dompnier, Sylvie Granger, Isabelle Langlois, Kristell Loussouarn (Archives Diocésaines de Quimper), Christophe Maillard, Georges Provost…

Mise en page et en ligne : Sylvie Lonchampt et Agnès Delalondre (CMBV)
 

 >>> Si vous disposez de documents ou d’informations permettant de compléter la connaissance des musiciens anciens de ce département, vous pouvez signaler tout élément intéressant ICI. Nous vous en remercions à l’avance.

L’amélioration permanente de cette base de données bénéficiera à tous.

 

Les lieux de musique en 1790 dans le Finistère

Les lieux de musique documentés pour 1790 dans le département sont présentés par catégories d’établissements : cathédrale, collégiales, abbayes, monastères et couvents, autres établissements (par exemple d’enseignement, de charité…), paroisses (ces dernières selon l’ordre alphabétique de la localité au sein de chaque diocèse).

Diocèse de Quimper

Diocèse de Léon

Diocèse de Tréguier

  

Pour en savoir plus : indications bibliographiques

Sources imprimées :

  • Jacques CAMBRY, Voyage dans le Finistère, [1ère édition : 1798], Paris, Éditions du Layeur, 2000, 378 p.
  • Mme AUDOUYN DE POMPÉRY, Á mon cher cousin…, Marie-Claire Mussat et Michel Maréchal (éd.), Paris, Éditions du Layeur, 2014, 577 p.

Bibliographie :

  • François LESURE, Dictionnaire musical des villes de province, Paris, Klincksieck, 1999, 367 p. [seule la ville de Brest fait l’objet d’une notice, essentiellement consacrée au XIXe siècle, p. 112-114].
  • Jean-Marie ABGRALL, « Notices sur les paroisses », Bulletin de la Commission diocésaine d'Architecture et d'Archéologie, Quimper, A. de Kerangal, publiées entre 1901 et 1919.
  • Xavier BISARO « Une liturgie ordinaire en des temps extraordinaires. Des chantres bretons sous la Révolution », Revue de Musicologie, 93/2, 2007, p. 317-335.
  • Xavier BISARO, Chanter toujours, Plain-chant et religion villageoise dans la France moderne (XVIe-XIXe siècle), PUR, 2010, 246 p.
  • Yves-Pascal CASTEL, Tanguy DANIEL, Georges-Michel THOMAS, Artistes en Bretagne : Dictionnaire des artistes, artisans et ingénieurs en Cornouaille et en Léon sous l’Ancien Régime, Quimper, Société archéologique du Finistère, 1987, 364 p.
  • Yves-Pascal CASTEL, Tanguy DANIEL, Georges-Michel THOMAS, Artistes en Bretagne : Dictionnaire des artistes, artisans et ingénieurs en Cornouaille et en Léon sous l’Ancien Régime, Tome II : additions et corrections, Quimper, Société archéologique du Finistère, 2013, 478 p.
  • Olivier CHARLES, Chanoines de Bretagne. Carrières et cultures d’une élite cléricale au siècle des Lumières, Rennes, PUR, 2004, 456 p.
  • Olivier CHARLES, « ‘‘La meilleure vie du monde ?’’ Entre discrétion et ostentation : les chanoines des cathédrales bretonnes et la richesse au XVIIIe siècle », L. Bourquin et Ph. Hamon (dir.), Fortunes urbaines, Élites et richesses dans les villes de l’Ouest à l’époque moderne, Rennes, PUR, 2011, 216 p., p. 129-149.
  • Olivier CHARLES, « Le chapitre cathédral, du XVIIe siècle à nos jours », Mgr Jean-Marie Le Vert (dir.), Quimper, La grâce d’une cathédrale, Strasbourg, La Nuée bleue, 2013, 413 p., p. 343-348.
  • Michel COCHERIL, Les facteurs d’orgues en Bretagne de 1600 à 1900, thèse de doctorat d’Etat, université Rennes 2 (M.-Cl. Mussat, dir.), 1992, 5 volumes, 701 p.
  • Joachim DARSEL, « Les sociétés de pensée à Morlaix à la fin du XVIIIe siècle », Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, t. XXXVI, 1956, p. 81-118.
  • Serge DUIGOU, Demeures anciennes du Pays Bigouden, Quimper, Éditions Ressac, 31 p.
  • Bruno LE GALL et Jean-Paul PERON, « La franc-maçonnerie à Quimper dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Répertoire prosopographique des membres des loges quimpéroise (1763-1790) », Bulletin de la Société archéologique du Finistère, Tome CXXXVIII, 2010, p. 297-340 et Tome CXXXIX, 2011, p. 335-418.
  • Yves LE GALLO (dir.), Le Finistère de la préhistoire à nos jours, Saint-Jean-d’Angély, Bordessoules, 1991, 600 p.
  • Yves LE GALLO, « Brest au XVIIIe siècle », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, t.84, n° 2, p. 167-171, 1977.
  • Marie-Claire MUSSAT, « Un groupe social méconnu : les musiciens dans les villes bretonnes à la veille de la Révolution », T. Daniel (actes réunis par), La Bretagne, une province à l’aube de la Révolution, Brest-Quimper, Centre de recherche bretonne et celtique/Société archéologique du Finistère, 1989, p. 103-123.
  • Marie-Claire MUSSAT, « Les citoyens-musiciens en Bretagne d’une République à l’autre », A. Droguet (actes recueillis par), Les Bleus de Bretagne de la Révolution à nos jours, Saint-Brieuc, Fédération Côtes-du-Nord 1989, 1991, p. 249-261.
  • Marie-Claire MUSSAT, « L’imbrication des maîtrises dans la vie de la cité. Du religieux au politique : l’exemple de l’Ouest de la France », B. Dompnier (dir.), Maîtrises et chapelles aux XVIIe et XVIIIe siècles. Des institutions musicales au service de Dieu, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, 2003, p. 231-245.
  • Marie-Claire MUSSAT, « Les chemins de la musique en Bretagne au XVIIIe et au début du XIXe siècle », Revue de musicologie, t. 92, 2006, p. 83-95.
  • Gwenaël RIOU, « Sept siècles de musique au chœur », Mgr Jean-Marie Le Vert (dir.), Quimper, La grâce d’une cathédrale, Strasbourg, La Nuée bleue, 2013, 413 p., p. 383-390.

Ressources en ligne :

Bibliographie élaborée par Gwenaël RIOU,
Programme Muséfrem
(juin 2019)

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