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BERTRAND, Jeanne Marie, épouse JANNOT (1738-1804)

BERTRAND, Jeanne Marie, épouse JANNOT (1738-1804)

État civil
NOM : BERTRAND     Prénom(s) : Jeanne Marie     Sexe : F
Complément de nom : épouse JANNOT
Autre(s) forme(s) du nom : JEANNOT
JEANNEAU
JANNEAU
JANOT
JANEAU
JEANOT
Date(s) : 1738-4-29  / 1804-3-5 
Notes biographiques

Jeanne-Marie BERTRAND est l'une de ces innombrables organistes qui "touchaient" des orgues à la veille de la Révolution et que l'enquête Muséfrem permet peu à peu de redécouvrir. Issue d'une famille d'organistes et de facteurs d'orgues, elle devient organiste et épouse un organiste. Elle occupe successivement au moins trois postes différents en Bretagne, puis en Anjou.

• 29 avril 1738, Vitré [Ile-et-Vilaine] : Née le jour même, Jeanne-Marie BERTRAND est baptisée paroisse Notre-Dame. Elle est la fille aînée de François-Étienne BERTRAND et de Jeanne-Marie Pottier, mariés à Vitré un an plus tôt, le 1er mai 1737. Son parrain est son grand-père paternel, Jean BERTRAND, dit Saint-Jean. Si l'acte de baptême reste muet sur les métiers des protagonistes, d'autres documents indiquent que son père est facteur d’orgues, et que son grand-père et parrain est également organiste et facteur en Bretagne.
Son oncle, Joseph-Marie BERTRAND, est prêtre et organiste à la tribune de Notre-Dame de Vitré pendant l'enfance de Jeanne Marie. Son jeune frère Jean François BERTRAND sera lui-même formé au métier, semble-t-il par leur grand-père. Il est donc possible – et même très vraisemblable – qu'elle ait été formée également au sein du milieu familial.

• 11 avril 1752, Vitré : "Décédé d'avant hier", son père, le sieur François[-Étienne] BERTRAND, âgé de 34 ans, est inhumé dans le cimetière de la paroisse Notre-Dame.

• [1758-59], Vitré ??? : C'est alors que Jeanne-Marie BERTRAND aurait commencé à exercer son métier de musicienne, si l'on en croit sa déclaration de 1791 selon laquelle elle a “passé 32 ans au service des communautés, tant en qualité d’organiste métraisse de chant que de service au chœur...”. Aucune trace précise du poste par elle alors occupé n'a été retrouvée. Elle pourrait avoir exercé au sein de l'un des couvents ou monastères de la ville, peut-être chez les Augustines.

• Mars-avril 1761, Vitré : Son oncle, Joseph-Marie BERTRAND, qui était organiste de Notre-Dame de Vitré, est nommé maître de psallette puis organiste de la collégiale de Champeaux [Ille-et-Vilaine], à quelques km à l'ouest de Vitré. Après son départ, c’est Hyacinthe TRUBLET, organiste de la Madeleine, qui s’installe à la tribune de Notre-Dame et Jeanne-Marie BERTRAND à celle de la collégiale de la Madeleine.

• 1763, Vitré : “La demoiselle Bertrand, organiste de la Madeleine est capitée pour la 1ère fois, au niveau de 4 livres. Elle figure dans les rôles suivants pour 3 livres en 1764, 1765, 1766. Elle vit alors "boulevard de la porte d’en-haut" adresse où résidait précédemment son grand-père avant qu'il ne parte pour Champeaux, afin de remplacer à l'orgue de la collégiale son oncle Joseph-Marie, mort le  23 octobre 1763.
À partir de 1767, on ne trouve plus la demoiselle BERTRAND dans les rôles vitréens.

• 19 mars 1765, Vitré : Jeanne-Marie BERTRAND signe au mariage de sa cousine Olive-Marie-Madeleine Bertrand avec Gilles-François Jamois.
Puis le 2 avril 1765 [sic] elle est la marraine de leur fils François-Jean, elle est dite "tante de l’enfant".
Son départ de Vitré pour Azé se place donc après cette date, et sans doute plutôt durant l'été 1766 puisqu'elle est encore inscrite sur le rôle de taille vitréen de 1766, arrêté au mois de juin.
Une question se pose : la jeune femme avait-elle gardé avec elle jusqu'alors à Vitré son jeune frère Jean-François, ou bien celui-ci était-il parti rejoindre leur grand-père à Champeaux ? On sait en effet que ce grand-père, en 1767, déclare avoir "instruit et fait instruire" son petit-fils Jean-François en matière d'orgue, mais on sait aussi que les chanoines de Champeaux trouvent cette instruction insuffisante et souhaitent qu'elle soit complétée... Elle avait donc peut-être été de courte durée (éventuellement seulement entre le départ de Jeanne-Marie mi 1766 et mars 1767, date de la déclaration du grand-père ?)

• 1er octobre 1766, Azé [Mayenne, tout près de Château-Gontier] : “Demoiselle Jeanne-Marie Bertrand, organiste des dames religieuses du Buron est la marraine du 4ème enfant de Théodore LAROCHE, maître de danse, qui s'était marié à Notre-Dame de Vitré, le 29 mai 1760 avec Angélique-Andrée Tison, née vers 1735 à Vitré, peut-être une amie d'enfance de Jeanne-Marie Bertrand, qui a trois ans de moins. Dans les signatures de l’acte de baptême apparaît aussi celle d'un certain... “Louis Jannot org. du grand St Jean”.
La précédente organiste connue des Cordelières du Buron était en 1760 une sœur converse nommée Anne Macèle du PERRAY, organiste en activité depuis 1713, si l'on en croit les relevés de Mathurin-René Thoré (1756-1811) conservés aux archives municipales de Château-Gontier.
Malgré la règle franciscaine basée sur la pauvreté, ces religieuses du tiers-ordre régulier franciscain, dites Cordelières, vivaient dans un certain faste : les archives mentionnent de nombreuses rentes et fondations, l'abbatiale était dotée de retables, d’une tribune d’orgue et peut-être d'un jubé. On devine la richesse du mobilier : stalles sculptées, tapisseries, statuaire. Des pots-acoustique sont toujours en place dans ce qui subsiste aujourd'hui des bâtiments (devenus propriété privée). À titre d'exemple, on peut voir dans le bras sud du transept de l'actuelle église paroissiale Saint-Saturnin d'Azé un retable de 1627 qui provient du couvent de franciscaines du Buron et dont la belle statuaire est attribuée à l’atelier angevin renommé de Pierre Biardeau. Jeanne-Marie BERTRAND avait donc obtenu là un poste intéressant et sans doute confortable.

• 8 juin 1768, Azé : Jeanne-Marie BERTRAND et Louis JANNOT, organiste à Saint-Jean de Château-Gontier, se marient. Jeanne-Marie est toujours organiste du couvent des franciscaines du Buron d'Azé. 

• 21 juin 1769, Azé : Un an après le mariage, naît un premier enfant, Louis-Jean. Il est baptisé deux jours plus tard.
Il meurt à presque 3 ans, le 1er juin 1772, à Château-Gontier, paroisse St-Jean. Il est inhumé le 2 juin dans le cimetière de St-Jean l’Évangéliste. Il avait peut-être été emmené d'Azé à Château-Gontier même pour y être soigné.
• 26 novembre 1773, Azé : Un second fils, Louis-Saturnin, vient au monde et est baptisé le même jour en l'église paroissiale, dédiée à saint Saturnin (d'où son second prénom).
• 23 juin 1776, Azé : Une fille, Julie-Jeanne, naît et est baptisée le même jour.
On peut penser que jusqu'à cette date au moins, Jeanne-Marie BERTRAND est toujours en poste à son orgue d'Azé. Mathurin-René Thoré ne la mentionne pas dans ses listes, sans doute parce qu'elle est laïque.
L'espacement de ces trois naissances, la conception du second fils après la mort du premier… tout cela suggère (peut-être) une volonté de contrôle de leur descendance par les deux époux.

• [1780 ou 1781], Écouflant [Maine-et-Loire] : Les époux se séparent, Louis Jannot garde le fils survivant, alors que Jeanne-Marie entre à l'abbaye du Perray-lès-Angers, à Écouflant, tout près d'Angers, à 45 km de Château-Gontier, comme organiste, maîtresse de chant et "pour servir au chœur". On peut faire l'hypothèse d'une possible volonté de se préparer une retraite autonome, assortie d'une séparation conjugale à l'amiable.
En septembre 1779, l'organiste attesté à l'abbaye du Perray était Anselme Rosalie GIRAULT. En janvier 1782, le sieur GIRAULT est l'organiste de l'abbaye de Toussaint : c'est donc entre ces deux dates que Jeanne-Marie BERTRAND l'a remplacé au Perray.

• Jusqu'en 1790, Écouflant : Jeanne-Marie Bertrand, femme Jannot, est toujours "officière organiste" à l'abbaye du Perray. Elle pensait y être "fixée pour sa vie". À 52 ans elle est signalée comme "infirme".
• 17 août 1790, Écouflant : Jeanne-Marie Bertrand adresse une supplique au directoire du district d'Angers, profitant d'une inspection, et demande à pouvoir continuer à loger à l'abbaye jusqu'à la saint Jean-Baptiste prochaine [juin 1791], malgré la fermeture de l'établissement.
• Septembre 1790 : À la suite de la fermeture et de l'évacuation de l'abbaye du Perray pendant l'été 1790, elle est partie s'installer au bourg de Pellouaille, à 5 km du Perray. Elle achète quelques objets lors de la vente des effets de l'abbaye.

• Le 9 mai 1791, elle dépose une deuxième requête. Elle se dit réduite à l’extrême misère, malgré quelques versements de l'administration (deux de 72 livres et un de 36 livres).
• 14 mai 1791 : Le directoire du district d'Angers propose de lui allouer une pension de 200 livres annuelles et à vie.

• 19 septembre 1793, près de Saumur : Louis JANNOT qui s'était joint six jours plus tôt à l'armée levée "pour aller combattre les ennemis de la Vendée", est tué dans la défaite de l’armée républicaine.
• 15 novembre 1793, Château-Gontier [Mayenne] : Jeanne-Marie BERTRAND, désormais veuve Jannot, revient au 'domicile conjugal' et emménage quartier du Temple.
Alors qu'elle avait d’abord été pensionnée tout à fait officiellement dans le département de "Mayenne & Loire" en tant qu’ancienne organiste, elle semble refaire des démarches pour l’être cette fois en Mayenne au titre des "secours et pensions accordés par la bienfaisance nationale aux veuves et parents des deffenseurs de la patrie", peut-être dans l'espoir d'obtenir une pension supérieure. Espoir déçu : la pension qui lui est accordée reste fixée à 200 livres par an.

• Entre 1794 et 1798, elle multiplie les démarches, prête plusieurs serments et demande des certificats : serment civique (9 février 1794), certificat de naissance et certificat de vie, d'individualité, et de résidence (21 juillet 1798), déclaration de non-rétractation (23 juillet 1798), serment de haine à la royauté (25 août 1798).

• 5 mars 1804 [14 ventôse XII], Château-Gontier : Jeanne-Marie Bertrand s'éteint à l'hôpital St-Julien. Son acte de décès ne mentionne plus son ancien état d'organiste (alors qu'il figurait sur tous les états de paiement), mais la dit "pensionnaire de l'État", et ne manque pas de rappeler qu'elle est veuve de Louis JANNOT "mort dans la Vendée".

• • • Bibliographie :
       Sylvie Granger, « Deux Organistes aux destins voisins : Marie-Claude Renault-Bainville (1724-1803) & Jeanne-Marie Bertrand-Jannot (1738-1804) », Annales Historiques de la Révolution française, 2011, n°4, pages 3 à 27.

Mise à jour : 19 décembre 2019

Sources
D-Ad53/ NMD Château-Gontier an II ; F-Ad35/ BMS Notre-Dame de Vitré et Ad53/ BMS Azé ; F-Ad35/ BMS Vitré, Notre-Dame ; F-Ad35/ C 4026 ; F-Ad35/ C 4027 ; F-Ad49/ 1 L 980/10 ; F-Ad49/ 1 L 986 ; F-Ad49/ 1 Q 608 ; F-Ad53/ BMS Azé ; F-Ad53/ D Château-Gontier an XII ; F-Ad53/ L921 ; S.Granger, "Deux organistes aux destins voisins…", AHRF, 2011

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