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Musique et musiciens d’Église dans le département de la VIENNE autour de 1790
« Les clochers semblaient de loin une forêt de pyramides plus ou moins aiguës qui s’élevaient au dessus de la ville. Il s’écoulait peu d’instants de suite, surtout dans la matinée, sans que l’on entendît le son de quelque cloche, soit dans un quartier, soit dans un autre ; et la veille ainsi que le jour des grandes fêtes, le bruit de tous les carillons réunis produisait un effet bien propre à étonner les oreilles qui en étaient frappées pour la première fois...»
C'est ainsi que Louis-François-Marie Bellin de La Liborlière (1774-1827), homme de lettres originaire de l'actuel département des Deux-Sèvres et recteur de l'Académie de Poitiers à partir de 1815, décrivait le paysage sonore de Poitiers à la fin du XVIIIe siècle (Vieux souvenirs de Poitiers…, 1846, p. 18-19). Toujours d'après La Liborlière, Poitiers comptait « au moins soixante édifices consacrés au culte catholique » et il « pouvait se dire tous les jours à Poitiers, terme moyen, 250 messes ».
Une telle activité religieuse laisse supposer l'entretien régulier de corps de musique au sein des chapitres et sous-entend que le chant d'église avait lui aussi une place importante dans le paysage sonore de la ville. Qu'en était-il alors du métier de musicien d'Église à Poitiers et dans son diocèse ?
* * *
Poitiers - Notre-Dame la Grande
Photo : © ahisgett
1. Hégémonie de la capitale administrative
1.1 Le territoire de la Vienne
Le département de la Vienne est parmi ceux dont les frontières s'accordent le plus fidèlement aux anciennes délimitations territoriales. L'ancienne province de Poitou fut répartie entre trois départements : la Vendée, correspondant à la partie occidentale du Bas-Poitou, la Vienne, correspondant à la partie centrale et orientale du Haut-Poitou et les Deux-Sèvres au centre, entre les deux. Lors du redécoupage, quelques menues parcelles furent toutefois laissées aux départements limitrophes (Loire-Atlantique, Maine-et-Loire, Indre, Charente, Haute-Vienne et Charente-Maritime).
Avant la Révolution, le diocèse de Poitiers s'étendait grosso modo sur tout le Haut-Poitou, mordant un peu sur l’Anjou le long de sa lisière nord. À la suite du décret du 12 juillet 1790, le diocèse, réduit aux limites du nouveau département de la Vienne passe de 734 à 378 paroisses. Ensuite, redessinée à la suite du Concordat de 1801, la nouvelle carte des diocèses prévoit d'étendre de nouveau le diocèse de Poitiers au département des Deux-Sèvres. Il retrouvera alors, plus ou moins, son ancien territoire.
D'après Jean Tarrade, la concordance quasi parfaite entre les délimitations territoriales et la réalité géologique fait de la Vienne « un ensemble géographique cohérent » (J. Tarrade, 1986). Le fameux Seuil du Poitou relie le Massif armoricain à la Gâtine Poitevine et au Massif Central. Ainsi le département est-il un lieu de passage privilégié entre le Bassin Parisien et le Bassin Aquitain. Il offre un terrain naturellement propice à la mise en place de grandes voies de Paris jusqu'à l'Aquitaine et l'Espagne.
En 1780, la ville de Poitiers, capitale administrative du Haut-Poitou, comptait 17 800 habitants, ce qui en faisait la 42e ville la plus peuplée du royaume. Dumoulin décrivant Poitiers indique que la ville était « située sur une hauteur qui [s’élevait] entre deux rivières, dont le Clain est la principale » (Dumoulin, La géographie, ou Description générale du royaume de France..., 1762-1767). D'après le même auteur, avec des considérations historiques et esthétiques fort discutables, « leur confluent se voit à la porte de Saint-Lazare, où il y a une espèce de fortification antique, laquelle est attribuée aux Romains, quoique l’architecture en paraisse gothique moderne ; cette porte est celle par où l’on sort pour Paris ». La ville et les plaines qui l'entourent sont souvent décrites comme des territoires sans activité économique marquante. On y produit du vin, des céréales, de la laine ainsi que du cuir. En revanche, la ville tient un rôle administratif important : elle abrite le siège d’une Intendance, une Sénéchaussée (28 membres), un Présidial et un Bureau des finances. Elle est également bien dotée en institutions éducatives, avec une université (200 étudiants environ en 1789), un collège et un séminaire. La vie culturelle bénéficie quant à elle d’une programmation théâtrale intermittente, de l’existence d’une Société royale d'Agriculture et de la présence de neuf libraires. En 1777, l’Encyclopédie compte 65 souscripteurs (Robert Darnton, The business of Enlightenment..., Cambridge, 1979).
D'après les estimations d'Henri Maggiolo (Statistique rétrospective..., Paris, 1880), environ 19 % des hommes et 9 % des femmes, seulement, étaient alphabétisés dans l'ensemble du département à la fin de l’Ancien Régime. Comme toujours toutefois, ces chiffres traduisent plutôt la situation des zones rurales, ceux des grandes villes, mieux pourvues en institutions scolaires, étant toujours supérieurs.
Sur le plan des échanges commerciaux, Poitiers semble plutôt être un lieu de passage et la ville demeure assez pauvre. Cela est notamment souligné par Jacques-Antoine Dulaure (Description des principaux lieux de France, 1789, vol. 4, p. 148) : « Le commerce de Poitiers est très peu considérable, ses manufactures méritent à peine d'être indiquées. […] elle ne doit sa richesse et sa population qu'aux établissements qu'elle contient, comme l'université, la cour, les aides etc. ».
1.2 L'enquête Muséfrem en quelques chiffres
On ne dispose encore que de peu d’informations sur les musiciens des églises de la Vienne, en dehors des cinq principaux chapitres de Poitiers : la cathédrale Saint-Pierre, les collégiales Saint-Hilaire-le-Grand, Notre-Dame-la-Grande, Sainte-Radegonde et Saint-Pierre-le-Puellier (église aujourd'hui détruite). À ce jour, aucun musicien n'a été retrouvé pour les collégiales Saint-Pierre de Chauvigny (25 km à l'est de Poitiers), Notre-Dame-Morthemer de Valdivienne (29 km au sud-est de Poitiers) et Saint-Étienne de Celle-L'Evescault (26 km au sud de Poitiers), à part quelques traces fragiles.
La collégiale de Ménigoute, sur laquelle l’enquête Muséfem a réuni des données intéressantes, n'est pas prise en compte ici. En effet, bien qu'appartenant à l'ancien diocèse de Poitiers, elle est maintenant située dans le département des Deux-Sèvres. Aucune information relative à l'entretien d'un corps de musique n'a été relevée dans les 23 paroisses de Poitiers, hormis Saint-Pierre-l'Hospitalier. Le nombre même de communautés religieuses d'hommes et de femmes dans la ville n'est pas sûr. La Liborlière et Dumoulin comptent respectivement 11 et 9 communautés d'hommes et 15 et 12 communautés de femmes. Hormis le cas Jeanne GARNIER, organiste des Carmes et des Jacobins, on ne sait rien encore sur les musiciens et musiciennes qui ont pu exercer leurs talents dans ce type de communautés.
Les quelques musiciens en activité dans les collégiales Notre-Dame de Mirebeau, Sainte-Croix de Loudun ou Notre-Dame de Montmorillon demeurent mal connus, en dehors de Jean-François GOSSE et René Antoine RICHARD. Pour la Vienne, comme ailleurs, il est toujours très délicat d'éclairer la vie des petits établissements de ce genre. En revanche, les grands établissements de Poitiers et la collégiale Notre-Dame de Châtellerault – d'envergure presque équivalente à ceux-ci et qui porte le titre de chapitre royal depuis 1768 – ont livré beaucoup de noms de musiciens. Nous connaissons très bien le parcours (naissance, décès, formation, carrière) d'environ un tiers d'entre eux. La présente synthèse s’arrêtera principalement sur ceux-ci.
En l'état actuel, l'enquête a mis au jour 80 musiciens actifs en 1790 originaires de la Vienne ou y ayant exercé un temps, dont 69 étaient sur place à ce moment-là. Parmi ces derniers, on compte 4 maîtres de psallette, 4 organistes, 21 enfants de chœur, 28 chantres et 7 instrumentistes (4 serpents-bassons, 2 joueurs de basse et 1 non défini). Enfin, il y a également 5 autres dépendants de chapitres dont la fonction, qui n’est pas précisément définie, peut avoir été musicale, au moins pour partie.
2. Les musiciens d'église de Poitiers et Châtellerault
2.1 Les effectifs
Les cinq chapitres de Poitiers étaient composés chacun de dignitaires et de chanoines. Dans la plupart d’entre eux, des bénéfices étaient également réservés au bas chœur, dont les membres pouvaient prendre part aux activités musicales.
Chapitre | Composition (hors musique) |
Cathédrale Saint-Pierre | Un doyen, un chantre, un prévôt, un sous-doyen, un sous-chantre, trois archidiacres et 24 chanoines. |
Collégiale Saint-Hilaire-le-Grand | Un abbé (dans le Pouillé du diocèse de Poitiers il est dit que la collégiale a été fondée par Clovis et que le Roi en est l'abbé), un trésorier, un doyen, un chantre, un sous-doyen, un maître d'école, un sous-chantre, 21 chanoines prébendés, cinq chanoines semi-prébendés ou grands hebdomadiers, deux chapelains généraux, trois curés. |
Collégiale Notre-Dame-la-Grande | Un abbé (personnat de la cathédrale), un chantre, un sous-chantre, 15 chanoines et quatre hebdomadiers.. |
Collégiale Sainte-Radegonde | Un prieur (nommé par le Roi), un chantre, un sous-chantre, 19 chanoines, quatre hebdomadiers, sept chapelains. |
Collégiale Saint-Pierre-le-Puellier | 13 chanoines avec à leur tête un « premier chanoine » |
••• Seules la cathédrale Saint-Pierre et la collégiale Saint-Hilaire-le-Grand étaient dotées d'effectifs musicaux relativement importants. La nouvelle tribune de la cathédrale accueille un orgue Clicquot, mis en chantier en 1786 et achevé en 1791. Pour l’occasion, un livre d’orgue fut commandé à François LECAND, serpent et basson de la cathédrale. En 1790, la cathédrale employait un maître de musique (Jean-Baptiste DROCOURT), un organiste, deux serpents/bassons, un joueur de basse et cinq chantres.
Le chapitre de Saint-Hilaire, plus riche que celui de la cathédrale, s'offrait les services permanents d'un maître de musique (Jean-Baptiste DOLLÉ), un organiste, trois serpents/bassons, un joueur de basse et huit chantres. Ces deux chapitres entretenaient chacun huit enfants de chœur, dont sept ont été identifiés dans chaque lieu. L'effectif de la collégiale de Sainte-Radegonde, composé d'un maître de psallette (Jean-François MUNIER), un organiste, trois choristes et quatre enfants de chœur, fait pâle figure à côté des deux principaux chapitres poitevins. À Notre-Dame-le-Grande, la même année, on retrouve trois chantres, un organiste ainsi qu'un diacre et un sous-diacre dont on ignore s'ils avaient, ou non, une fonction musicale. Apparemment cette collégiale ne formait pas d'enfants de chœur.
Le seul lieu extérieur à Poitiers qui nous est bien connu, la collégiale Notre-Dame de Châtellerault, est un peu plus riche en musique vocale que la collégiale Sainte-Radegonde de Poitiers mais elle ne semble avoir qu'un seul instrumentiste, en plus de l'organiste. En 1790, la collégiale entretient, en plus de ce dernier, un maître de musique (André-Louis DRÉAN) et cinq chantres dont quatre sont également vicaires. Le cinquième, Jacques PASQUIER, à la différence de ses collègues, tous ecclésiastiques, est quant à lui un laïc marié. La psallette entretient également six enfants de chœur, parmi lesquels figurent les deux fils PASQUIER.
2.2 Itinéraires professionnels sur le territoire français
L'architecture du réseau routier explique en partie la récurrence de certains parcours professionnels des musiciens qui ont exercé dans la Vienne, même s’il convient de rester prudent tant les informations collectées sont inégales. Ainsi, le grand axe routier reliant les Bassins parisien et aquitain correspond à deux riches courants de circulation des musiciens, le premier reliant la région de Poitiers aux zones ligériennes et charentaises, le second à Paris et aux provinces du nord de la France. Qu'ils se cantonnent aux provinces du centre-ouest ou qu'ils s'étendent jusqu'à la capitale et aux provinces du nord de la France, les parcours professionnels des musiciens « non locaux » de la Vienne prennent généralement la forme de migrations vers le sud, ponctuées d’une ou plusieurs étapes. Un dernier type d’itinérance, plus rare, regroupant des musiciens se déplaçant d'est en ouest, ou venant de contrées plus lointaines, peut également être observé. Au total, on peut donc distinguer quatre principaux types de profils.
2.2.1 Des carrières purement locales
Il y a tout d'abord les musiciens que l'on dénommera « locaux », c'est à dire ayant reçu leur formation et accompli toute leur carrière sur place, souvent ils sont même nés et/ou décédés dans la même ville. Ce profil qui se rencontre dans l'ensemble des départements étudiés est celui de presque tous les musiciens châtelleraudais identifiés. C'est le cas du maître de psallette André Louis DRÉAN et des chantres François GUIGNARD, Laurent LAMBERT ou Jean TURPINEAU. À Poitiers, l'organiste Jeanne GARNIER, cas très intéressant de femme musicienne d'église, a passé toute sa vie dans sa ville natale, vivant tant bien que mal de son art (S. Granger, 2008). Louis-Victor BABIN, Pierre Antoine BAIL, Pierre Louis DELAURIÈRE ou encore François LECAND sont d'autres exemples caractéristiques de ce profil.
2.2.2. Le deuxième profil : liens intenses avec le Maine et la Touraine
La facilité des communications et la proximité spatiale explique partiellement l’intense circulation entre les provinces de l'ouest et du centre-ouest, particulièrement entre le Poitou, la Touraine et le Maine. Pierre Jean Bonaventure AUBIN, né dans l'actuel département des Yvelines, et Antoine BAIL père, dont les origines demeurent actuellement inconnues, débutent tous deux leur carrière à Tours avant de rejoindre Poitiers. Il en est de même pour Pierre BEAUMONT et Pierre GÂNIER, natifs de Tours ou de ses alentours. Jean-Baptiste BLOT, dont la carrière demeure encore mal connue, semble également né en Touraine. Il débute comme organiste au Mans, après avoir été enfant de chœur à Tours. Il passe ensuite par Poitiers, à la collégiale Saint-Hilaire-le-Grand. Il est vite remplacé par Claude Marguerite LARDY, en 1777. BLOT est-il décédé prématurément (il a environ 27 ans lorsqu’il disparaît des sources poitevines) ? Ou a-t-il trouvé un poste ailleurs ?
Michel René LEVAYER et René Joseph THIBAULT, tous les deux nés dans le diocèse du Mans, ont été formés et ont débuté leur carrière au Mans avant de partir pour Poitiers ; en 1763 pour le premier et en 1777 pour le second. Ils ont tous les deux côtoyé François Claude LANDRON à la collégiale Saint-Pierre-la-Cour du Mans. Ce dernier retrouve LEVAYER à la collégiale Sainte-Radegonde de Poitiers.
À l'inverse, le serpent René COINDON, né à Poitiers et formé à la collégiale Saint-Hilaire, effectue sa carrière à la cathédrale du Mans comme organiste, avant et après la Révolution.
François DOUVILLÉ et Louis LEROUX ont également beaucoup circulé entre les villes de l'ouest (Orléans, La Rochelle, Poitiers). Jean-François GOSSE est le seul actuellement, parmi ceux dont on connaît bien la carrière, à avoir fait une étape en Bretagne, dans la ville d'Auray (actuel département du Morbihan).
2.2.3. Le troisième profil : liens avec les provinces du nord et la région parisienne
Au cours de cette itinérance, certains musiciens exercent temporairement dans la capitale, tel Nicolas LORRY. Né à Beauvais, il est passé par Paris et Orléans, peut-être aussi par La Rochelle avant d'arriver à Poitiers. François Ferdinand CARRIÈRE, Nicolas VIOLETTE, Antoine Humbert THIBAULT, François POULAIN et Louis MOREL ont tous un profil similaire, même si ce dernier finit par retourner dans les provinces du nord, à Lille.
D'autres musiciens sont originaires de la capitale ou de ses environs, comme Martin AVET qui exerce à Poitiers après être passé par Orléans, ou comme Jean-François GOSSE qui, né à Paris, chante successivement à Auray, Poitiers, Angoulême puis Loudun. Pierre Jean Bonaventure AUBIN, a suivi un itinéraire du même ordre dans le centre-ouest, travaillant successivement à Blois, Bourges, Saintes, Orléans avant de s'établir à Poitiers en 1786. Il meurt à Châtellerault en 1790, à l'âge de 40 ans. En revanche, c’est directement que Marie François DAGUILLON dit FAVIER, rejoint Châtellerault depuis Paris. Après la fermeture du chapitre, il déménage à Tours où il devient professeur de musique. Son fils et son petit-fils le suivront dans cette voie professionnelle. Le cas de Jean HOUDRY est doublement intéressant puisqu'à une migration Paris/province il ajoute une mutation du statut de maître d'école-chantre de village (au nord de Paris) à celui de "musicien basse-taille" d'une collégiale puissante, Saint-Hilaire-le-Grand, après un passage mal documenté par Paris.
Le parcours inverse, du sud vers le nord, ne se présente qu'une fois. Louis DUMOUTIER, dont la carrière ne s'était étendue qu'aux pays de la Loire et au Poitou, finit par trouver un poste à Saint-Quentin en Picardie.
2.2.4. Le quatrième profil : les grands voyageurs
Le hasard des postes disponibles suscite parfois des itinérances qui échappent aux tropismes « naturels » et ne semblent obéir à aucune logique évidente, donnant naissance à des carrières ponctuées de postes éloignés les uns des autres. Charles PIERRON originaire de Metz, fait ses débuts à proximité de sa ville natale (Verdun, Toul, puis retour à Metz) avant de gagner Poitiers. Claude Robert DUVAL a également un parcours peu banal. Né à "Néelle-en-Vermandois" en Picardie – c'est-à-dire à Nesle (Somme actuelle) –, il fait ses premières armes à Bar-le-Duc (actuel département de la Meuse) avant de rejoindre Poitiers. Gabriel JUDEAU sert Notre-Dame-la-Grande de Poitiers entre 1757 et 1762 et la cathédrale de Nevers entre 1762 et 1765 avant de poursuivre sa carrière en Auvergne (Chamalières puis Ardes-sur-Crouze).
Autre cas particulier, celui de Paul Antoine GOSSE. Né à Noyon (actuel département de l'Oise) vers 1758, il est mentionné comme musicien de l'église paroissiale Saint-Hilaire-de-la-Celle de Poitiers lors de son premier mariage en 1783, puis musicien de la cathédrale de Béziers lors de son second mariage en 1789. Il est à ce jour le seul musicien ayant exercé à Poitiers que l'on retrouve ensuite installé dans le sud du royaume.
Poitiers est également la destination de deux musiciens venus de l’actuelle Belgique : le serpent et basson Henri PISCADOR, originaire de Bruxelles et Thomas TOLLÉ-RÉGÉ, clerc du diocèse de Liège, qui a été maître de musique de Sainte-Radegonde entre 1786 et 1788. Le parcours de ce dernier demeure malheureusement très mal connu : il n'est pas présent dans les sources de base de notre enquête (suppliques pour pension et dossiers de carrière à l’appui de ces suppliques). Comme ce type de sources est globalement bien conservé pour les musiciens des collégiales de Poitiers, il est très probable que Thomas TOLLÉ-RÉGÉ n'ait pas fait de demande de secours. On sait seulement que le 30 mai 1787, TOLLÉ-RÉGÉ aurait été prolongé pour quatre ans à la direction de la psallette (F. Lesure, Dictionnaire musical des villes de province, 1999, p. 250). Pourtant, dès le 11 mars 1788, Louis Hilaire PAQUIN est reçu à sa place. L'hypothèse de la mort du clerc liégeois avant la Révolution n'est donc pas à exclure. Mais peut-être est-il rentré dans son pays d'origine. Sa vie reste un total mystère en dehors de son passage à Poitiers, qui n’a pu lui-même être confirmé par les sources primaires.
En tout état de cause, il est évident que le chapitre de Sainte-Radegonde connut des difficultés pour remplacer son maître de psallette, Louis LEMERCIER, décédé en 1786. Entre cette date et 1790, la psallette a été dirigée par trois musiciens différents ! Car, après Louis Hilaire PAQUIN, c'est Jean François Xavier MEUNIER que l'on retrouve en charge des enfants de chœur en 1790. On peut enfin noter que Poitiers a également été l'une des nombreuses étapes d'un des plus grands nomades de l’enquête Muséfrem : Philippe VAN ARCKEN, originaire de Maastricht.
En sens inverse, l’on retrouve en 1790 des musiciens originaires du Poitou dispersés en diverses régions de France. François DELAURIÈRE, frère de Pierre-Louis déjà nommé, a assez tôt quitté Poitiers pour Bourges puis pour Dijon, où il exerce en 1790. Joseph ANGÉRAND, né à Poitiers en 1752, quitte sa ville natale à l'âge de 21 ans pour devenir chantre et serpent de l'église Saint-Pierre-des-Ménestraux, à Moulins (département actuel de l'Allier), où il était également en charge de l'éducation des enfants de chœur. Il y en eut d'autres, que l'enquête Muséfrem mettra peu à peu au jour.
2.2.5. La Vienne dans le paysage professionnel des musiciens d'Église
Ces derniers éléments nous conduisent à nous interroger sur la place que tiennent chacun des espaces du royaume de France qui viennent d'être évoqués (pays du nord, région parisienne, pays ligériens, pays de l'ouest, pays de l'est) dans le paysage professionnel des musiciens d'Église. En ce qui concerne les musiciens poitevins venus des provinces du nord, il y a un réel parallélisme entre les étapes de leur déplacement dans le territoire et celles de leur carrière. Généralement, ils se forment dans leur province d'origine, font leurs premières armes à Paris et/ou en pays ligériens, avant de s'établir dans le Poitou. Nicolas LORRY sert dans divers chapitres parisiens de 18 à 24 ans, probablement juste après être sorti d'une maîtrise du diocèse de Beauvais, dont il est originaire. Il ne reste que deux ans et demi à Orléans avant de partir pour Poitiers. Le parisien Martin AVET ainsi que les picards François POULAIN et Nicolas VIOLETTE ont des profils similaires. Ce dernier est explicitement venu à Poitiers pour « se fixer », selon ses propres mots.
Le Poitou et sa capitale étaient-ils un espace particulièrement propice à l'établissement d'un musicien d'expérience ou à l'obtention d'une place fixe ? Les éléments connus ne sont pas suffisants et les quelques musiciens formés à Poitiers ayant fait carrière ailleurs (voir supra) sont autant d'exemples nous éloignant d'une réponse ferme et univoque à cette question.
L'enquête Muséfrem se place à un moment de coupure nette, celui de la suppression des chapitres, et il est donc difficile de présumer ce qu’auraient été les carrières interrompues à ce moment. Toutefois, les observations que l’on peut formuler pour les divers départements suggèrent des hypothèses sur leur attractivité respective.
3. Les musiciens dans la ville. L’exemple de Poitiers
3.1. Grandes cérémonies et pratiques musicales
Dans ses Vieux souvenirs de Poitiers, La Liborlière n'a pas manqué d'évoquer, trop brièvement, les exécutions en grande musique : « Aux grandes solennités extraordinaires, on réunissait dans le choeur des chapitres un orchestre complet composé d'artistes et d'amateurs ». Cette observation fait parfaitement écho au compte-rendu d'un concert de Noël dans l'église des Cordeliers, paru dans le Journal du Poitou du 18 janvier 1790 :
« Le bruit joyeux des tambours faisoit résonner les voûtes augustes [...] bientôt l'oreille charmée s'ouvre à la douce harmonie de 40 instruments dont les sons agréablement prononcés sont la preuve flatteuse du talent des musiciens & des amateurs qu'on avoit réunis en tout genre. Sans parler de l'exécution, qu'on peut dire avoir bien réussi, les connoisseurs jugeront de l'intérêt & du plaisir que dut inspirer l'orchestre, en apprenant qu'on a exécuté une des plus belles symphonies d'Hayden, la brillante ouverture de Didon & surtout la charmante & délicieuse chaconne de Floquet ».
Il est fort probable qu'il y ait eu au moins autant de choristes que d'instrumentistes, pour des raisons évidentes d'équilibre sonore. Une telle mobilisation de moyens (80 musiciens au minimum) n'a rien à envier à ce qui pouvait se faire dans quelques chapitres parisiens.
Sur le plan des exécutions en grande musique, il semble que Jean-Baptiste DROCOURT, dernier maître de musique de la cathédrale Saint-Pierre avant la Révolution, ait fait figure de pionnier à Poitiers : « On ne connaissait point les contre-basses à Poitiers avant l'arrivée du dernier maître de psallette de Saint-Pierre qui en apporta une dont il jouait lui-même. Cet instrument, trouvé alors gigantesque, fut pendant quelque temps l'objet de l'attention générale » (La Liborlière, op. cit., p. 23). En effet, l'usage de la contrebasse lors des exécutions de pièces religieuses en grande musique se développe de plus en plus à la fin du XVIIIe siècle pour finir par se systématiser au début du XIXe siècle, tout du moins à Paris. Jean-Baptiste DROCOURT était donc à la pointe des pratiques orchestrales de son époque.
Enfin, la messe que le compositeur a fait exécuter à l'occasion du sacre de l'évêque constitutionnel en 1791 a reçu les plus vifs éloges du Journal du département de la Vienne dans son numéro du 27 octobre 1791 :
« La musique de la messe a été bien exécutée & sa composition est une preuve non équivoque des talens du Maître de Musique de la Cathédrale. Les amateurs ont surtout été touchés de l'expression de ces mots du Gloria : In terra pax hominibus bonae voluntatis, & au Credo on a admiré le pathétique avec lequel ont été rendus ces mots : Crucifixus etiam pro nobis, passus & sepultus est. Le Chant a bien secondé les instrumens, & les choeurs ont fait beaucoup de plaisir.
Le Dixit & le Magnificat ont été chantés en musique. Nouveaux éloges dus au compositeur. Nous ne pouvons cependant pas nous taire sur la manière heureuse avec laquelle on a rendu dans le Dixit le verset : Juravit Dominus, & non poenitebit eum. Le choeur du Conquassabit capita in terra multorum, est un morceau achevé. Dans le Magnificat, le verset entier : Et misericordia ejus &c est d'une douceur, d'un moelleux finis ».
Les deux critiques citées ici démontrent que Poitiers a accueilli une vie musicale d'une grande richesse – tant en matière de musique profane que religieuse – dont les musiciens d'Église de la ville furent des acteurs de premier plan. Elles témoignent à la fois de l'importance des effectifs qui pouvaient être mobilisés – y compris dans la petite église des cordeliers – mais également de la présence d'un public amateur de musique et connaisseur du répertoire religieux. Cela invite à appliquer aux villes de « province » des problématiques d’histoire culturelle, d'histoire du goût et d'esthétique trop souvent encore réservées à l'analyse de la vie musicale de la capitale, dont l'hégémonie culturelle n'est peut-être pas si nette qu'on l'a longtemps cru.
3.2. Les activités hors du service religieux
Les cérémonies extraordinaires révèlent également la force des liens qui peuvent se tisser entre les chapitres, et plus précisément leurs musiciens, et d'autres institutions de la ville. Le collège Sainte-Marthe, qui dépend de l'Université, et la collégiale Sainte-Radegonde sont particulièrement liés. À l'occasion du Te Deum donné le 16 décembre 1777 à la collégiale pour la convalescence du Roi, les étudiants du collège Sainte-Marthe et les religieux agrégés à l'Université participent au cortège et à la cérémonie. Les musiciens du chapitre firent certainement partie – probablement accompagnés de quelques amateurs – du corps de musique mobilisé pour l'exécution de la messe et du motet, et la tribune de l'orgue était tenue par Jeanne GARNIER, la titulaire d'alors (Affiches du Poitou, 1er janvier 1778). Il en a probablement été de même pour l'exécution du Te Deum donné au collège Sainte-Marthe le 21 janvier 1775, à l'occasion de l'annonce du futur couronnement de Louis XVI.
La pension Boissard, entre la place du Pilori et l’église Saint-Cybard, dispense des cours de musique donnés par des musiciens de la cathédrale : Louis LEROUX y enseigne la musique vocale et Félix Thadée JOLLY la musique instrumentale. L'assurance de la compétence et des bonnes mœurs de ces serviteurs de l'Église donnaient les garanties recherchées par les parents soucieux de la bonne éducation de leurs enfants. Il est d'ailleurs probable que parmi les « Maîtres d'Écriture, de danse, d'Escrime, de dessin, de Musique vocale & instrumentale [qui] seront payés par les parents » du collège Sainte-Marthe, dont il a été question ci-avant, figurent également des musiciens et clercs de Sainte-Radegonde ou d'autres églises de Poitiers.
En février 1789, les Comédiens français donnent une représentation au bénéfice d'un certain Beaumont au théâtre de Poitiers. Cette représentation comprend notamment, en entracte, une composition d'Henri PISCADOR. Il est possible que le bénéficiaire de la représentation ne soit autre que son confrère de Saint-Hilaire, Pierre BEAUMONT.
3.3 La sociabilité des musiciens d'Église de Poitiers
La mise en relation des lieux d'habitation et d'activité des musiciens d'Église de Poitiers a fait l’objet de recherches d’Isabelle Langlois (CHEC, Université de Clermont-Ferrand), sur lesquelles s’appuie le présent développement. En comparant les distances, on observe que, généralement, les musiciens des chapitres de Saint-Hilaire (fig. 2) et de Saint-Pierre (fig. 3) logent dans un rayon d'environ 500 mètres de leur lieu d'exercice. VENON et BABIN habitaient à 1,2 kilomètre de Saint-Hilaire, où ils exerçaient, ce qui est exceptionnellement éloigné au vu de l’usage commun.
Pour la cathédrale, la proximité des lieux de résidence s'explique par le fait que la fabrique possédait six maisons dans lesquelles étaient logés les membres du personnel du chapitre. Au moins quatre musiciens habitaient ces maisons. Naturellement, pour le maître de musique, qui est en général aussi maître de la psallette, la localisation de son logement ne doit rien au hasard : il n’a pas le choix et doit habiter dans la même maison que les enfants de chœur dont il a la responsabilité. Il en est de même pour la collégiale Saint-Hilaire-le-Grand.
Dans son contrat d'embauche il est stipulé que Jean-Baptiste DOLLÉ doit loger dans la maison de la maîtrise (fig.2). Dans les 2 400 livres que lui versait annuellement le chapitre était d'ailleurs compris, à côté de ses propres émoluments, l'entretien des sept enfants de chœur. Les musiciens, qui se côtoyaient quotidiennement pour leur travail, vivaient aussi dans un voisinage proche. Louis LEROUX et François VÉRON partageaient ainsi la même maison. Il n’est donc guère étonnant que les liens familiaux aient été nombreux
Les registres de baptêmes, mariages et sépultures, confirment l'existence de liens très étroits entre les musiciens d'Église de Poitiers, notamment ceux de Saint-Hilaire-le-Grand. À titre d'exemple, les quatre filles du maître de musique Antoine BAIL épousent toutes des confrères de leur père, François BERNIER, Joseph VENON, Louis François GUILLET, René Joseph THIBAULT.
Autres témoignages de la force des liens familiaux, François POULAIN épouse la sœur de Thomas BERTON, Jean Mathurin POULLET fait parrainer l'une de ses filles par Claude GIBAULT et donne une autre en mariage à Nicolas René BADIN DE LA CHAUSSÉE. Enfin, Alexandre GUÉRIN fait parrainer trois de ses enfants par Thomas BERTON, François POULAIN et Pierre Charles BERGEREAU. On mesure, à ces quelques exemples, l’intensité des liens entrecroisés qui se tissent au sein du milieu des musiciens de la grande collégiale. Cela s'observe également à Sainte-Radegonde. Lors des obsèques du basse-taille Martin AVET, le 11 mai 1785, trois collègues de la collégiale Jean-François MEUNIER, Michel LEVAYER et un certain MÉRIEUX sont présents.
Il semblerait également qu'il y ait des liens particuliers entre les musiciens de diverses églises. En effet, le 3 février 1778, le même Martin AVET se marie avec la fille de Pierre ROLAND, musicien de Saint-Hilaire. Pour cette occasion, très probablement à l'invitation de Pierre ROLAND et de sa famille, trois autres confrères de cette dernière église font le déplacement et signent l'acte de mariage : Jean-Baptiste BLOT, Claude Marguerite LARDY et François POULAIN (fig. 4). Louise Roland décède peu après, vraisemblablement en couches. Martin AVET se remarie très vite, le 13 avril 1779, avec Catherine-Julie Gouve, fille de Claude GOUVE, basse-contre de la cathédrale Saint-Pierre. Enfin, Jean FREDOC, également musicien de Sainte-Radegonde, est présent aux baptêmes de deux enfants de musiciens de Saint-Hilaire. Il est d'ailleurs le parrain de l'un d'entre eux, fils du sieur Jean-Mathurin POULLET. Il paraît donc évident que les musiciens d'église de Poitiers formaient une petite communauté très soudée.
4. Jean Alexandre, musicien, militant révolutionnaire et inventeur
Après la perte de leur emploi, un certain nombre de musiciens d'Église s'engagent dans l'armée durant la Révolution. Ainsi, Philippe René GIRAULT, enfant de chœur à la collégiale Sainte-Radegonde au moment de sa fermeture, a fait carrière comme soldat musicien à l'Île de Ré et à La Rochelle, puis sur les frontières de l’est, pendant la Révolution et sous l'Empire. En 1810, il revient à Poitiers prendre la place de maître de chapelle de la cathédrale. Au moment de son décès, en 1851, il exerce encore comme « professeur de musique ». Il est connu des historiens du for privé pour avoir rédigé des mémoires. Pierre BEAUMONT, serpent et basson à Saint-Hilaire-le-Grand de 1765 à 1790, s'engage également dans l'armée. Il meurt au combat à Dambach, au nord de l'Alsace, en 1793.
L'enquête Muséfrem a fait aussi place à un musicien d'Église déjà bien connu des érudits et spécialistes de l'histoire de la ville de Poitiers, dont une rue porte d'ailleurs le nom. Jean ALEXANDRE est né en 1758 à Argentan (actuel département de l'Orne) de parents inconnus. Fier partisan des idées révolutionnaires et grand admirateur de Jean-Jacques Rousseau, il se plaisait à faire circuler la rumeur selon laquelle il était l'un des fils naturels que le philosophe avait eus à Paris avec Marie-Thérèse Levasseur entre 1747 et 1755. Mais la date et le lieu de naissance de ce musicien contredisent son propos. Son éducation et le début de son parcours demeurent, encore dans l’ombre à l'heure actuelle. On ne connaît sa vie qu'à partir de sa réception comme basse-contre à la collégiale Saint-Hilaire-le-Grand de Poitiers en 1787. Parallèlement au métier de musicien d'Église, Jean ALEXANDRE proposait ses services comme doreur.
La plupart des éléments connus sur la vie d'ALEXANDRE proviennent de sources secondaires tirées de livres ou de revues d'histoire des sciences ou d'histoire de Poitiers publiés au XIXe et durant la première moitié du XXe siècle, dans la tradition hagiographique de l'époque. Quelques-uns de ces éléments sur ses activités pendant la Révolution sont flous voire contradictoires. Entre 1790 et 1793, il aurait ainsi été cadre de la Société Populaire de Poitiers, chantre à Saint-Sulpice à Paris et président de la section révolutionnaire du Luxembourg. Il aurait également refusé un siège à l'Assemblée Constituante, préférant s'engager dans l'armée. La chronologie fine de ces activités, s’il les a toutes exercées, demeure à préciser.
Par la suite, il fut « commissaire des guerres à Poitiers », puis « agent supérieur pour l'encadrement de l'armée de l'ouest » en décembre 1793 après une courte période, entre septembre et décembre 1793, à l'armée de Lyon. Il serait ensuite redevenu « commissaire des guerres » à l'armée de Bourges en 1795. Accusé de faire partie des septembriseurs de 1792, Jean ALEXANDRE est renvoyé de la Société Populaire de Poitiers en 1795.
Passionné de mécanique, il a mis ses talents d'ingénieur au service de ses idéaux. Les historiens des sciences de la fin du XIXe siècle le retinrent comme un précurseur en matière d'aéronautique et de télécommunications. En 1793, alors qu'il était « agent supérieur » de l'armée de l'Ouest, il adresse au Comité de Salut public un mémoire préconisant une guerre non-violente pas le biais de la propagande. Pour ce faire, il avait inventé un aérostat doté d'un système de trappes automatisées par lesquelles seraient distribués des tracts politiques ; mais l'idée ne fut pas retenue ; elle ne rencontra pas plus d’écho lors de la Révolution de 1830, lorsqu’il la proposa de nouveau.
Sous le Consulat, il soumet le prototype d'un système de communication télégraphique afin de permettre à Bonaparte d'échanger secrètement avec les autres consuls. Encore une fois, il dut faire face à l'indifférence générale. ALEXANDRE avait également fait breveter un système d'épuration de l'eau de la Gironde pour la ville de Bordeaux ainsi qu'un système de voiture automatisée. Ces deux expériences furent tout aussi malheureuses. Après la signature du Concordat, il semble avoir repris son poste à Saint-Hilaire de Poitiers. On le retrouve en 1809 à la cathédrale Saint-Pierre d'Angoulême sans connaître la date exacte de son recrutement. Il finit ses jours dans cette ville où il décède en 1831
Et en dehors de Poitiers ?
Sur les quelque deux cents musiciens d'Église actuellement retrouvés ayant exercé leur art dans le territoire correspondant à la Vienne au XVIIIe siècle (dont 69 sont actifs sur place en 1790), nous en comptons 168 à Poitiers et 19 à Châtellerault. Seuls une dizaine ont été repérés dans d’autres villes de la Vienne actuelle où existaient des lieux de musique d'Église : Loudun, Lusignan, Mirebeau, Montmorillon.
Rien ne nous permet d'affirmer que l'écrasante suprématie de Poitiers en matière de musique d'Église rende parfaitement compte de la réalité. Même si les églises de la ville étaient les plus riches, des éléments prouvent que des musiciens étaient entretenus par les chapitres, abbayes et églises des petites villes des alentours. Il est certain que notre enquête n'a fait qu'effleurer la réalité musicale de ces établissements plus modestes. La méconnaissance de leurs musiciens, liée aux lacunes de la documentation, peut pour partie trouver son origine dans l’absence de réclamation de pension de la part de ceux qui avaient développé d'autres moyens de subsistance à côté de la musique.
En effet, d’autres musiciens – surtout dans les paroisses – avaient probablement pratiqué la musique et le chant d’Église comme une activité annexe, comme cela semble être le cas de Jacques PASQUIER, désigné le 29 juillet 1774 comme « chantre » au service du chapitre de Notre-Dame de Châtellerault, où il exerce déjà depuis douze ans comme « choriste », mais que l'acte de baptême de son deuxième fils, daté du 6 mars 1777, qualifie en revanche de menuisier.
Des recherches plus approfondies dans les fonds d'archives des paroisses, abbayes et chapitres extérieurs à Poitiers et Châtellerault permettraient très probablement de recueillir des informations susceptibles d’éclairer de manière plus complète le métier de musicien d'Église dans l'ensemble de l'actuel département de la Vienne.
Guillaume AVOCAT,
CRIHAM, Université de Poitiers (mai 2016)
Mise à jour : 22 octobre 2017
Le travail sur les musiciens de ce département a bénéficié des apports de, notamment : Lluìs Bertran, Jehanne Crépin, Bernard Dompnier, Sylvie Granger, J.-F.“Maxou“ Heintzen, Isabelle Langlois, Bastien Mailhot, Christophe Maillard, Charlotte Menanteau...
Mise en page et en ligne : Sylvie Lonchampt et Agnès Delalondre (CMBV)
Cartographie : Isabelle Langlois (CHEC, Université Clermont-Auvergne)
>>> Si vous disposez de documents ou d’informations permettant de compléter la connaissance des musiciens anciens de ce département, vous pouvez signaler tout élément intéressant ICI. Nous vous en remercions à l’avance.
L’amélioration permanente de cette base de données bénéficiera à tous.
Les lieux de musique en 1790 dans la Vienne
Les lieux de musique documentés pour 1790 dans le département sont présentés par diocèses et par catégories d’établissements : cathédrale, collégiales, abbayes, monastères et couvents, autres établissements (par exemple d’enseignement, de charité…), paroisses (ces dernières selon l’ordre alphabétique de la localité au sein de chaque diocèse).
Diocèse de Poitiers
- Cathédrales
- Collégiales
- Abbayes, monastère et couvents / autres lieux
- Châtellerault, Couvent des Franciscains
- Poitiers, Couvent des Carmes
- Poitiers, Couvent des Dominicains
- Églises paroissiales
- Loudun, Église Saint-Hilaire-du-Martray
- Lusignan, Église Notre-Dame-et-Saint-Junien
- Montmorillon, Église Saint-Martial
- Poitiers, Église Saint-Pierre-l'Hospitalier
- Poitiers, Église Saint-Hilaire-de-la-Celle
Pour en savoir plus : indications bibliographiques
- François LESURE, Dictionnaire musical des villes de province, Paris, Klincksieck, 1999, 368 pages [sur Poitiers : p. 248-251].
- Abbé AUBER, « Histoire de la cathédrale de Poitiers », Mémoires de la Société des Antiquaires de l'Ouest, t. XIV, 1848, t. XV, 1849.
- A. AUTEXIER, « Le chapitre cathédral de Saint-Pierre de Poitiers après le concordat de 1801 », Bulletin de la Société des Antiquaires de l'Ouest, 4e s., VII, p. 499-520.
- Henri BEAUCHET-FILLEAU, Pouillé du diocèse de Poitiers, Niort, L. Clouzot, Poitiers, H. Oudin, 1868, 514 pages.
- Xavier BISARO, "Maîtres et maîtresses d’école dans les Affiches du Poitou à la fin du XVIIIe siècle", site web Cantus Scholarum, https://www.cantus-scholarum.univ-tours.fr/publications/essais-et-notes-de-travail/affiches-du-poitou/
- Bernard BROCHARD, Jean-Albert VILLARD (dir.), L'orgue de François-Henri Clicquot facteur d'orgue : Cathédrale de Poitiers : 1787-1790, Poitiers, Direction régionale des affaires culturelles de Poitou-Charente, 1994, 103 pages.
- Xavier CLAVEAU, La communauté des chanoines de l’église collégiale de St-Hilaire-le-Grand de Poitiers (1762-1790), mémoire de maîtrise, Jacques Péret et Jacques Marcadé (dir.), Université de Poitiers, 1993, 210 pages.
- Robert DARNTON, The Business of Enlightenment: A Publishing History of the Encyclopédie, 1775-1800, Cambridge, MA, Belknap Press, 1979, p. 586-593.
- Jacques DAUNIZEAU, Étude de quelques particularités techniques et acoustiques du Grand Orgue de la Cathédrale de Poitiers, sd.
- DUMOULIN, La géographie, ou Description générale du royaume de France divisé en ses généralités, Paris, Leclerc, 1762-1767, 6 vol.
- Robert FAVREAU, Jacques MARCADÉ, Charlotte PON-WILLEMSEN, « Vie religieuse à Poitiers : XIe-XXe siècles », Revue historique du Centre-Ouest, n°3/2, 2004, p. 231-35.
- Robert FAVREAU (dir.), Le diocèse de Poitiers, Paris, Beauchesne, 1988, 366 pages.
- Paul de FLEURY, Les anciens orgues de Saint-Hilaire-le-Grand de Poitiers, Paris, Fischbacher, 1922, 8 pages.
- François FURET et Jacques OZOUF, Lire et écrire, l’alphabétisation des Français de Calvin à Jules Ferry, Paris, Éditions de Minuit, 1977, tome 1, 392 pages.
- Philippe-René GIRAULT, Mes Campagnes sous la Révolution et l’Empire, Le Sycomore, 1983, 198 pages.
- Sylvie GRANGER, « Les musiciennes de 1790, aperçus sur l'invisibilité », Revue de musicologie, 94/2, décembre 2008, p. 289-308.
- Abbé JARLIT, Mémoire sur l'ancienne église collégiale de Sainte-Croix de Parthenay, au diocèse de Poitiers, Poitiers, H. Oudin, 1853.
- Claude LANGLOIS, Timothy TACKETT, Michel VOVELLE, Atlas de la Révolution française, 11 vol., Paris, éditions de l'EHESS, 1996.
- Louis-François-Marie BELLIN de LA LIBORLIÈRE, Vieux souvenirs de Poitiers d’avant 1789, Poitiers, 1846, réimpression Brissaud, 1983, 236 pages.
- Alphonse LE TOUZÉ DE LONGUEMAR, Essai sur l'église royale et collégiale de Saint-Hilaire-le-Grand de Poitiers, Poitiers, A. Dupré, 1857.
- Henri MAGGIOLO, Statistique rétrospective : état récapitulatif et comparatif des conjoints qui ont signé l'acte de leur mariage aux XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, Paris, 1880.
- Jacques MARCADÉ, « Le diocèse de Poitiers à la fin de l'Ancien Régime », Bulletin de la Société des Antiquaires de l'Ouest, 4e s., XVII, 1984, p. 423-456.
- Jacques, PÉRET, Histoire de la Révolution française en Poitou-Charente, 1789-1799, Poitiers, Projets éditions, 1988, 350 pages.
- Gatien POUANT, La Maîtrise de la Cathédrale de Poitiers, L’ancienne psallette, la maîtrise actuelle, le grand orgue de la cathédrale, par un membre de la maîtrise, Poitiers, Oudin et Cie, 1899, 112 pages.
- Jean TARRADE, « La population de Poitiers au XVIIIe siècle : essai d’analyse socio-professionnelle d’après les contrats de mariage », Bulletin de la Société des Antiquaires de l'Ouest, 1er trimestre 1974, p. 331-353.
- Jean TARRADE (dir.), La Vienne de la Préhistoire à nos jours, Saint-Jean-d'Angély, Bordessoules, coll. L'histoire par les documents, 1986, 372 pages.
- Fabrice VIGIER, Les curés Poitevins et la Révolution, Maulévrier, Hérault éditions, 1990, 222 pages.
- Fabrice VIGIER, Itinéraire d'un prêtre à la fin de l'Ancien Régime : René Lecesve, curé de Sainte-Triaise de Poitiers, Poitiers, Société des antiquaires de l'Ouest, 1998, 207 pages.
Bibliographie élaborée par Guillaume Avocat
(mai 2016)