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MABILLE, Urbain (1736-1793)
État civil
NOM : MABILLE     Prénom(s) : Urbain     Sexe : M
Date(s) : 1736-4-16   / 1793-10-21 
Notes biographiques

Le chapitre de la cathédrale Saint-Pierre de Nantes recrute en 1770 un prêtre "maître de musique" qu'il sait gyrovague mais dont il n'a pas cerné la personnalité complexe. Le parcours d'Urbain MABILLE d'Angers passe par Troyes, Blois, Tours, Dijon, Amiens,... avant de s'arrêter à Nantes. MABILLE perçoit les failles d'organisation de son employeur. Ne supportant pas l'injustice, il met une belle énergie à la combattre, entraînant le bas chœur à sa suite avant et pendant la période révolutionnaire. Ses actions suffisent-elles cependant à en faire un "musicien d'Église" ?

• 17 avril 1736, Saint-Rémy-la-Varenne [Maine-et-Loire] : Urbain MABILLE est baptisé le lendemain de sa naissance dans cette bourgade rurale des environs de Brissac, située à 25 km au sud-est d'Angers. L'acte est des plus succincts. Il indique simplement que ses parents Urbain Mabille et Jeanne Richard sont absents. Seul le parrain, Toussaint Richard signe l'acte d'une belle calligraphie. Madeleine Richard, marraine, s'abstient ou ne sait. À consulter les registres depuis le mariage des parents en septembre 1730, il s'avère qu'Urbain père ne signe jamais. Sa profession n'est pas non plus spécifiée.

• [1743-1756], Angers [Maine-et-Loire]: C'est à la psallette de la cathédrale d'Angers que le jeune Urbain est reçu enfant de chœur certainement après test vocal. Le maître de musique et de psallette est alors Jean Gervais BONTEMPS, originaire du Mans. Quoique les dates d'entrée et sortie restent à préciser, il est clairement mentionné en 1753 que MABILLE est grand-enfant de chœur. Il reçoit 30 lt de récompense pour avoir "enseigner la musique pendant six mois" au maire-chapelain Jouet. La suite de son parcours laisse supposer qu'il a également composé des motets. Par ailleurs, les grands enfants de chœur de la cathédrale Saint-Maurice reçoivent 100 lt d'appointements par an.

• Avant de rejoindre Troyes, MABILLE a probablement exercé au sein d'une cathédrale qui sera sans nul doute révélée par l'enquête Musefrem.

••• Une jeunesse itinérante encore fragmentaire

• [?]- 1762, Troyes [Aube] : Lors de sa réception par le chapitre cathédral de Blois [Loir-et-Cher], MABILLE présente ses certificats rédigés et remis par messieurs les vénérables chanoines de l'église de Troyes. Il est toujours clerc tonsuré du diocèse d'Angers et a reçu du chapitre une lettre à Paris où il a donc séjourné. Suivant François Lesure, le chapitre de Troyes peinait à "recruter de bons maîtres des enfants". Urbain MABILLE a certainement été l'un d'eux. Ils se succédaient les uns les autres, sans mérite particulier.

• 15 janvier 1762, Blois [Loir-et-Cher] : Urbain MABILLE, âgé de 26 ans, clerc tonsuré du diocèse d’Angers, est reçu maître de musique de la cathédrale Saint-Louis à compter du 8 janvier. Ses appointements principaux sont de 1000 lt par an qui lui sont versés à la semaine ainsi que 4 muids de blé pour les enfants de chœur. Le chapitre le dédommage également de ses frais de voyage (48 lt).
 Il a à charge d'une part l'instruction et l'entretien des six enfants de chœur ; d'autre part de "faire chanter la musique au chœur suivant les statuts et règlements du chapitre". Sa mission ne comprend pas la composition d'œuvres ou de motets, une remarque importante pour la suite de sa carrière.
• 21 avril 1762, Blois : MABILLE obtient un congé d'un mois pour se rendre à Angers à la suite de la mort d'un de ses oncles.
• 23 janvier 1763, Blois : "le sieur MABILLE maitre de musique s'en est allé a Tours pour y etre maitre de musique et le lendemain 24 le sieur SEQUEVAL a été mis a sa place du consentement du chapitre".

• [1763-1768], Tours [Indre-et-Loire] : Les registres capitulaires de la cathédrale de Tours manquant pour cette période, l'étape reste lacunaire. Il semble toutefois bien y avoir exercé.

••• Dijon, une expérience éphémère de maître de musique de la cathédrale

• 12 janvier 1768, Dijon [Côte-d'Or] : Urbain MABILLE maitre de musique de la cathédrale de Dijon, est témoin du mariage célébré dans l'église Notre-Dame entre Nicolas ARNAULD, imprimeur et musicien, et Marguerite Renaud, fille d'un cordonnier. Il signe "Mabille soud. Mtre de Musique de l'égl. de dijon", ce qui indique qu'à cette date-là il n'est encore que sous-diacre.
• 2 juillet 1768, Dijon : Urbain MABILLE signe un reçu attestant que "comme maître de musique" il a touché du Receveur du chapitre "la somme de 200 lt pour le quartier de juillet de la nourriture des enfants", quartier couvrant théoriquement la période juillet / août / septembre. Moins d'un mois et demi plus tard, il a quitté Dijon, où il sera remplacé quelques semaines plus tard par BIDERMAN.

••• Amiens, maître de musique, MABILLE, ordonné prêtre reprend son itinérance

• 22 août 1768, Amiens [Somme] : Maître Urbain MABILLE, diacre du diocèse d’Angers, est nommé maître de musique de la cathédrale aux gages de 15 sols par jour "et autres émoluments", ainsi qu’en ont joui les précédents maîtres de musique.
• 16 septembre 1768, Amiens : MM. ont conféré à Urbain MABILLE, diacre du diocèse d’Angers, vicaire maître de musique de leur église, la chapelle vicariale de Saint-Quentin, ci-devant possédée par maître Nicolas Germain CHARLES, vivant vicaire maître de musique de leur église. Ils ont ordonné d’en expédier des lettres de provision.
• 19 septembre 1768, Amiens : Urbain MABILLE prête serment entre les mains du chancelier président du chapitre pour sa chapelle vicariale.
• 17 avril 1769, Amiens : Pour visiter et recevoir l’ouvrage effectué par le sieur Dallery, facteur d'orgues, au grand orgue de la cathédrale, les chanoines désignent plusieurs personnes dont Urbain MABILLE, maître de musique.
• 26 avril 1769 : Sur la requête verbale de maître Urbain MABILLE, diacre du diocèse d’Angers et vicaire maître de musique, MM. ont agréé qu’il se présente "pour l’ordre de la prêtrise à l’ordination prochaine". Ils donnent l'ordre de lui délivrer une attestation de vie et mœurs.
• [1769] : Urbain MABILLE est ordonné prêtre dans des conditions restant à préciser.
• 12 juillet 1769 : Me MABILLE, vicaire maître de musique, est admonesté par le prévôt au sujet de ses manquements concernant l’instruction des enfants de chœur.
• 26 septembre 1769 : Urbain MABILLE, vicaire et maître de musique, obtient un congé de 15 jours.

Compte tenu de la carrière de MABILLE, il est permis de s'interroger sur les causes de son itinérance. Son départ est-il motivé par une ambition professionnelle ou est-il lié à son tempérament ? Y a-t-il eu des précédents l'ayant amené à quitter ses employeurs ? Les chapitres eux-mêmes semblent peu enclins à rapporter des tensions, soulagés de voir leur préposé partir de lui-même.

••• Nantes, MABILLE maître de musique putatif de l'église de Nantes, maire-chapelain, vicaire épiscopal.... et trublion invétéré du bas chœur de la cathédrale

• 1767-1788, Nantes [Loire-Atlantique] : Étudier les musiciens bénéficiers de l'église de Nantes impose en premier lieu de retracer le long procès ayant opposé le bas chœur aux chanoines entre 1767 et 1788. L'objet du litige porte sur la réorganisation de la musique par le chapitre qui, comme nombre de ses  confrères,  a les yeux rivés sur Paris. Il a pris conscience de l'importance de la musique qui contribue au prestige de son église. Deux démarches parallèles sont menées entre 1760-1770. D'une part, le chapitre marque sa volonté d'embellir la musique au chœur en multipliant les critères d'exigence ; d'autre part, il en organise le financement sans surcoût. Les chanoines prennent ainsi le parti de remanier ou supprimer des chapelles, dont les revenus sont mis en régie dans une "bourse commune" (1760).
Cette première réorganisation sème quelque trouble. Puis, en 1767, poursuivant sa stratégie, le chapitre unit deux sociétés dédiées aux bénéficiers à la mense capitulaire au lieu de les porter à la bourse. C’est le pas de trop qui met le feu aux poudres.
Le bas chœur des clercs, représenté par les maires-chapelains, sous-chantres, diacre et sous-diacre, s'organise et porte l’affaire devant le Parlement de Bretagne à Rennes. L'affaire est initiée par un sous-chantre, le sieur Coeur de Roi qui dénonce "l'abus" du chapitre. MABILLE va en devenir le principal instigateur peu de temps après son arrivée.

- Concrètement, le bas chœur des clercs, représenté principalement par trois maires-chapelains MABILLE (désigné syndic), CHAUVET (premier maire-chapelain), et POIGNAND, le second sous-chantre GODÉ ainsi que le sous-diacre RIVIÈRE, "s'estimant spolié" fait front, s'organise et s'implique juridiquement. Le chapitre sera finalement débouté après des années de procédures.
 - Trois officiers restent en retrait : le maire-chapelain Jean François CHEVREUIL qui intervient ponctuellement à partir de 1786 tout comme le diacre Barthélémy  BRIAND. Le sous-chantre et prêtre Jean François VASSAL, un tempérament effacé, est le seul bénéficier à ne pas se joindre à la procédure collective. Il se trouve en porte-à-faux, pris entre un chapitre reconnaissant et des alter ego froissés.

• 22 janvier 1770, Nantes : Mellinet rapporte que le maître de musique CAPPA-LESCOT est forcé de démissionner de son poste pour avoir négligé les enfants de la psallette au profit d'écoliers en ville, un reproche qui avait été fait à son prédécesseur  (Jacques MATOULET) et qui excède le chapitre. La psallette est alors confiée à Jean-François DECLERCQ, choriste, qui donne des leçons de musique aux enfants, et bat la mesure au chœur. Ce dernier semblant s'enivrer trop fréquemment selon Mellinet, il sera remplacé par LA MARRE.

• 30 avril 1770, Nantes : C'est donc dans un contexte de tensions que le sieur Urbain MABILLE, ecclésiastique du diocèse d'Angers, est reçu en lieu et place du précédent maître de musique CAPPA-LESCOT. Sa rémunération, fixée à 3000 lt par an, inclut les frais de la psallette. Il reçoit en août 250 lt de dédommagement correspondant à ses frais de voyage. La Laurencie a pu relever les registres capitulaires où figurait le contrat de travail de MABILLE. Il était tenu de composer trois pièces de musique par an au choix du chapitre (psaume ou motet) déposées au chapitre et recevait le papier pour les écrire. Il était autorisé à en conserver une copie. Par ailleurs, il ne pouvait enseigner la musique qu'aux seuls enfants de chœur.

• 26 février 1771, Nantes : Les premiers signes de discorde apparaissent entre le chapitre et Urbain MABILLE qui entre autres "refuse de battre la mesure au chant sur le livre selon l'usage de l'église de Nantes", entend imposer les musiques de son choix. L'affaire s'envenime, MABILLE démissionne puis, ayant fait amende honorable, réintègre son poste.
Au mois de mai, la situation s'aggrave. Le doyen, chanoine et musicien, se fait le porte-parole du chapitre qui a démasqué les insuffisances musicales de MABILLE auxquelles s'ajoute paresse, négligence et flagornerie. On lui reproche notamment de composer des pièces liturgiques en contrefaisant, mal, des chansons populaires, de fournir des Saluts à l'orgue en triolets sur l'air de "Fouettes les chats", chanson triviale du Pont-Neuf. Il a en outre l'outrecuidance de railler Claude GIBAULT maître de référence à Nantes...
En juin 1771, la coupe est pleine, le chapitre le destitue, sanction à l'origine des multiples procédures instiguées par MABILLE. Étant prêtre bénéficier et maître de musique, MABILLE argue entre autres occuper un "office ecclésiastique" inamovible, ce que confirmera le Parlement de Bretagne. Le chapitre sera condamné à verser à MABILLE une rente viagère de 600 lt.

Ainsi que dans ses précédents postes, MABILLE est engagé avec le titre de maître de musique, titre qu'il n'a plus après sa destitution. Il en garde une aversion infinie envers CAPPA-LESCOT recruté pour ses qualités de compositeur. Le chapitre ne parvient pas à dénouer cette situation ambigüe qui perdure au-delà de la période révolutionnaire.

• 17 septembre 1771, Nantes : MABILLE reçoit 295 lt correspondant à des "restes de gages" et à sa "sortie" consécutive à son renvoi qu'il va contester juridiquement.

• 1er février 1772, Nantes : Jean GILLET, musicien et serpent de la cathédrale Saint-Pierre prie "Messire Urbain MABILLE, prêtre", d'être parrain de son fils Urbain, marquant un lien d'amitié entre les deux hommes.
• 25 septembre 1772 : Un quartier de 150 lt est versé à MABILLE. Le paiement suivant en février 1773 précise qu'il s'agit d'une pension. DECLERCQ qui succède à MABILLE à la psallette perçoit à son tour des quartiers de "maître de musique" (90 lt) en s'occupant des enfants de chœur. La terminologie fluctuante du "maître de musique" prête à confusion.

• 19 avril 1773, Nantes : Urbain MABILLE, bien que limogé, continue à percevoir ses 300 lt de pension. Défiant le chapitre dont il conteste l'autorité, il s'obstine à assister à l'office en habit de chœur.
Pour sa part le sieur François CAPPA-LESCOT anticipant son retour, ne manque pas de remettre au chantre en dignité Soldini différentes pièces de musique  susceptibles de servir pendant la vacance de la maîtrise.

• 25 février 1774, Nantes : CAPPA-LESCOT est invité par les chanoines à reprendre sa fonction de maître de musique exclusivement, nourrissant de la part de MABILLE un ressentiment qui fera long feu. Le chapitre ne pouvant se séparer de MABILLE opte pour une organisation bicéphale dissociant le plain-chant liturgique (MABILLE) de la musique figurée (CAPPA-LESCOT). L'ensemble des musiciens est toujours sous la responsabilité de CAPPA-LESCOT. Cette volonté de clarification est cependant insuffisante.

• 31 janv 1776, Nantes : Un nouvel évènement attise la rivalité entre les deux hommes lorsque la psallette est à nouveau confiée à CAPPA-LESCOT et non à MABILLE. Selon Mellinet, LESCOT désapprouvait que le chapitre ait chargé le successeur de DECLERCQ, Vincent François LA MARRE, choriste, de battre la mesure au chœur et de donner des leçons de musique aux enfants.
• 29 mai 1776: Le chapitre signe avec Urbain MABILLE, une convention soldant leur différend et décrivant aussi précisément que possible ses fonctions.
- MABILLE est reçu choriste de la Cathédrale Saint-Pierre. Le chapitre lui confère dans le même temps la troisième maire-chapelle vacante par la retraite de Charles BADAUD et lui accorde, outre ses gages de maire-chapelain (700 lt), 300 lt de gages extraordinaires à condition qu'il remplisse toutes les charges et obligations de sa fonction notamment les charges musicales, à savoir chanter au chœur le plain-chant et la musique, chant sur le livre et faux-bourdon.
- En contrepartie, MABILLE renonce à la pension provisoire de 600 lt adjugée par le Parlement. Il accepte également que le chapitre soustraie de sa rémunération la somme de 300 lt en dédommagement des frais de procédure engagés. On verra comment l'habile MABILLE retournera ultérieurement la situation auprès du Directoire du district.
- MABILLE, s'engage à chanter au chœur mais aussi à suppléer les absents, à suivre les instructions et règlements du chapitre.
- Il est par ailleurs convenu que lors de ses sous-semaines, les messes lui soient payées 15 sols.

• Novembre 1781, Nantes : Les tensions entre MABILLE et LESCOT sont récurrentes.
L'exemple suivant est significatif du caractère ombrageux de MABILLE. À l'occasion de la naissance du dauphin un Te Deum composé par CAPPA-LESCOT est donné à la cathédrale. La cérémonie est comme il se doit extraordinaire, avec décharges d'artillerie au Château, feu de joie, barriques de vin, joueurs de violon, danses... et fait l'objet d'un compte-rendu élogieux dans les Affiches. Le succès de l'un semble porter ombrage à l'autre à suivre les calomnies subies par CAPPA-LESCOT et dont il doit se justifier.
Quelque jours plus tard, les mêmes Affiches publient un avis rétablissant l'intégrité musicale de CAPPA-LESCOT. Il rapporte un échange de correspondance avec GIROUST. En effet LESCOT a été accusé d'avoir plagié François GIROUST pour la musique de son psaume Domini est terra chanté au mois d'août dans l'église des Carmes pour la fête de la Saint-Louis. Affecté, le maître de musique s'en est remis à GIROUST en lui exposant les faits et désireux de faire taire la calomnie. Il propose au sur-intendant de musique qu'il admire, de lui adresser quelques mesures de chacun des morceaux. En réponse quasiment par retour, GIROUST se plie à la demande de LESCOT, lui témoignant son estime. S'ensuivent des considérations musicales sur l'esprit du psaume, les contraintes de composition. GIROUST éreinte les calomniateurs et conclut en invitant LESCOT à venir le rencontrer à Versailles.
La question soulevée concerne alors lesdits envieux ou plutôt l'instigateur de ce mauvais procès qui a tout d'un maître de musique écarté mais demeuré au chœur, personnellement accusé de plagiat à plusieurs reprises. Celui qui encourt le soupçon semble à bien des égards être le maire-chapelain Urbain MABILLE.

• 2 juillet 1784, Nantes : Un avis publié dans les Affiches de Nantes, fait savoir que M. MABILLE, prêtre, est maître de pension à l'Hôtel de la Trésorerie. Son collège ne reçoit que les enfants de moins de douze ans. L'instruction est assurée par deux précepteurs, des maîtres d'écriture, géographie mathématiques, latin, lecture... La musique est cependant absente de ce projet.

• 12 janvier 1786, Nantes : Les officiers du bas chœur adressent leur supplique au Parlement de Bretagne dans l'affaire ci-dessus citée. Cependant, leurs revendications vont au-delà du propos de la procédure car elles portent des récriminations salariales. Les maires-chapelains sont appointés 800 lt par an soit moins que le premier sous-chantre VASSAL (900 lt). Louis GODÉ omettant sa position de clerc tonsuré et second sous-chantre fait remarquer qu'il ne touche que 700 lt. La cause de leur tourment est donc le discret Jean François VASSAL, qui s'est abstenu de participer à l'action collective, et bénéficie de la confiance des chanoines. L'estocade ne sera pas la seule, dévoilant les tensions qui peuvent exister dans un groupe semblant par ailleurs homogène et solidaire.

• 11 juillet 1786-11 août 1788  : Jean François VASSAL, premier sous-chantre, s'abstient de participer à la nouvelle controverse juridique entre le chapitre et les officiers de chœur concernant une modification de préséance. Les plaignants, à savoir CHAUVET, MABILLE, POIGNAND et CHEVREUIL, s'opposent à ce que deux bedeaux soient interposés entre eux et les maires-chapelains lors des processions telles celles de la Fête-Dieu ou de l'Assomption. Les dissensions avec le chapitre sont telles qu'ils considèrent toute modification d'organisation comme une volonté de "spoliation" de leurs droits.

• 9 décembre 1786, Lille [Nord] : Me ROUSSIGNOL, ex-maître de musique de Verdun a un différend avec son nouvel employeur, la collégiale Saint-Étienne de Lille. Il a été destitué de ses fonctions alors qu'il semblait donner satisfaction. Son Factum s'appuie pour partie sur la jurisprudence rendue en faveur de MABILLE par le Parlement de Bretagne. Là encore, le musicien remet en cause le "despotisme" du chapitre et défend l'inamovibilité de son statut de prêtre pourvu d'un office ecclésiastique dont on veut le priver. ROUSSIGNOL se réfère explicitement à la jurisprudence de MABILLE.

• 10 avril 1787, Nantes : Le Parlement de Bretagne accuse réception de 17 lt U s 3 d de frais d'amende pour la procédure interjetée par les officiers que MABILLE tentera en vain de se faire rembourser.

• 5 avril 1788, Nantes : Par décision du parlement de Bretagne, les chanoines de la cathédrale de Nantes sont déboutés et sommés de déposer au secrétariat du chapitre les revenus des biens dépendants des chapellenies, tout comme les comptes des dessertes de fondations des sociétés de Saint-Jean, Saint-Guillaume et la Trinité depuis 1767. Le chapitre cherche à se dérober à son obligation provoquant une nouvelle joute avec le bas chœur et convient de se soumettre en produisant les pièces comptables dues en juillet.

Les démarches successives de ces clercs semblent surtout révéler, sous couvert de reconnaissance ou de préséance, une transformation radicale de la fonction : pris en étau entre chanoines et laïcs, leur statut privilégié de clercs chantant leur échappe progressivement, et ce, jusque dans la pratique de la musique : plain-chant ? musique figurée ? Que souhaite-t-on entendre ? Qui écoute-t-on ?

• 10 novembre 1789, Nantes : Urbain MABILLE adresse un mémoire au Comité ecclésiastique qui étrille autant le bas chœur que les chanoines, prônant l'égalité entre tous les prêtres de l'Église.
- Les premières lignes donnent le ton : "Égalité des prêtres des cathédrales -  Aux grands maux, les grands remèdes. Jusqu'à présent l'ambition et la vanité ont fait la base du régime canonial ; l'assemblée nationale vient de mettre des bornes à l'une ; il ne lui reste plus qu'à étouffer le germe de l'autre".
- Ses considérations sur la musique sont tout aussi lapidaires : "Il est certain que les bas chœur sont en général composés de chantres très libres dans leur maintien tant au chœur que dans les processions, et arrangés d'une manière indécente ou malpropre, outre que leurs voix mugissantes font presque tous les frais de la psalmodie et du chant de l'église".
• 1789 : Urbain MABILLE, prêtre, est capité de 2lt 8s selon les rôles de 1789. Il demeure Paroisse Saint-Laurent, rue Saint-Laurent.

En 1790, le corps de musique de la cathédrale Saint-Pierre, placé sous l’autorité du maître de musique Sigismond François Antoine CAPPA-LESCOT, est constitué de deux haute-contre Vincent Pierre GAUTIER et François Jude MÉRY, une haute-taille Joseph JOLY, deux basse-taille Henry François DOUVILLE, Vincent LA MARRE, trois basse-contre, Étienne François PICARD et Jean-Baptiste DONON et Jean Victor HUBERT dit HUBERT, deux serpents/basse-taille Jean GILLET, Pierre RAGUENEAU – ce dernier jouant également du basson. Deux musiciens symphonistes sont employés régulièrement par le chapitre, à savoir les sieurs Vincent Anne JULIEN dit JULIEN et Laurent MARIE. L’organiste Denis JOUBERT est quant à lui maître de sa tribune.
Quatre maires-chapelains étoffent le chant à savoir Urbain MABILLE, Charles CHAUVET, Pierre François CHEVREUIL et Jean Toussaint POIGNAND ainsi que deux sous-chantres Jean François VASSAL et Louis GODÉ. La psallette est composée de six enfants de chœur identifiés sur les huit qui dépendent du maître de musique aidé d’un maître de grammaire, le sieur Praud.

• 3 septembre 1790 : Consécutivement à leur requête, les sieurs MABILLE, POIGNAND et CHEVREUIL ci-devant maires-chapelains de l'église cathédrale et continuant à la desservir reçoivent une avance sur leurs appointements de 250 lt.

• Octobre 1790 : MABILLE  fait partie des premiers adhérents à la Constitution civile du clergé avec les deux autres maires-chapelains POIGNAND et CHEVREUIL. Il est toujours musicien de la cathédrale Saint-Pierre. 

• [1790-1794], Nantes : Les sieurs MABILLE, POIGNAND et CHEVREUIL adressent une supplique au Directoire du district de Nantes qui ne trouvera conclusion que quatre ans plus tard. À l'initiative de MABILLE ils entendent recouvrer les rétributions dues au titre des années 1790 à 1793, soit le "maximum qu'ils réclament". CHAUVET, insermenté, a été déchu de ses droits.
• 26 mars 1791 : Le directoire du district délibère sur leur demande et décide d'accorder 250 lt 10 s à MABILLE, 205 lt à POIGNAND et 239 lt 10 s à CHEVREUIL.
• 17 mai 1791 : Le nouvel évêque constitutionnel Minée nomme MABILLE, qui a prêté serment, vicaire épiscopal.

• 4 novembre 1792-11 janvier 1793, Nantes : CAPPA-LESCOT soutient le dossier de requête des trois enfants de chœur reçus en 1783, Pierre DURAND, Pierre GRUAIS et Pierre RAGUENEAU. Ils réclament ce que le chapitre avait coutume de donner aux enfants de chœur sortant : une somme de 100 francs, un habit complet, 3 chemises, 3 cols, 3 mouchoirs, 2 paires de bas, une paire de souliers et un chapeau évalués 150 lt, soit la somme totale de 250 lt par personne, ce qui sera agréé. Les faits sont confirmés par MABILLE, ci-devant maire-chapelain promu vicaire épiscopal. Seuls trois enfants sont concernés alors que la psallette était composée de huit. Il est vraisemblable que les cinq autres enfants se soient retirés chez leurs parents comme la loi de 1790 les y autorisait.
• 1792 : Plein d'enthousiasme, le vicaire épiscopal Urbain MABILLE, publie une Adresse aux citoyens de bonne foi, livrée en ballots de 50 exemplaires vendus 30 lt.

• Mai-Juin 1792, Sucé [Loire-Atlantique] : Urbain MABILLE dessert par intérim la paroisse de Sucé, ex-fief des protestants qui y tenaient leur culte au XVIIe siècle. Il est payé pour 29 voyages entre Nantes et Sucé et exige qu'on lui attribue un sacristain.

• 6 juillet 1792, Nantes : MABILLE adresse une supplique au Directoire du district au nom des anciens maires-chapelains, diacre et sous-diacre, scolastique de la cathédrale. Ces derniers demandent à être compris dans les officiers laïcs et musiciens ayant droit à une pension de retraite.
• 6 novembre 1792: Le Directoire du district délibère sur leur demande et décide qu'ils ne seront pas comptés parmi les officiers laïcs des églises supprimées mais parmi les bénéficiers. Ils recevront donc leur traitement de terme en terme comme bénéficiers selon l'article 10 de la loi du 24 août 1790.

• 17 septembre 1793, Nantes : MABILLE, toujours aussi opiniâtre, adresse de nouveau une pétition au Directoire pour le compte des bénéficiers qui sera traitée favorablement en mars 1794. Ils attendent toujours des mandats de régularisation et d'être portés sur le tableau des pensionnaires ecclésiastiques.  Étant décédé, le Directoire solde le dossier en faveur de la citoyenne Mabille, veuve Haut, qui recevra la somme de :
- 1000 lt correspondant au traitement de MABILLE pour l'année 1790,
- 375 lt jusqu'à sa nomination de vicaire épiscopal soit le 17 mai 1791,
- 312.10 lt pour la moitié de son traitement jusqu'au 1er janvier 1792 ,
- 500 lt du 1er janvier 1792 au 1er janvier 1793,
- 375 lt pour les 3 premiers trimestres 1793,
- 76.4.4 pour 23 jours de son traitement comme vicaire épiscopal (1er octobre au 20 octobre 1793)
TOTAL : 2638.14.4
Après déduction de sa contribution patriotique restant due en 1791 et 1792, ainsi que d'un trop perçu, sa donataire héritera de 2198 lt 8 sols 6 deniers.
Les dossiers de POIGNAND, CHEVREUIL et GODÉ seront traités avec le même soin.

• 30 Vendémiaire An II [21 octobre 1793], Nantes : Deux femmes ne sachant écrire viennent déclarer le décès d'Urbain MABILLE survenu la veille. Elles confirment que MABILLE était prêtre de l'église Saint-Pierre, originaire du Maine-et-Loire, La-Varenne, et qu'il vivait aux ci-devant Jacobins. Le scripteur, vraisemblablement peu à l'aise avec le nouveau calendrier, détaille la date de décès "le dernier jour de la troisième décade du premier mois de l’An second à 11h du soir".

• 26 Frimaire an IX [17 décembre 1800], Paris : CAPPA-LESCOT, domicilié à Paris envoie une requête au Préfet de Loire-Inférieure concernant le non paiement de sa pension depuis juin 1794 qu'il espère voir régularisée. Il souligne que pendant la Terreur, "ayant des ennemis au Comité Révolutionnaire" il ne pouvait obtenir son certificat de civisme.

Ainsi vécut MABILLE, maître de musique putatif, flagorneur, adepte du plagiat, dénonçant les injustices, agitant le bas chœur, rancunier et âpre au gain. Le personnage haut en couleurs permet de cerner des tensions ici exacerbées, existant potentiellement de manière larvée au sein d'autres chapitres.

Mise à jour : 5 septembre 2021

Sources
A. Lallié, Le Diocèse de Nantes..., 1893  ; A.E Prévost, Histoire de la maîtrise de la cathédrale de Troyes, rééd. 1972 ; C. Mellinet, De la musique à Nantes..., 1837 ; Courriel M.-Cl. Mussat, 3 novembre 2009 ; F-Ad10/ BMS, Troyes ; F-Ad21/ BMS Notre-Dame de Dijon en ligne ; F-Ad21/ G 720 ; F-Ad41/ G 212 ; F-Ad44/ 36 J 26 ; F-Ad44/ BMS Nantes, Ste-Croix ; F-Ad44/ G 189 ; F-Ad44/ G 190 ; F-Ad44/ L 1046 ; F-Ad44/ L 1100 ; F-Ad44/ L 34 ; F-Ad44/ L 43 ; F-Ad44/ L 660 ; F-Ad44/ NMD Décès Nantes ; F-Ad44/ Rôles de capitation de Nantes ; F-Ad49/ BMS St-Rémy-la-Varenne ; F-Ad80/ 4G 2983 ; F-An/ DXIX/050/073/16 ; F-Bnf/ 4 FM 28538 ; G. Durand, "Les orgues de la cathédrale d’Amiens", 1903 ; J. Poirier, La Maîtrise de la cathédrale d'Angers..., 1983 ; J.Brosset, Le Grand Orgue, les maîtres de chapelle..., 1907. ; La Laurencie, La vie musicale...,1906 ; Les Affiches de Nantes ; P. Grégoire, Etat du diocèse de Nantes en 1790, 1882

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