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BOYER, Étienne (1756-1825)
État civil
NOM : BOYER     Prénom(s) : Étienne     Sexe : M
Date(s) : 1756-8-31   / 1825-10-14 
Notes biographiques

Présent dans l'historiographie de l'orgue à travers les écrits de son frère Michel, Étienne BOYER a accompli une dense carrière au service de la musique d'abord en Touraine puis sous l'Empire, à Angers où il opère la réorganisation de la maîtrise de la cathédrale Saint-Maurice. En 1790, il est en poste depuis une quinzaine d'années comme organiste de la riche abbaye bénédictine de Marmoutier près de Tours après avoir été formé à la psallette de la collégiale Saint-Martin où il apprend son futur métier sous la conduite de Jean-Baptiste ALLAIN-DUPRÉ. Pendant la période révolutionnaire, il est nommé sur concours à la tribune de la cathédrale, poste qu'il conserve en dépit des vicissitudes politiques, y compris en jouant lors des fêtes décadaires.

• Né à Esvres, non loin de Tours, le 31 août 1756, Étienne BOYER y est baptisé le 2 septembre. Son père, François, était boulanger lors de son mariage en 1752 avec Charlotte Chandereau, mais il est ensuite devenu maçon.

• [1763], Tours : Étienne BOYER entre comme enfant de chœur à la psallette de la collégiale Saint-Martin. Nous ne pouvons préciser le jour car le registre capitulaire de cette année-là a disparu. Il apprend la musique sous la direction de trois maîtres successifs, Louis MAÎTRE (1763-1767), Nicolas SAVART (1768) et Adrien Quentin BUÉE (1768-1773). C'est Jean-Baptiste ALLAIN-DUPRÉ qui le forme au métier d'organiste.

• 2 novembre 1773, Tours : Le chapitre lui permet de quitter la psallette et ordonne au fabricier de lui verser 110 livres pour gages de ses onze années de service, plus 30 livres de vestiaire; un certificat de bonne vie et mœurs lui est délivré par le secrétaire capitulaire.

• [Vers 1775], Tours : Étienne BOYER succède à Nicolas CARRÉ comme organiste à l'abbaye mauriste de Marmoutier, à Rochecorbon rive droite de la Loire, à quelques kilomètres en amont de Tours. Il joue aussi de la basse et compose. Il forme son jeune frère Michel, âgé de douze ans de moins que lui, à l'orgue, et il lui laisse parfois la tribune de Marmoutier pour l'entraîner. Celui-ci raconte dans ses souvenirs liés aux orgues tourangelles d'Ancien Régime parus en 1847:  "L'orgue de cette belle église était placé au bas de la nef sur une tribune élégante dont le plafond, en plein cintre s'écroula lorsqu'il venait d'être achevé, pendant l'office de la nuit. [...].  Cet orgue se composait de deux buffets, dont la boiserie en beau bois de chêne, était ornée de figures d'anges jouant de divers instruments [...]. Mon frère, amoureux de ce bel instrument, l'entretenait dans le meilleur état, appelant à son aide quelquefois son maître DUPRÉ, qui entendait très bien la facture, ou le père COLARDEAU".

Michel raconte également que son aîné donnait des leçons dans deux institutions religieuses de la ville. "La noble abbaye de Beaumont avait aussi un très joli orgue que touchait souvent mon frère, qui enseignait dans cette maison, mais je me rappelle lui en avoir entendu parler si souvent que je croirais presque l'avoir vu autrement que de l'église, mais je n'oserais l'affirmer, car il était difficile d'avoir accès dans cette maison de bénédictines à qui l'on confiait l'éducation de jeunes princesses". C'est la seule mention de cette tribune mais sans doute voulait-il parler d'un petit orgue de chœur. L'inventaire de 1790 a révélé la présence d'un clavecin à l'abbaye de Beaumont et le jeune BOYER devait bénéficier, outre d'un grand talent et de vertus pédagogiques, de fortes protections, même si l'abbaye était surtout peuplée à l'époque de filles de marchands dirigées par l'abbesse de Virieu.
Selon Michel Boyer, "la communauté des religieuses de l'Union chrétienne avait dans sa chapelle un charmant orgue à deux claviers que touchait une très ancienne religieuse nommée ODI, à qui mon frère, qui enseignait dans cette maison, donnait encore des leçons. Le jour de leur sacre, ces bonnes dames m'invitaient à toucher leur office, et me récompensaient fort à mon goût, par des bonbons, dont le souvenir m'est doux encore". En 1790, aucune des 21 religieuses de chœur ou converse ne porte ce nom et les comptes laisse apparaître le nom de JOUBERT comme organiste du couvent...

1790, Tours : Étienne BOYER est toujours en poste à l'abbaye de Marmoutier comme organiste, aux gages annuels de 500 livres, outre le logement et la nourriture. Il mange au réfectoire des moines et assure avoir quinze ans de service dans le poste. Il côtoie deux autres musiciens: le premier serpent François MARCHALLE dit Lorin et le second serpent Jacques GAUDEREAU avec lesquels il rédige une pétition à l'Assemblée nationale le 22 juin. Ces musiciens expliquent que "la plupart d'entre eux y ont acquis un certain âge et n'ont d'autres moyens de subsistance que les honoraires qui leur sont assignés [...] Leur existance seroit donc infiniment déplorable s'ils étoient entièrement privés de ces honoraires : telle est cependant, nos seigneurs, l'effrayante perspective des musiciens de l'abbaye de Marmoutiers les Tours auxquels ont a signifié de sortir le premier juillet prochain. [...] et persuadés de la justice de leur réclamation, vous ne les priverés pas des bienfaits que les français ont droit d'attendre de l'heureuse constitution qui va régénérer la France".

• 12 février 1791, Tours : Étienne BOYER réclame 289 livres pour sept mois de ses appointements pour indemnité "à raison de la cessation des repas qu’il prenoit à la communauté" à partir du 1er juillet 1790.

• 27 janvier 1792, Tours : Après le départ de Louis-Antoine GUICHARD, un concours est organisé pour lui succéder à la tribune de la cathédrale Saint-Gatien de Tours. Il est présidé par Jean-Baptiste ALLAIN-DUPRÉ, son ancien maître. Étienne BOYER l'emporte devant Joseph JOUBERT et Sulpice Philippe LEJAY. Michel Boyer écrira dans son ouvrage sur les orgues tourangelles: "Je ne puis quitter l'orgue de Saint-Gatien sans retracer ici un des plus agréables souvenirs de ma jeunesse. Le culte étant rétabli, après la révolution, mon frère, qui avait perdu son bel orgue de l'abbaye de Marmoutiers, avait succédé à l'organiste de la cathédrale que la mort avait enlevé. L'amour de l'orgue qui le possédait au plus haut degré, lui inspira de mêler les sons de sa basse, dont il jouait fort bien, à ceux de l'orgue. Il se plaça donc dans la plus haute tourelle, pendant un des saluts de la Fête-Dieu qui avaient lieu, au jour tombant, et là, sans être vu, il exécuta un andante expressivo de sa composition, que je lui accompagnai sur l'orgue avec le jeu de flûte".

• 16 août 1792, Tours : Le directoire du département lui octroie une pension d'un montant de 133 livres 6 sols 8 deniers payable par trimestre.

• 11 février 1794, Tours : Étienne BOYER touche du directoire du département la somme 450 livres qu'on lui devait encore pour ses gages d'organiste à Saint-Martin du 1er juillet 1792 au 31 décembre 1793, c'est-à-dire la suppression de la paroisse.Ses gages annuels avaient été fixés à 300 livres par an.

• 5 juin 1796, Tours : Il est désigné par l'administration municipale pour rétablir sur l'orgue qui se trouve dans "l'édifice Gatien", ancienne cathédrale, 14 gros tuyaux d'étain à la place de ceux qui ont été volés. Il va certainement les prélever sur l'ancien orgue abandonné de la collégiale Saint-Martin.

• 15 juillet 1798, Tours : Devenu "artiste musicien" mais demeurant depuis sa naissance dans une maison de la rue du Cygne appartenant au citoyen Fontenelle, il signe un certificat de résidence en présence de l'ancien chantre martinien Jean François VASSEUR. À cette occasion, on possède une description physique d'Étienne BOYER : "taille de cinq pieds un pouce, visage plein, cheveux et sourcils chatains, yeux bleus, nez ordinaire, bouche moyenne, menton rond". Il rédige lui-même le renouvellement du serment liberté-égalité qu'il aurait prêté en 1792 mais qu'on ne retrouve pas dans les registres de la municipalité.

• 23 avril 1799, Tours : Avec Jean-Baptiste ALLAIN-DUPRÉ et François BONJOUR, Étienne BOYER fait partie des experts mandatés par les administrateurs municipaux pour réceptionner les travaux de réparation effectués par le facteur orléanais Joseph ISNARD.
• 17 juin 1799, Tours : À l'issue d'un concours, il est choisi comme organiste du temple décadaire. Deux jours plus tard, on lui fixe ses conditions, il devra "toucher l'orgue tous les decadis et les jours de fêtes nationales ordinaires ou extraordinaires[...], d'accorder tous les jeux d'anche toutes les fois qu'ils en auront besoin et de payer à ses frais le souffleur qu'il employera". Le même jour, il reçoit du payeur général du département d'Indre et Loire la somme de "vingt deux francs vingt deux centimes pour le tiers du second semestre de l'an Six d'une pension annuelle de cent trente trois francs trente trois centimes payable en rescriptions ou bon au porteur, conformément à la loi du 28 Vendémiaire an 7".

• 26 octobre 1800, Tours : Déjà privé des revenus liés aux fêtes décadaires qui ont été supprimées le 28 juillet précédent, Étienne BOYER voit sa charge d'organiste du temple décadaire également supprimée par une délibération du conseil municipal.

• 1er janvier 1803, Tours : Le culte rétabli et réorganisé après la signature du Concordat, Étienne BOYER est nommé officiellement comme organiste de la cathédrale Saint-Gatien, au salaire de 300 fr par an.

• Le 12 janvier 1810, Angers : Étienne BOYER vient de Tours à Angers pour recevoir les travaux de restauration du grand orgue de la cathédrale effectués par NYSSEN. La fabrique lui propose un traité avantageux qui est signé le 20. Il devient le nouvel organiste de Saint-Maurice mais à la charge "d'enseigner sans rétribution la musique à deux enfants de chœur, leur apprendre à toucher le piano forte et l'orgue". Il recevra un traitement de 800 livres mais sera soumis au point et perdra 40 sous par absence non motivée.
• 3 mars 1810, Angers : Étienne BOYER prend son poste. Il gagne bien davantage que son prédécesseur Nicolas BAUDOIN. À Tours, c'est François BONJOUR qui lui succède.

• 21 juin 1814, Angers : BOYER écrit un De profundis qui est chanté au service d'honneur organisé après le décès de Pierre VOILLEMONT, maître de psallette de la cathédrale avant la Révolution.

• Août 1816 : Étienne BOYER devient en plus maître de musique des enfants de chœur de la cathédrale Saint-Maurice avec un traitement de 1000 francs par an à partir d'octobre. Parmi les élèves qu'il forme alors figure Julien MARTIN, reçu à la psallette en 1818, futur maître de chapelle au Mans puis musicographe à Paris. Sous sa conduite, la psallette cathédrale aurait retrouvé son ancienne réputation.

• 14 octobre 1825, Angers : Célibataire, toujours organiste de la cathédrale Saint-Maurice, Étienne BOYER s'éteint à son domicile de la cour Saint-Aubin, à trois heures du matin.
C'est Jean-Clément POIDEVIN qui prend sa suite à la tête de la psallette angevine. BOYER jouait aussi du violoncelle à la Société du Concert. Sa notoriété était réelle et débordait des bords de la Maine: "M. Boyer était un organiste extrêmement distingué : son improvisation brillante et chaleureuse en avait fait l’émule des Séjan, des Charpentier, dont il était l’ami" écrit La Gazette musicale de Paris en janvier 1841. Celle-ci publie en réalité un beau témoignage d'estime et d'admiration de son ancien élève, Julien MARTIN. Il rapporte également une anecdote au sujet de la rencontre autour de l'orgue de la cathédrale entre BOYER et François Adrien BOIELDIEU, qui ne s'étant pas encore présenté, joue avec brio devant le vieux maître. Ce dernier découvrant l'identité de son visiteur, se serait écrié : "Monsieur, [...], vous êtes Boïldieu, - Boyer-le-Dieu, - et moi, je suis Boyer tout court. » Ce mot plut tant à l’auteur de la Dame blanche, qu’il envoya quelque temps après, à notre organiste, la partition du Chaperon rouge". D'autres ont toutefois laissé de lui un portrait à la fois pittoresque et peu flatteur : "[...] mollets blancs comme ses cheveux, habit gris de carrière, une queue et des ailes de pigeon, un parapluie sous le bras d'ordinaire et surtout par le soleil... et si prodigieux en crédulité que ses oreilles étaient comme deux portes cochères hospitalièrement ouvertes à tous les contes des passants [Pavie, La Gerbe, 1834]".

Mise à jour : 25 juillet 2017

Sources
F-Adio.Tours/ registre capitulaire St-Martin n°21 ; J. Poirier, La Maîtrise de la cathédrale d'Angers..., 1983 ; C. Port, Dictionnaire historique..., 1874 ; E. Lachèse, le concert d'étude à Angers, 1857 ; F-Ad37/ 1Q 534 ; F-Ad37/ 2L 803 ; F-Ad37/ L 171  ; F-Ad37/ L 624  ; F-Ad37/ L 629 ; F-Ad37/ L607 ; F-Ad37/ état civil ; F-Ad49/ non coté ; F-Adio Tours/ cote ? ; F-Adio.Angers/ non coté ; F-AdioTours/ 3D1/ 1400 ; F-AdiocésainesTours/ P2L/ 947 ; F-An/ DXIX/092/795/01 ; J. Poirier, La Maîtrise de la cathédrale d'Angers..., 1983 ; Les orgues d'Indre-et-Loire, [...], Ed. Comp'Act, 1997 ; M. Boyer, "Notice historique sur les orgues […] Tours avant 1789", 1848 ; M. Boyer, "Notice historique sur les orgues… Tours avant 1789"  ; Revue et Gazette Musicale de Paris, 24 janvier 1841.

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