Login
Menu et informations
Somme

Musique et musiciens d’Église dans le département de la SOMME autour de 1790

Sommaire

Liste des musiciens de la Somme

Url pérenne : http://philidor.cmbv.fr/musefrem/somme

  

1-Maison de M. Jacquin

Amiens. Vue prise de la maison de M. Jacquin, par JB Lallemand, années 1780 [détail] (Source gallica.bnf.fr / BnF, Estampes et photographie, EST RESERVE VE-26 (I))

I - Présentation du département de la Somme – Sa création

Parcourue d’est en ouest par le cours d’eau qui lui a donné son nom, le département de la Somme est essentiellement composé d’un plateau crayeux, recouvert de limon. L’absence de grands reliefs, la fertilité des sols et l’influence du climat océanique ont favorisé très tôt l’implantation humaine et le développement de l’agriculture. L’Almanach Picard en 1779 décrit la Picardie comme « très fertile en bleds, fruits, lins, chanvres, grains de toutes les espèces et légumes. Elle produit de la tourbe qui sert pour le chauffage du peuple. On recueille aussi du vin dans le Laonnois, le Soissonnois, le Noyonnois, et aux environs de Mondidier, de Clermont et de Beauvais ». Sa situation entre Flandres et Île-de-France a fait de ce territoire l’objet de convoitises et le théâtre de grandes batailles, de la conquête romaine à la Seconde Guerre Mondiale. À l’époque moderne notamment, Amiens est assiégée par les Espagnols en 1597, elle est libérée par Henri IV le 25 septembre – jour de la Saint-Firmin, patron de la ville et du diocèse – au terme d’un siège de six mois. Elle sert aussi de base arrière pendant les conflits d’Europe du nord au XVIIe siècle, notamment lors de la guerre de Trente ans (1618 – 1648).

À sa création le 4 mars 1790, le département de la Somme occupe la quasi-totalité de l’ancien ressort du diocèse d’Amiens, réparti en deux archidiaconés : celui du Ponthieu autour d’Abbeville et à l’ouest de la cité épiscopale, et l’archidiaconé d’Amiens pour la moitié est du territoire. Il faut ajouter le doyenné de Péronne, autrefois dépendant de l’évêché de Noyon. Le nouveau département correspond également peu ou prou à la généralité d’Amiens, rassemblant cinq de ses six élections (Amiens, Abbeville, Doullens, Montdidier et Péronne). Seule l’importante élection de Saint-Quentin, rattachée à l’Aisne, échappe au nouveau département. La nouvelle administration révolutionnaire opte pour un partage en cinq districts dont les chefs-lieux sont ceux des élections supprimées.
 

2-Somme

Département de la Somme, dans La République Française en LXXXVIII départemens, 3e édition, Paris, An III, in 8° (Coll. Part.)

II - Une métropole et un réseau de villes secondaires

Un maillage régulier de l’espace par ses villes caractérise le nouveau département, avec à sa tête et en position centrale une métropole d’importance, Amiens, qui abrite environ 38 000 habitants à la fin du XVIIIe siècle. Louis Daire, en 1757, indique à son sujet que la ville « a toujours été très commerçante ; elle le devint davantage sous Louis XIV, par les manufactures de toutes espèces que M. Colbert y établit. On y fabrique des serges, baracans [draps], étamines, camelots, crêpons, pluches, raz, croisés, bas au métier, rubans et autres étoffes en soie et en laine, où l’on emploie, tant à la ville qu’à la campagne, plus de 40 000 ouvriers ». Le paysage urbain est dominé par la cathédrale Notre-Dame, mais d’autres établissements religieux sont présents. L’Almanach Picard recense pour l’année 1779 quatorze paroisses, trois abbayes et dix couvents d’hommes, une abbaye et huit couvents de femmes. Plusieurs sociétés stimulent la vie artistique de la ville. La confrérie Notre-Dame du Puy, qui organise chaque année un concours littéraire et de peinture jusqu’au XVIIe siècle, assure toujours des activités de dévotion au XVIIIe siècle. Une académie de musique est fondée en 1734, elle disparait dès 1741. En 1743, une société de musique lui succède – les Apollons – qui rassemble 40 membres issus de l’aristocratie mondaine et qui s’assemblent chaque dimanche (Calonne, Histoire de la ville d’Amiens…). Grâce à différents soutiens, les Apollons font bâtir une salle de concert pour se produire chaque quinzaine. Certains de ses membres sont aussi musiciens dans les établissements d’Amiens. Enfin, une école des arts est présente.

3-Amiens

Amiens. Profil de la ville épiscopale d’Amiens capitale de la Picardie, XVIIe siècle (Source : gallica.bnf.fr / BnF, GED-4546)

Capitale historique de l’ancien comté de Ponthieu et forte de ses 22 000 habitants, Abbeville est la seconde ville du nouveau département. Outre le commerce, Abbeville jouit d’une forte tradition drapière – l’industrie des baracans – renforcée depuis le XVIIe siècle par l’établissement de la manufacture de draps Van Robais (ou manufacture des rames, 1665) et d’une manufacture de tapis en 1667 ; ces deux industries étant soutenues par un privilège royal, voulu par Colbert. La ville exporte alors ses draps et ses toiles vers différents ports européens, en Espagne, au Portugal, en Russie, en Angleterre et vers le Nouveau Monde. De plus, Abbeville fabrique et exporte, notamment à destination de la Hollande, des verres à vitre et des verres à bouteille. Les guerres de la Révolution, ainsi que l’ensablement de la baie de Somme porteront un coup d’arrêt à son activité économique. Depuis le XIe siècle, la cité s’est organisée autour de la collégiale Saint-Vulfran, fondée par le comte de Ponthieu pour y abriter les reliques de saint Vulfran, évêque de Sens. Temple de la Raison sous la Révolution, la collégiale est parvenue jusqu’à nous. Composé de 26 prébendes, le chapitre assure une juridiction spirituelle et temporelle sur les quatorze paroisses de la ville. On recense également un prieuré clunisien, une commanderie de l’ordre de Malte, six couvents d’hommes, une maison de frères des écoles chrétiennes, sept couvents de femmes.

À rebours de ces éléments, Arthur Youg, à l’occasion de son premier voyage en France en 1787 décrit dans son journal Abbeville comme « une vieille ville construite sans agrément ; beaucoup de maisons en bois qui ont un air de vétusté ». Il poursuit son voyage en remontant la rivière Somme, en direction de l’est vers Amiens, constatant « de la pauvreté et de pauvres moissons jusqu’à Amiens ». Sa perception de la cathédrale d’Amiens est quant à elle tout à fait empreinte de chauvinisme lorsqu’il indique avoir « vu la cathédrale que l’on dit avoir été construite par les Anglais ; elle est très grande, admirable par la légèreté et l’ornementation ».

Siège d’élection, de prévôté et de bailliage sous l’Ancien Régime, la ville de Péronne s’étend au nord-est du nouveau département. Elle abrite près de 3 000 habitants en 1790. Le principal établissement religieux est la collégiale Saint-Fursy, fondée sur la tombe de saint Fursy, moine irlandais du VIe siècle. Le bâtiment est démantelé en 1794. Composé de 36 prébendes, il s’agit du premier chapitre collégial en nombre du département. C’est à Péronne, en mars 1789, que se réunissent les représentants des trois ordres des bailliages de Péronne, Roye et Montdidier, afin de rédiger leurs cahiers de doléances. L’Almanach Picard indique qu’en outre « Il y a 50 amateurs qui donnent concert le dimanche pendant l’hiver, et le jeudi pendant l’été. Il s’y exécute souvent des opéras sous la direction de M. l’abbé ROUSSEL, maître de musique de la collégiale. Plusieurs demoiselles y chantent avec applaudissements ».

Montdidier était siège de bailliage et d’élection sous l’Ancien Régime, elle devient chef-lieu de district à la Révolution. La nouvelle administration reconnaît ainsi une croissance démographique et une importance déjà développées sous la monarchie : la ville a été faite siège de présidial en 1788 dans le cadre des réformes de Lamoignon mais la mesure n’a pas été appliquée. Près de 4 000 habitants peuplent la ville. Montdidier supplante ainsi Roye dans le rôle de capitale du Santerre. La fabrication de draps est une des principales activités de la ville. Le commerce du blé et des légumes assure également une part importante de l’activité économique. Montdidier est divisé en cinq paroisses, deux églises paroissiales d’importance, Saint-Pierre et le Saint-Sépulcre, se distinguent par leur activité musicale. On dénombre enfin deux couvents d’hommes et trois convents de femmes.

Enfin, Doullens est le siège du cinquième district de la Somme. Située au nord du département, la ville accueille 3 000 habitants à la fin de l’Ancien Régime. Théâtre de plusieurs conflits, notamment des guerres de Louis XIV au XVIIe siècle, la ville connait une période de paix après la paix d’Utrecht. Toutefois, « la ville n’était pas riche […] et avait peine à se relever de sa déchéance. Les blessures que la guerre lui avait faites saignèrent plus d’un siècle, et sa vie en fut amoindrie pour toujours » (Delgove, Histoire de la ville de Doullens…). La principale église de Doullens est la paroissiale Saint-Pierre, dans laquelle aucun chantre ni musicien ne sont à ce jour connus à la fin du XVIIIe siècle.

D’autres villes secondaires ponctuent le territoire.

Grégoire d’Essigny écrit en 1818 au sujet de Roye que « l’heureuse situation de la ville […], la salubrité de l’air qu’on y respire, la pureté des eaux qu’on y boit, l’excellente qualité des aliments dont on s’y nourrit, procurent aux habitants une santé constante ; un grand nombre parvient à une extrême vieillesse ; les octogénaires y sont très communs ». D’une démographie équivalente à celle de Péronne – environ 3 000 habitants en 1790 – et une des principales villes du Santerre à l’est du département, la ville de Roye perd en influence progressivement dans les derniers siècles de l’Ancien Régime après avoir connu un certain rayonnement à la fin du Moyen Âge. Ainsi, elle n’est plus siège d’élection à partir de 1665 (au profit de Péronne et de Montdidier). La nouvelle administration révolutionnaire n’en fait pas un siège de district, la ville étant rattachée à celui de Montdidier. Son activité économique demeure dynamique par ses marchés et sa foire annuelle ; l’agglomération vit aussi de l’industrie drapière. « Indépendamment du commerce de grains, qui est considérable, il s’en fait un autre de bas au métier et d’étoffes tricotées pour habits, dont la réputation s’étend au loin » La ville est construite autour de la collégiale Saint-Florent, fondée au XIe siècle par le comte de Vermandois pour abriter les reliques de saint Florent, prêtre en Anjou. Le chapitre est composé de 25 prébendes ; il est dirigé par un doyen. 22 chapelains viennent compléter les effectifs. Saint-Florent disparaît lors des bombardements de la Première Guerre Mondiale. La ville est divisée en quatre paroisses et compte deux couvents d’hommes et deux couvents de femmes.

Nesle, dans l’arrondissement de Péronne est construite autour de son château et de sa collégiale. 1 683 habitants sont dénombrés en 1793. La collégiale Notre-Dame de l’Assomption est fondée au XIe siècle par l’évêque de Noyon. 24 prébendes composent le chapitre, ainsi que 27 chapelles. Il est en outre curé primitif de douze cures. La collégiale est détruite lors de la Grande Guerre. Quatre paroisses divisent l’espace urbain ; elles sont réunies en une seule, sise dans l’ancienne collégiale, à la Révolution.

Située au nord d’Amiens, la ville de Corbie est construite à la confluence de plusieurs cours d’eau. L’abbaye Saint-Pierre est une fondation du VIIe siècle. La ville vit essentiellement de la culture de la guède (plante tinctoriale bleue) au Moyen Âge. Ville de garnison aux XVIe et XVIIe siècles, elle perd son rôle militaire après le rattachement de l’Artois à la France (1659). L’activité économique ralentit fortement après le départ de la garnison.

III - Les corps de musique des églises de la Somme

● ● ● À Amiens : la cathédrale, une collégiale, deux paroisses et des communautés religieuses

 Un solide corps de musique à la cathédrale Notre-Dame
La cathédrale est décrite par l’abbé Tiron, ancien enfant de chœur du lieu, au début du XIXe siècle comme ayant « la meilleure [maîtrise] de toute la France » ; l’adage populaire dit aussi « Amiens bien chanté, Corbie bien sonné ». Ce sont environ 160 voix de chanoines, chapelains, enfants de chœurs, chantres et musiciens qui s’élèvent sous les voûtes de Notre-Dame (Frédéric Billiet, « La maîtrise de la cathédrale d’Amiens »). Parmi les chanoines de la cathédrale, il existe les dignités de préchantre et de chantre depuis le XIIIe siècle. Le chanoine Villeman, dans ses notes du début du XVIIIe siècle, expose que le préchantre a pour fonction de régir le chœur. Il est donc susceptible d’intervenir sur toutes les questions ayant trait au chant et à la musique. Le chantre, quant à lui, a notamment la charge de dresser la liste des chanteurs. Préchantre et chantre ont conjointement autorité sur les enfants de chœur. Les titulaires de ces deux dignités ont toujours un rôle musical – indirect – au XVIIIe siècle. Pour autant, la cathédrale est dotée d’un véritable corps de musique, composé de musiciens de profession. La France ecclésiastique indique un ensemble de quinze musiciens en 1788. C’est toujours le cas en 1790. Il s’agit du corps le plus développé du territoire considéré. Il est dirigé par un maître de musique, assisté d’un maître des enfants de chœur. En 1790, on recense ainsi Dominique LEUDER, maître de musique, six chantres (Jacques BRALLEPierre Joseph DEGOUY, Jean-Baptiste BOURDEAU, Pierre NICAISE, Pierre François Xavier DESARGUS et Pierre François CACHELIÈVRE), quatre instrumentistes (Claude Antoine QUENTIN, Jean Antoine Théodore EVRARD) dont un serpent (Jean-Baptiste VISIERE) et un organiste (Louis GAULIER). Un maître des enfants de chœur (Honoré COQUERELLE encadre les dix enfants de la maîtrise appelés « petits vicaires » dont seuls trois noms nous sont connus (Nicolas CHOULEUR, Joseph VICART et Honoré COCU). Les musiciens sont rétribués par le biais de chapelles de fondation. Ils sont clercs et sont désignés comme vicaires. Leur rétribution est très élevée par rapport aux autres musiciens rencontrés dans le département, signe de la volonté d’attirer et de conserver les meilleurs éléments. Ainsi, les musiciens de la cathédrale déclarent aux administrateurs révolutionnaires un revenu moyen de 1 466 livres. LEUDER, QUENTIN et VISIERE reçoivent les plus hautes rétributions. Dominique LEUDER déclare par exemple en 1790 toucher 1 460 livres pour sa qualité de maître de musique, auxquels s’ajoutent 710 livres comme membre de la communauté des chapelains, ainsi que des honoraires en nature, soit « 108 setiers de blé, mesures du chapitre, qui font 108 septiers d’avoine, mesure de la ville. Et 108 septier d’avoine, mesure du chapitre, qui font de même 117 septiers mesure de la ville ». À la veille de la Révolution, les dépenses pour le fonctionnement de la musique de la cathédrale s’élèvent à plus de 5 000 livres (sans compter la rétribution des musiciens chapelains).

Musiciens professionnels, les vicaires de la cathédrale sont intégrés dans des réseaux de sociabilité et ont une carrière parfois marquée par la mobilité. Dominique LEUDER est né à Paris et reçoit sa formation musicale comme enfant de chœur de la cathédrale Notre-Dame. Il rejoint le chœur de la cathédrale d’Amiens comme maître de musique en 1770 à l’âge de dix-sept ans. Jacques BRALLE, est originaire du diocèse de Châlons. Un temps enfant de chœur de la cathédrale d’Amiens (petit vicaire), son fils devient maître de musique de la cathédrale d’Arras en 1777. Pierre NICAISE est né et formé à Paris, puis chante la basse-taille au chœur de la cathédrale Saint-Louis de Blois avant de rejoindre les effectifs d’Amiens.

Outre ces effectifs fixes, le chapitre cathédral fait appel à d’autres musiciens, notamment ceux d’autres cathédrales pour les fêtes de grande solennité comme la Saint-Firmin (patron du diocèse) le 25 septembre, par exemple en 1745 avec Antoine GOULET (maître de musique de Noyon). La cathédrale continue, jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, à renforcer ses effectifs musicaux lors des fêtes de la Saint-Firmin. Les registres de comptes des années 1780 ne précisent toutefois plus les noms des musiciens à qui l’on a fait appel.

La collégiale Saint-Martin
Sise à quelques mètres de la cathédrale Notre-Dame, la toute récente collégiale Saint-Martin, issue de la fusion des chapitres Saint-Firmin-le-Confesseur et Saint-Nicolas en 1787, n’emploie plus que deux chantres et un organiste à la veille de la Révolution. Jean ROUSSEL et Antoine LOMBARD accusent tous deux une ancienneté importante. Ils font également partie des musiciens pensionnés que l’on suit le plus longtemps dans les papiers de l’administration révolutionnaire (jusqu’en 1802). L’organiste François GROSSIER a été le témoin des péripéties de ces établissements tout en jouant sur le même instrument. On le trouve en effet dans les comptes de Saint-Nicolas dans les années 1780 puis dans ceux de Saint-Firmin-le-Confesseur en 1790. En effet, et malgré la fusion des deux établissements, Saint-Firmin-le-Confesseur conserve une comptabilité propre dans laquelle on retrouve les gages de François GROSSIER ainsi que les derniers versements effectués au profit de la veuve DALLERY « pour la matière et la façon de l’orgue, suivant l’acte double du 28 avril 1748 ». Le Directoire de département de la Somme ne clarifie pas davantage la situation de la collégiale Saint-Martin. Dans son État des pensionnés de 1792, il associe Antoine LOMBART à la collégiale Saint-Nicolas et François GROSSIER aux Augustins [soit la nouvelle collégiale Saint-Martin] d’Amiens.

Deux églises paroissiales où l’on joue de la musique en 1790
L’église Saint-Firmin-en-Castillon – dont le nom rappelle la forteresse où fut enfermé et exécuté Firmin, premier évêque d’Amiens et patron du diocèse – dispose d’un corps de musique un peu plus développé en 1790, encore qu’un doute subsiste. En effet, un organiste (CORNETTE) et un serpent (DUBOIS) sont recensés. Pour autant, deux chantres (RENOUARD et MAYANT) sont actifs en 1787. On ne dispose pas de preuve d’activité les concernant en 1790. Deux chantres et un organiste assurent le service musical de l’église paroissiale Saint-Germain : les chantres VERUS et RAVENNEL dont on ne sait rien, ni de leur âge ni de leur situation familiale, en 1790 ; et l’organiste Charles MARC qui nous est plus familier. Il débute sur les orgues de la paroisse Saint-Sulpice entre 1748 et 1779, où il a pris la succession de son frère. Il joue également sur l’instrument de Saint-Germain jusqu’en 1790.

Dans trois autres églises paroissiales, une activité musicale est attestée au cours des années 1780, mais sans preuve formelle d’existence pour l’année 1790. Ainsi, Antoine GELEE est organiste de l’église paroissiale Saint-Rémy en 1783 et Joseph FIQUET touche les orgues de l’église paroissiale Saint-Sulpice. Bien plus ancien, le sieur CATOU est organiste de l’église paroissiale Saint-Firmin-à-la-Porte en 1759.

Abbayes et couvents
Lors de l’inventaire effectué par les administrateurs municipaux d’Amiens de l’abbaye Notre-Dame du Paraclet, quatre religieuses et musiciennes (chantres) sont identifiées. Il s’agit, avec les religieuses du prieuré de Moreaucourt (l’Étoile), des seules femmes musiciennes recensées pour le département de la Somme : Simone ARTUS, Elisabeth DESPREZ, Angélique BRUHIER D’ABLINCOURT, Marie Louise CARPENTIER DE LAUNOY. Toutes quatre cumulent la fonction de chantre avec une autre activité, associée au fonctionnement de la communauté (dépensière, infirmière, portière). Simone ARTUS et Angélique BRUHIER D’ABLINCOURT quittent l’habit religieux dès 1790. Les deux autres indiquent vouloir persévérer dans la vie communautaire. On perd leur trace dès 1792. Au prieuré de Moreaucourt, Marie Madeleine DEQUEU et Marie Thérèse GAUDEFROY sont toutes deux chantres, Marie Elisabeth MARQUE est organiste.

D’autres établissements réguliers – masculins cette fois – entretiennent une vie musicale à Amiens. Alexis BOUBERT est organiste au couvent des Jacobins, après avoir joué sur l’instrument de Saint-Firmin-en-Castillon jusqu’en 1767. Ces deux organistes ont en commun d’avoir exercé sur au moins deux instruments de la ville et d’être en fin de carrière. Jean COUILLART est chantre au couvent des cordeliers pour 120 livres de gages annuels. On n’en sait pas davantage sur son compte.

● ● ● Abbeville, Nesle, Péronne et Roye : quatre collégiales à la frontière de plusieurs mondes

Après la cathédrale d’Amiens, les collégiales d’Abbeville, de Péronne, de Roye et de Nesle sont les principaux supports du dynamisme musical d’église sur le territoire qui devient la Somme en 1790. Ces trois collégiales présentent des caractéristiques communes tout en conservant quelques particularités.

Des corps de musique plus modestes mais vivants
Les quatre corps de musique sont dirigés par un maître de musique et composés de quatre à six chantres, de deux à trois instrumentistes (bassons et serpents), d’un organiste et de cinq à sept enfants de chœur.

4-Saint-Vulfran

Abbeville. Saint-Vulfran, XVIIIe siècle (Source : gallica.bnf.fr / BnF, Estampes et photographie, EST RESERVE VE-26 (I))

Le corps de musique de Saint-Vulfran d’Abbeville est dirigé par Jean-Baptiste BONNARD. Il est alors composé de quatre chantres (BELLANCOURTDONNEGER, SUEUR et BEAUVARLER), trois instrumentistes (DUBOIS, FLICOURT et MAUVOISIN), un organiste (MASSE) et sept enfants de chœur (COYETTE, DEFER, DESMAREST, FLANQUARIE, TANCHE, VILBRODE, VITAUX). Un maître des enfants chœur (DESMAREST) complète l'effectif. Les dépenses pour la musique représentent près de 2 600 livres dans les comptes de la fabrique en 1790. C’est nettement moins que les collégiales suivantes. C’est à Abbeville que l’on rencontre les musiciens les moins bien payés (le traitement moyen d’un musicien y est de 200 livres à la veille de la Révolution).

Placé sous la conduite de Pierre ROUSSEL le maître de musique, le corps de musique de la collégiale Saint-Fursy de Péronne est composé en 1790 de deux joueurs de basson, GENSE l'aîné et GENSE le cadet, et de six chanteurs (Jean-Baptiste VARÉ, haute-contre, Jean-Baptiste HARLAUX, basse-taille, et quatre basses-contres, Jean CORBEAU, Charles Antoine LAMARRE, DEVILLERS et QUENESCOURT), sans oublier l'organiste VITCOQ. L'effectif est complété de cinq enfants de chœur : LENTÉ, DORVILLE aîné, DORVILLE cadet, BAROU, et JULIEN. Le corps de musique de Saint-Fursy de Péronne nécessite 4 000 livres de dépenses pour l’année 1789 (la rétribution complète des musiciens semble être comprise totalement dans ce compte). Ces derniers touchent en moyenne 661 livres par an.

Le corps de musique de Saint-Florent de Roye est placé sous la direction de Mathieu François Gaspard BASQUE (maître de musique). Il est composé de cinq basse-contres (SAILLARD, MARTINVALLE, MOINET, VASSE et WABLE), une basse-taille (CROISSY), un basson (PERSEN), un musicien (GRAUX) et un organiste (RENARD). Six enfants de chœur complètent l'effectif. À ce stade de la recherche, on ne connait pas leurs noms. Les musiciens de Roye touchent en moyenne 365 livres par an.

5-Eglise de Nesle

Nesle, l'église, dans France-Album [fascicule 56, f. 25], dessins de A. Karl, années 1890 (Source : gallica.bnf.fr / BnF, Société de Géographie, SG WC-419)

Dirigé par DAZAC (maître de musique), le corps de musique de la collégiale Notre-Dame de l’Assomption de Nesle est composé de quatre chantres (Jean-Baptiste MARTIN, OUDIN, FELON, DARACHE), trois musiciens (MOREL, RICHARD, TOULET), d’un organiste (BOULOGNE) et de six enfants de chœur. Ils touchent en moyenne 266 livres par an. En numéraire, les « frais de musique » pour une année peuvent être estimés à 2 132 livres.

Musiciens pluriactifs, musiciens de métier
On observe que les situations les plus fréquentes de pluriactivité se rencontrent à Abbeville avec plusieurs chantres qui sont également « baracaniers » (tisserands). Le plus généralement, l’information émerge des actes inscrits dans les registres paroissiaux. L’acte de mariage de Jean-Baptiste DUBOIS, serpent de la collégiale Saint-Vulfran, le désigne comme baracanier. François Louis DONNEGER est chantre à Saint-Vulfran tout en étant « bas estaminier ». C’est aussi le cas de Jean-Baptiste BELLANCOURT (chantre). Pierre SAUTY, lui aussi chantre de Saint-Vulfran, est également maître buffetier. On ne rencontre pas ces situations de pluriactivité dans les collégiales de Saint-Fursy et Saint-Florent où les revenus sont plus élevés et dont la quasi-totalité des musiciens figurent dans les archives du Comité ecclésiastique. Il semble donc que des traitements peu élevés favorisent la pluriactivité et la pratique occasionnelle de la musique, situation qui a éloigné de la possibilité d’une pension toute une partie de la population musicale.

Des musiciens en réseau
Outre les relations liées à la pratique d’un métier, les musiciens des collégiales entretiennent d’autres liens, familiaux et amicaux, rendus visibles par des signatures au bas d’actes de registres paroissiaux ou d’état civil. À Péronne, les frères GENSE, François André et Louis Adrien, jouent tous deux du basson au chœur de la collégiale Saint-Fursy. Leur père Jacques André a lui-même été musicien de la collégiale.

Louis MINARD est au service de la collégiale Saint-Florent de Roye comme musicien. Ses deux fils, Louis Nicolas et Louis Pierre, deviennent à leur tour musiciens de Saint-Florent. Robert Pierre Olympe RENARD prend la succession de son père sur les orgues de la même église Saint-Florent de Roye.

Outre les liens familiaux, des liens d’amitié sont également visibles. Lorsque MARTINVALLE décède en 1811, c’est son ami Pierre WABLE qui déclare son décès. Tous deux ont été chantres de Saint-Florent de Roye, Pierre WABLE est en outre gendre de Louis DOMICILLE, musicien de la même collégiale.

À Saint-Fursy de Péronne, les enfants de Nicolas CAREL et d’André GENSE sont parrain et filleul.

Ces liens existent aussi entre plusieurs musiciens de différents établissements d’une même ville. Jean-Baptiste BOULONGNE, organiste de la paroisse Saint-Pierre de Roye, épouse en 1787 la fille de l’organiste de la collégiale Saint-Florent. Par ailleurs, Jean-Baptiste BOULONGNE a pris à Saint-Pierre la succession d’Adrien Charles RENARD dont le père puis le frère furent organistes de Saint-Florent. Pierre Antoine RICHARD, premier basson de la collégiale de Nesle, a un neveu musicien dans la même ville, sans qu’on sache où ce dernier exerce son art.

Les collégiales, des lieux de formation
Dans la carrière de plusieurs musiciens, les collégiales sont un premier poste avant de rejoindre un établissement offrant plus d’avantages ou d’opportunités. L’exemple de Jean François SAILLARD montre un cheminement assez classique en Picardie. Il est né à Conchy-les-Pots (à une dizaine de kilomètres au sud-ouest de Roye). Son père est boulanger, son parrain est le curé de Conchy. À partir des années 1770, il exerce comme maître d’école et clerc séculier de la paroisse Saint-Gilles de Roye. Dans le courant des années 1780, il rejoint le chœur de la collégiale Saint-Florent pour y chanter la basse-contre. Son emploi de chantre lui vaut 420 livres de gages par an. À la fermeture de la collégiale, le Directoire de département de la Somme propose que lui soit accordée une pension de 140 livres. Il devient à nouveau maître d’école de la paroisse Saint-Gilles et décède en 1793 à l’âge de 40 ans. Dans cette situation, la collégiale Saint-Florent a sans doute été une promotion et une avancée dans la carrière de Jean François SAILLARD. Cet exemple montre en outre la porosité et la proximité qui existe entre monde des chantres magistri de paroisse et musiciens d’église de profession. D’autres parcours de ce type ont été rencontrés en Picardie.

Jean François TOULET est issu de parents manouvriers. La première profession référencée le concernant est celle de domestique, qui figure sur son acte de mariage en 1774. On le trouve ensuite comme chantre de Saint-Florent à Roye (1778), chantant la basse-contre à la cathédrale Saint-Étienne de Châlons-en-Champagne [Marne] (1779), où il ne donne pas satisfaction et cumule les dettes, puis, après une lacune documentaire de cinq années, à la collégiale Saint-Piat de Seclin [Nord] (1786), à la collégiale Saint-Pierre de Lille (1787) et en 1790 à la collégiale Notre-Dame de Nesle. Cette mobilité rapide, marquée par une instabilité dans les postes occupés, s’explique probablement par l’incapacité de TOULET à gérer correctement ses finances (à Lille, en avril 1787, il obtient une aide destinée aux pauvres). C’est sans doute ce qui justifie son retour dans son pays natal, à Nesle, après avoir travaillé dans des établissements bien plus prestigieux comme la cathédrale de Châlons ou la très riche collégiale Saint-Pierre de Lille. On le retrouve en 1791 à la cathédrale d’Amiens.

D’autres parcours montrent le cheminement inverse. Ainsi, après plusieurs années de service comme serpent de Saint-Florent à Roye, Louis Nicolas MINARD quitte le chœur de la collégiale pour rejoindre celui de l’église paroissiale Saint-Pierre de la même ville. Il cumule alors cette fonction avec un travail de menuisier. Il est toujours reconnu comme serpent en 1791.

Les collégiales, points d’attraction pour des musiciens « étrangers »
Les collégiales accueillent et attirent aussi des musiciens venus d’autres régions et intégrés eux-mêmes dans des réseaux familiaux. Ainsi, Mathieu François BASQUE, maître de musique à Saint Florent de Roye en 1790, est né à Saint-Omer. Son neveu Mathieu BASQUE est musicien de la collégiale Saint-Géry de Cambrai.

Louis GRAUX, haute-contre à Saint-Florent de Roye en 1790, a débuté sa carrière de musicien à Soissons (en l’état actuel de la recherche, on ne sait pas dans quel établissement) où il retourne après la fermeture de Saint-Florent.

Thomas Romain VITCOQ est né à Rouen. Il semble qu’il ait été formé par son père au jeu de l’orgue sur l’instrument du monastère Sainte-Claire. En 1789, il quitte Rouen et rejoint Péronne et sa collégiale Saint-Fursy. La fermeture de l’établissement en 1790 fait qu’il n’y exerce que peu de temps. Il est le seul musicien de Saint-Fursy qui n’apparaît pas sur le tableau récapitulatif des propositions de pensions formulées par le Directoire de département de la Somme en 1792. On ne sait pas ce qu’il est devenu après cette date.

Le chapitre Saint-Martin de Tours tente de débaucher Jean-Baptiste VARÉ, haute-contre à Saint-Fursy de Péronne. Les démarches débutent à la fin de l’été 1779. Elles commencent par une correspondance – importante puisqu’elle engendre des frais dont il est question en chapitre général – et une somme est prévue pour subvenir aux frais de voyage de VARÉ. L’affaire échoue complètement en 1783, sans que l’on connaisse la raison de cet échec. Toutefois, on remarque qu’il s’agit d’une démarche d’une collégiale importante, qui y accorde suffisamment d’intérêt pour que cela dure plus de quatre ans pour finalement ne pas aboutir. On voit là un signe de la réputation prestigieuse dont jouit Saint-Fursy de Péronne, et ce musicien, très apprécié pour sa voix, invité par les chapitres voisins pour les grandes cérémonies.

● ● ● Trois collégiales de bien moindre envergure

Trois petites collégiales, de bien moindre importance et en milieu rural, entretiennent un effectif cantoral réduit à deux chantres. Il s’agit des collégiales Saint-Firmin de Vignacourt et Saint-Martin de Longpré-les-Corps-Saints et Marie-Madeleine de Rollot. Les deux chantres de Vignacourt semblent exercer cette seule fonction. On sait que Jean-Baptiste DEVÉRITÉ touche quatre cents livres de gages. Pierre DEBREUILLY qui chante à ses côtés n’apparaît pas dans les documents produits par les directoires de district et de département. On ne connaît pas son traitement. En revanche, son acte de décès en 1815 indique qu’il a exercé le métier de chantre. On peut en déduire qu’il ne s’est pas converti à une autre profession et qu’il a continué à chanter, même après la Révolution.

BONNARD et TRAULLE sont chantres à Longpré-les-Corps-Saints. Ils semblent davantage rattachés au groupe des chantres de paroisses, n’exerçant leur fonction qu’à temps partiel. Ainsi, TRAULLE ne déclare que 40 livres de gages annuels en 1790, ce qui lui vaudra d’obtenir du Comité ecclésiastique une pension annuelle du même montant. Quant à Donatien BONNARD, le Directoire de département est d’avis de lui attribuer une gratification de 150 livres, équivalente à une année de ses gages. Sur son acte de décès en 1830, on apprend qu’il est devenu manouvrier.

Enfin, Tobie FAVIER est le seul chantre recensé comme actif au chœur de la collégiale Sainte-Madeleine de Rollot. Son traitement est alors de 45 livres par an. On suppose qu’il exerce un autre métier afin de compléter ses revenus. À son décès en 1813, ses amis déclarent qu’il est manouvrier.

● ● ● Des abbatiales qui perdent en importance au XVIIIe siècle (Valloires, Corbie, Saint-Riquier)

Plusieurs abbayes sont présentes dans le nouveau département. Elles ont en commun d’avoir connu un apogée médiéval ; l’époque moderne est témoin d’un déclin progressif. Tout au long du XVIIIe siècle, la population des communautés religieuses diminue. Elle passe de quarante à vingt religieux à Corbie, de vingt à huit à Saint-Riquier, de vingt à onze à Valloires (Darsy, Le clergé du diocèse d’Amiens). La reconstitution du corps de musique d’un établissement régulier est souvent difficile ; les musiciens étant dans la plupart des cas eux-mêmes réguliers, ils apparaissent dans les sources sous leur statut ecclésiastique et non selon leur fonction de musicien.

6-Abbaye de Corbie

Corbeia vetus illustrata … Vue de l’abbaye de Corbie en 1677, 1886 (Source : gallica.bnf.fr / BnF, GED-515)

7-Eglise Saint-Riquier

Saint-Riquier, l'église, dans France-Album [fascicule 41, f. 11], dessin de A. Karl, années 1890 (Source : gallica.bnf.fr / BnF, Société de Géographie, SG WC-419)

Quatre musiciens sont connus pour l’abbaye Saint-Pierre de Corbie à la veille de la Révolution. Un maître de musique, Louis François SANTERRE, ainsi que deux chantres, Nicolas et Alexis OBERT, un père et son fils, sont actifs dans les années 1780, sans que l’on ait la preuve formelle d’une activité effective en 1790. Enfin, l’organiste Jean-Baptiste MALLET vient compléter l’effectif. Ces quatre musiciens ont en commun d’être des laïcs, le plus souvent mariés. La faiblesse de leur revenu interroge tout de même sur le dynamisme de la musique au chœur de l’abbatiale Saint-Pierre. La forte diminution ainsi que le vieillissement de la communauté (douze religieux sur les quinze que compte l’abbaye décèdent entre 1780 et 1789) a-t-il nécessité un renfort extérieur pour soutenir la liturgie ? On peut supposer également une deuxième activité, non musicale. C’est le cas de Jean-Baptiste MALLET notamment, dont on sait qu’il est aussi fabricant de bas, à l’instar d’autres musiciens du Ponthieu. Sa double activité explique peut-être le fait qu’il n’apparaisse pas dans les documents du Comité ecclésiastique.

Jean François DOBRESNEL joue du serpent dans le chœur de l’abbaye de Saint-Riquier. Les registres de comptes indiquent la rétribution d’un chantre et d’un organiste, sans préciser leur l’identité.

À Valloires, seul l’organiste BOULANGER est connu. En l’état actuel de la recherche, on n’a pas établi de lien avec la dynastie d’organistes du même nom, citée plus bas.

● ● ● Dans les paroisses : des chantres pluriactifs et des organistes solitaires

Quelques paroisses chantantes et sonnantes remarquables
Quatre églises paroissiales se distinguent par un effectif cantoral et musical étoffé, parfois plus important que celui de petites collégiales. À Saint-Valéry-sur-Somme et à Abbeville, il s’agit à chaque fois d’un ensemble composé de deux chantres et d’un organiste. HAZARD et HERBIER, chantres de Saint-Martin à Saint-Valéry-sur-Somme touchent chacun 120 livres de gages par an. Valéry RIDOUX, l’organiste, perçoit quant à lui 160 livres. On perd leur trace pendant la Révolution. À Abbeville, les chantres BILIER et CAUX de l’église paroissiale du Saint-Sépulcre touchent respectivement 204 et 272 livres de gages par an. L’organiste RIQUIER reçoit quant à lui 200 livres. On ne sait rien de leur situation pendant la Révolution. À Roye, l’effectif de l’église paroissiale Saint-Pierre est particulièrement important : Antoine Victor DEFOULLOY et Paul Martin ÉTEVE (chantres), Louis Nicolas MINARD et Louis Pierre PEIRE (serpents) et Jean-Baptiste BOULONGNE (organiste). Louis François MINARD, Florent Firmin TAVERNIER et Jean Charles HÉRON sont enfants de chœur à la fin des années 1780. Il nous manque encore une preuve d’activité les concernant en 1790. On ne sait rien de leur rémunération. On note en outre que l’église devient le siège de la nouvelle paroisse de la ville en 1791 et que les musiciens conservent leur poste, contrairement aux autres musiciens de la ville, comme ceux de la collégiale Saint-Florent. L’église paroissiale du Saint-Sépulcre de Montdidier présente les mêmes effectifs, les serpents en moins : MATHON et GOBIN (chantres), RENAUD (organiste), et trois enfants de chœur (probablement BALLIN, DUTRÉHAUT et L’HERMITTE).

On remarque enfin que dans le cas de la paroisse du Saint-Sépulcre de Montdidier, l’enseignement des enfants de chœur est assuré par une « institutrice » qui semble exercer ce métier à part entière. Sans doute faut-il voir dans l’importance du nombre des personnels de ces paroisses, une conséquence de la croissance économique et institutionnelle qui caractérise la ville tout au long du XVIIIe siècle.
 
Chantre et magister
La figure du chantre de paroisse est présente dans l’ensemble du nouveau département. Il s’agit le plus souvent d’un laïc, parfois appelé « clerc séculier ». La plupart sont mariés et pères de famille. Véritables adjoints du prêtre (BISARO, Chanter toujours …), ils jouent un rôle central dans l’église et dans la paroisse. Louis DAMERVAL est chantre de l’église paroissiale Saint-Jean-Baptiste de Picquigny. À ce titre, il touche en 1783 quatorze livres pour chanter aux offices des dimanches et fêtes, neuf livres pour balayer l’église et sonner l’Angelus. Il doit en outre « graisser les cloches » et servir de sacristain et de maître d’école.

Les chantres de paroisse deviennent parfois musiciens à part entière. C’est le cas de Jean François SAILLARD à Roye, déjà présenté, qui débute comme chantre (clerc séculier) et maître d’école de la paroisse Saint-Gilles de Roye. Bien que n’ayant pas grandi dans un milieu particulièrement musical – son père étant boulanger – il devient chantre de la collégiale Saint-Florent, où il chante la basse-contre, dans le courant des années 1780. Lorsque la Révolution éclate, il fait une demande de pension au Comité ecclésiastique. Le Directoire de département de la Somme lui reconnaît alors la totalité de sa carrière au service de l’Église, soit dix-huit années de service. La délibération du Directoire de District de Montdidier n’indique pas le détail de la carrière de SAILLARD, pour autant, la reconnaissance de ces dix-huit années implique de fait quinze ans comme clerc séculier à Saint-Gilles et trois comme chantre à Saint-Florent. Le Directoire de district se prononce pour une pension de 140 livres, laquelle lui est effectivement versée en 1792.

Des organistes solitaires
Certains organistes se trouvent être les seuls musiciens de leur église, dont certains dans des paroisses rurales. Il s’agit notamment de Joseph Guillaume CAPPELLE à Harbonnières, de Jacques François BOISSARD à l’église Saint-Pierre de Montdidier, de François DEVILLERS à Péronne et d’Antoine BOULANGER à Rue. Tous quatre sont mariés et intégrés dans le tissu social de leur lieu d’exercice. Dans le cas de CAPPELLE, et BOISSARD, la Révolution ne les conduit pas à changer de profession : leurs actes de décès respectifs au début du XIXe siècle indiquent qu’ils sont restés organistes.

BOULANGER est un patronyme assez courant dans le Ponthieu, ce qui rend difficile la mise au jour de l’ensemble des liens familiaux. Quoi qu’il en soit, il est certain qu’Antoine appartient à une famille d’organistes, présente notamment à la paroisse Saint-Wulphy de Rue tout au long du XVIIIe siècle, et probablement dès le XVIIe siècle. Ainsi, Jacques BOULANGER est titulaire des orgues de Saint-Wulphy dans la première moitié du XVIIIe siècle. Ses deux fils deviennent organistes à leur tour. Jacques Nicolas, l’aîné, joue sur les orgues de l’église paroissiale du Saint-Sépulcre à Abbeville au moins depuis 1750, peut-être jusqu’en 1780. Son frère, Antoine BOULANGER, apparaît comme organiste de Saint-Wulphy de Rue à partir de 1774 (il l’est probablement bien avant). Il le reste jusqu’en 1790.

Les chantres et musiciens de paroisse sont nombreux dans la Somme, ainsi qu’on peut l’observer dans toute la moitié nord de la France. Sans être musiciens de métier à part entière, ils exercent souvent plusieurs fonctions.

Des situations particulières les font apparaître dans les textes produits par l’administration révolutionnaire. C’est le cas notamment de DEVILLERS qui se pourvoit devant le Directoire de district de Péronne afin de faire passer sa pension de 300 à 500 livres. La délibération précise que cette pension serait toujours à la charge de la fabrique et non de la nation, et prélevée sur le traitement de l’organiste actuel. On ne sait pas s’il obtient gain de cause.

IV - Les musiciens de 1790

● ● ● Des sources parcellaires mais complémentaires

Le département de la Somme est représentatif de l’enquête Muséfrem et de son parcours depuis plus de vingt ans. Lieu d’exercice d’un des premiers musiciens ayant bénéficié d’une notice biographique (VAN ARCKEN) et sujet d’étude lors d’une des premières rencontres qui précédèrent le programme Muséfrem (voir F. Billiet, « La maîtrise de la cathédrale d’Amiens »), la Somme a été travaillée, par près d’une dizaine de chercheurs de l’équipe Muséfrem. Ainsi, les registres conservés aux Archives Nationales, étudiés par deux contributeurs de l’enquête dans les années 2000, ont permis de recenser onze musiciens. Les registres de la série L des archives départementales de la Somme, dépouillés dans les années 2010, en font connaître 88 de plus. Enfin, la consultation des registres paroissiaux et d’état civil au long des années 2010 et 2020, par des contributeurs intéressés par la Somme ou par d’autres départements voisins, a permis d’exhumer 46 musiciens supplémentaires.

145 musiciens actifs en 1790 et dont on connaît les noms sont à ce jour répertoriés et font l’objet d’une notice biographique. Ces musiciens exercent dans 46 établissements ecclésiastiques, situés dans 25 villes et bourgs du nouveau département. Il y a donc une présence assez homogène de la musique d’église sur le territoire. Deux centres urbains se distinguent, avec une trentaine de musiciens présents à Amiens et presque autant à Abbeville. On en recense ensuite entre dix et vingt dans les villes de Nesle, Roye et Péronne. Les autres villes font état de moins de dix musiciens, voire moins de cinq. Cette densité importante de musiciens et de lieux de musique est à l’image de ce que l’on observe dans les départements voisins (Nord, Pas-de-Calais, Aisne, Oise).

● ● ● Les caractéristiques d’un groupe socio-professionnel à la veille de la Révolution

Nous ne disposons de dossiers complets de demandes de pension que pour les musiciens de la cathédrale d’Amiens. En revanche, nous possédons plusieurs registres de délibérations capitulaires ainsi que des comptes de fabriques pour d’autres établissements. Si les documents produits par les administrations révolutionnaires ont permis de recenser la majorité des musiciens du corpus, la situation est plus complexe pour certains lieux. C’est le cas d’Abbeville où près d’un tiers des effectifs nous est connu seulement par les registres paroissiaux et d’état civil.

Si toutes les notices biographiques ne parviennent pas à retracer la totalité de la vie du musicien concerné, faute de renseignements suffisants, il est toutefois possible de relever quelques traits généraux, permettant de caractériser les musiciens d’église de la Somme en 1790.

Les musiciens d’église sont dans leur grande majorité des hommes – les seules femmes recensées sont des religieuses d’Amiens et de l’Étoile.

Plus de la moitié des musiciens actifs repérés en 1790 sont des chantres. On relève ensuite 25 organistes, 6 serpents et 6 bassons. Pour 7 individus, la seule mention de « musicien » ne permet pas de déterminer s’il s’agit d’un instrumentiste ou d’un chanteur.

Les bassons exercent dans les collégiales d’Abbeville, de Péronne et de Roye. Les serpents sont à Amiens, Montdidier, Péronne et Roye. Les organistes sont présents dans la quasi-totalité des établissements avec musique.

Si l’on excepte les enfants de chœur, l’âge moyen constaté chez les musiciens est de 46 ans en 1790. Observée par établissement, cette moyenne d’âge varie. Les chapitres de Roye, Péronne, ainsi que de la cathédrale d’Amiens disposent des corps de musique les plus jeunes (respectivement 42, 44 et 41 ans en moyenne) quand ceux d’Abbeville, de Nesle ainsi que de Saint-Nicolas d’Amiens sont les plus âgés (respectivement 50, 51 et 66 ans). On en déduit un certain dynamisme du côté de Roye, de Péronne et du chapitre cathédral.

Les corps de musique présents dans le nouveau département sont plutôt stables, l’ancienneté moyenne des musiciens de ces établissements se situant entre 19 et 25 ans. L’âge moyen des enfants de chœur est de 13 ans. Du côté des chantres, l’âge moyen correspond à la moyenne d’âge générale déjà citée. On constate également que lorsque le rang est précisé, les troisièmes et quatrièmes chantres sont plus jeunes que les premiers et seconds, ce qui correspond aux schémas habituels d’évolution de carrière. Les organistes sont des musiciens d’expérience, âgés en moyenne de 47 ans et accusant une ancienneté de 24 ans, tout comme la plupart des serpents et des bassons rencontrés. Les maîtres de musique enfin ont environ 54 ans et sont en poste depuis 27 ans.

Près d’un musicien sur deux est marié et père de famille. Les musiciens rattachés au clergé ne représentent que 16% des effectifs rencontrés, ils sont essentiellement à la cathédrale d’Amiens.

Les orgues de la Somme sont déjà assez anciens à la fin du XVIIIe siècle ainsi que le montrent les travaux de Georges Durand. On note toutefois les travaux importants réalisés sur l’orgue de la cathédrale d’Amiens dans la seconde moitié du XVIIIe siècle par Charles DALLERY, ainsi que la construction d’un orgue neuf pour les églises paroissiales Saint-Firmin-le-Confesseur, Saint-Germain et Saint-Firmin-en-Castillon, à Amiens, ainsi que pour les abbayes de Valloires et de Corbie. On sait par ailleurs que la commande de Saint-Firmin-le-Confesseur grèvera considérablement les finances de la fabrique de la paroisse, jusqu’en 1790. Ces commandes d’orgues sont aussi un signe de la vitalité de la musique d’église sur ce territoire.

● ● ● Le coût de la musique à la veille de la Révolution

La reconstitution des corps de musique a nécessité de consulter de nombreux livres de comptes produits par les fabriques des établissements ecclésiastiques. Dans le cadre de l’enquête Muséfrem, ces documents permettent d’abord de découvrir ou de confirmer la présence de tel ou tel musicien dans le chœur d’une église. Ils donnent à voir aussi, entre autres informations, la part de ses finances que chaque établissement consacre à la musique. Le sujet mérite une étude à part entière ; dans le cas de la Somme, quelques traits généraux peuvent d’ores et déjà être indiqués.

Les dépenses liées à la musique sont très variables d’un établissement à l’autre, d’une trentaine de livres par an pour une paroisse rurale à quelques milliers pour une collégiale d’importance. On se souvient en outre que les musiciens d’Abbeville sont moins bien payés que leurs homologues de l’est du département et qu’ils sont plus enclins à pratiquer parallèlement un autre métier. Lorsque l’on s’intéresse à la part prise par la musique dans les dépenses de la fabrique, nous sommes là aussi confrontés à une multitude de situations, qui varient de 6% des dépenses pour l’église paroissiale Saint-Firmin-en-Castillon d’Amiens à près de 30% pour l’église paroissiale du Saint-Sépulcre de Montdidier. Dans le cas de Montdidier, ce constat renforce l’idée d’un choix fort de la paroisse de soutenir le culte par la musique et s’inscrit dans le contexte plus large de la croissance de la ville et de souci de distinction déjà évoqué. Enfin, l’exemple de l’église paroissiale Saint-Firmin-le-Confesseur d’Amiens montre aussi l’investissement que représente l’acquisition d’un orgue. En effet, les dépenses liées à la musique représentent en 1790 41% du total des dépenses de la fabrique – une traite devant encore être versée à la veuve DALLERY pour la construction du nouvel orgue. Ramenées au seul traitement de l’organiste, ces dépenses ne représentent plus que 6% des dépenses annuelles de la fabrique.

● ● ● Les musiciens de la Somme et la Révolution

Parmi les documents conservés en série L aux Archives départementales de la Somme, se trouve un tableau intitulé « État des gratifications et pensions proposées en faveur des officiers ou employés ecclésiastiques ou laïcs des chapitres réguliers et séculiers, de l’un et l’autre sexe, en exécution des lois du 26 août 1791 et du 1er juillet 1792 ». Ce tableau recense 54 musiciens ayant exercé dans 19 établissements, reconnus comme éligibles à la réception d’une pension. Il s’agit d’une source essentielle, la documentation étant très parcellaire. Elle montre en premier lieu, comme quelques autres délibérations de Directoire, que sur les 145 musiciens ou chantres recensés comme actifs en 1790, moins de 60 % sont pensionnés ou reçoivent une gratification – et donc ont été reconnus comme éligibles à l’obtention d’une aide.

Les musiciens pensionnés sont âgés en moyenne de 55 ans ; le plus vieux étant l’organiste François GROSSIER, âgé de 74 ans en 1790 et le plus jeune, l’organiste VITCOQ, 27 ans en 1790. Les musiciens gratifiés en revanche sont bien plus jeunes, avec une moyenne d’âge de 22 ans et une ancienneté de 8 ans. Les enfants de chœur sont tout naturellement les plus représentés.

Ce document synthétique permet aussi d’envisager la politique de soutien des anciens musiciens dans le département de la Somme par l’administration révolutionnaire. Le Directoire de département préconise en moyenne une pension de 251 livres par an et par musicien éligible. Les montants sont en réalité assez variables selon les établissements d’origine. On relève ainsi une moyenne de 1 125 livres de pension pour les anciens musiciens de la cathédrale Notre-Dame d’Amiens, aux alentours de 300 livres pour ceux ayant exercé à la collégiale Notre-Dame de l’Assomption de Nesle, à la collégiale Saint-Fursy de Péronne et enfin vers 150 livres pour les anciens musiciens de Saint-Florent de Roye et de Saint-Wulphy d’Abbeville. Dans le cas des anciens musiciens de la cathédrale d’Amiens, c’est bien le montant très élevé de leurs revenus d’Ancien Régime – pris en compte par le Comité ecclésiastique, conformément à la règlementation en vigueur – qui explique la hauteur de leur pension. Les musiciens gratifiés le sont à hauteur de 189 livres en moyenne. La gratification la plus faible est reçue par le serpent DEVANEAU avec 15 livres, la plus élevée est touchée par le chantre Louis François SUEUR pour un montant de 545 livres.

La dimension parcellaire des sources connues ne permet pas de reconstituer les spécificités et l’itinéraire de chaque situation, de l’exercice de plein droit de l’activité de musicien sous l’Ancien Régime à la liquidation de la pension. Toutefois, plusieurs itinéraires singuliers montrent que la fixation du montant de la pension peut faire l’objet de variations, entre la préconisation du Directoire de district, celle du Directoire de département et la décision finale. Ainsi, le Directoire de district de Montdidier, lorsqu’il instruit la demande de pension de Pierre WABLE, basse-contre de la collégiale Saint-Florent de Roye, propose une pension de 350 livres, soit 20 livres de moins que ses anciens gages. Le Directoire de département propose de son côté 140 livres. Finalement, Pierre WABLE est pensionné à hauteur de 200 livres par an. Nous n’avons pas de trace des délibérations ayant construit le montant de la pension. Celui-ci ne nous est connu que par les tableaux récapitulatifs des sommes versées aux pensionnés dans le département de la Somme. De même, Pierre Olympe RENARD, ancien organiste de Saint-Florent, se voit d’abord proposer une pension de 300 livres par le district (soit 5 livres de moins que ses anciens gages), revue à 400 livres par le Directoire de département.

Certains musiciens étaient déjà pensionnés par leur établissement, dans le cadre d’un système particulier de retraite ou d’une cessation progressive d’activité avant l’heure. Des situations de ce type se rencontrent dans plusieurs établissements à travers la France ; c’est le cas pour Nicolas CAREL qui chante la basse-contre à Saint-Fursy de Péronne dans les années 1750. Une fois retiré du service, il obtient une pension versée par le chapitre. Après son décès, sa veuve continue de toucher 241 livres par an. Au même titre que les musiciens « actifs » de Saint-Fursy, elle formule une demande de pension au Comité ecclésiastique. Sa demande est étudiée le 10 décembre 1790 par le Directoire du district de Péronne qui propose qu’une pension de 24 livres lui soit versée. Le Directoire du département de la Somme propose quant à lui le 5 février 1791 que la pension de 241 livres qu’elle touchait du chapitre lui soit conservée. En 1792, Élisabeth Caron, veuve de Nicolas CAREL, reçoit finalement une pension annuelle de 24 livres. À Abbeville, Jean-Baptiste BONNARD est maître de musique de Saint-Vulfran. À partir de 1788, une paralysie de la langue l’empêche d’assumer pleinement ses fonctions. Suppléé par le serpentiste Jean-Baptiste DUBOIS, il reste alors présent au chœur. Plusieurs éléments montrent qu’il entame des démarches auprès du Comité ecclésiastique sans que l’on en connaisse à ce jour l’issue.

Nous ne connaissons pas la suite du parcours de la majorité des musiciens actifs dans la Somme en 1790. La Révolution a un impact évident et brutal sur les carrières des musiciens. Beaucoup de ceux qui exerçaient plusieurs activités se trouvent désormais privés d’une partie de leurs revenus habituels. Antoine Raoul GROGNET, ancien second chantre de l’église paroissiale Sainte-Catherine d’Abbeville, n’est plus désigné dans les registres d’état civil que comme baracanier. C’est également le cas de Jean-Baptiste MALLET, ancien organiste de Saint-Pierre de Corbie, désigné désormais seulement que comme fabricant de bas.

Dès 1791, de nouvelles paroisses sont créées dans certaines villes et des musiciens sont à nouveau embauchés, sans permettre d’employer à nouveau l’ensemble des « cy-devants » musiciens. Ainsi, dans leur supplique collective, trois chantres et l’organiste de Saint-Florent déplorent qu’à Roye il « n’y reste qu’une seule paroisse et il n’y est pas besoin d’organiste ni de musicien ».

La cathédrale d’Amiens retrouve dès 1791 un corps de musique, dont la rétribution est prise en charge par le Directoire de district d’Amiens. Le nouveau corps de musique de la cathédrale Notre-Dame est composé de BOUFFET (sous-maître et ancien petit vicaire), COCU (enfant de chœur), GAULIER puis CORNETTE (organiste), CAVILLON, CACHELIÈVRE, MANCHUETTE, MARTIN, VARRÉ, DAVELUY, CHARTREL et TOULET (chantres). Plusieurs musiciens – minoritaires – ont déjà exercé dans la cathédrale. Seuls l’organiste GAULLIER, le chantre CACHELIÈVRE et l’enfant de chœur COCU sont connus comme étant en activité au chœur de la cathédrale en 1790. Les sieurs BOUFFET, CAVILLON et MARTIN sont quant à eux connus dans les livres de compte de la cathédrale dans les années 1770 et 1780, sans qu’ils n’apparaissent pour autant comme titulaires d’un poste en 1790. C’est finalement la Révolution qui leur a permis d’accéder au chœur de la cathédrale. L’accès à ce corps de musique bénéficie aussi à quatre autres musiciens venus de différentes villes de la Somme. DAVELUY et CHARTREL ont chanté dans l’église du Saint-Sépulcre d’Abbeville. VARRÉ vient de Péronne. Enfin, la cathédrale d’Amiens est une opportunité dans le parcours déjà exceptionnel de Jean François TOULET. En près de douze ans, on le rencontre dans les effectifs musicaux d’au moins cinq établissements, ainsi qu’on l’a évoqué précédemment. La maîtrise de la cathédrale Notre-Dame d’Amiens est finalement dissoute le 22 juin 1792.

Toujours à Amiens, les chantres VERUS et RAVENNEL chantent au chœur de l’église paroissiale Saint-Germain. Il semble – sans certitude – qu’ils étaient en poste dès avant la Révolution. Ils poursuivent leur service au moins jusqu’en 1794, avec quelques difficultés de paiement de leurs gages, lorsque c’est le Directoire de district d’Amiens qui effectue le versement du traitement des musiciens, en lieu et place de l’ancienne fabrique. Le citoyen PAYELLE semble avoir eu une première carrière d’organiste à Pontoise, avant de rejoindre Saint-Germain d’Amiens à la faveur du décès de Charles MARC. Son parcours demeure tout de même très incomplet en l’état. Le citoyen DUVAUCHEL complète l’effectif pour jouer du serpent. On ne sait rien de sa situation sous l’Ancien Régime. À Abbeville, DAUGER est chantre de la nouvelle paroisse Saint-Georges. À Saint-Riquier, plusieurs musiciens desservent la nouvelle paroisse Notre-Dame à partir de 1791. Les registres de comptes ne permettent toutefois pas de distinguer clairement des interventions successives ou simultanées. On dénombre pour les chantres François DEBRIE et Jacques DEBRIE, HIVER, MASSE et CAVILLON. Les citoyens RIEUX et SAUVAGE sont à l’orgue. À part Jacques DEBRIE et Jean-Baptiste MASSE, ces musiciens nous sont inconnus avant la Révolution. Ainsi, il semble que pour la majorité des musiciens que l’on vient de citer, la Révolution ait pu constituer, au moins pour l’année 1791, une opportunité dans leur carrière musicale.

Les documents produits par l’administration révolutionnaire donnent enfin à voir le devenir des instruments de musique, en l’occurrence les orgues. Le 18 octobre 1791, plusieurs orgues, devenus biens nationaux, sont mis aux enchères à Abbeville. L’orgue du Saint-Sépulcre est emporté pour 50 livres par Charles MOMIGNY, lequel exerçait en 1790 sur l’instrument de la collégiale Saint-Pierre de Mâcon. Celui de l’église des Cordeliers est emporté pour 72 livres par Pierre François BLONDIN.

La Somme, à l’instar des autres départements de la moitié nord de la France est une pépinière de musiciens. Le paysage musical est dominé par les corps de musique de la cathédrale et de collégiales d’importance telles que Saint-Vulfran d’Abbeville, Saint-Fursy de Péronne, Saint-Florent de Roye. Les parcours de carrières et de vie des musiciens montrent à la fois l’intégration des établissements dans la ville, mais également leur prestige relatif au niveau régional. Ils peuvent en effet être un but de carrière pour certains musiciens déjà formés et passés par d’autres lieux de musique. De même les musiciens de ces collégiales peuvent être démarchés par d’autres chapitres qui cherchent à accroître la qualité de leur corps de musique. Ces établissements favorisent l’excellence musicale par un investissement financier important. La Somme donne à voir également des parcours singuliers et nuancés. On retient notamment les exemples – déjà observés dans l’Oise – de musiciens issus de familles de chantres de paroisses qui deviennent musiciens à part entière et attachés à un corps de musique. Enfin, si la Révolution marque le terme de la carrière musicale de bon nombre de musiciens, elle peut aussi être une étape et favoriser l’accès à d’anciens corps de musiques, prestigieux sous l’Ancien Régime.

Thomas D’HOUR
Été 2024

Le travail sur les musiciens de ce département a bénéficié des apports de, notamment : François Caillou, Youri Carbonnier, Bernard Dompnier, Sylvie Granger (†), Bénédicte Hertz, Isabelle Langlois, Christophe Maillard, Françoise Noblat. Qu’ils en soient ici remerciés.

Mise en page et en ligne : Caroline Toublanc (CMBV)

 

>>> Si vous disposez de documents ou d’informations permettant de compléter la connaissance des musiciens anciens de ce département, vous pouvez signaler tout élément intéressant ICI. Nous vous en remercions à l’avance.

L’amélioration permanente de cette base de données bénéficiera à tous.

Les lieux de musique en 1790 dans la Somme

Il s’agit de la liste des lieux où au moins un musicien est mentionné comme actif en 1790.

Plusieurs établissements montrent une activité musicale dans le courant du XVIIIe siècle, sans que l’on ait en revanche une preuve formelle d’une telle activité en 1790. C’est le cas notamment des églises paroissiales Saint-Éloy à Abbeville et Saint-Leu à Amiens, ou encore de l’abbaye Notre-Dame de Willancourt à Abbeville. D’autres exemples ont aussi été cités plus haut. En l’état actuel de la recherche, on ne sait pas si l’activité s’est réellement éteinte ou bien s’il s’agit d’une lacune des sources à ce jour disponibles.

Les lieux de musique documentés pour 1790 dans le département sont présentés par diocèse et par catégorie d’établissements : cathédrale, collégiales, abbayes, monastères et couvents, paroisses (ces dernières selon l’ordre alphabétique de la localité au sein de chaque diocèse).

Diocèse d’Amiens

Diocèse de Noyon

Pour en savoir plus : indications bibliographiques

Sources imprimées

  • Louis DAIRE, Histoire de la ville d’Amiens, de son origine jusqu’à présent, Paris, veuve Delaguette, 1757, 2 vol., XII-560 et 464 p.
  • Louis DAIRE, Histoire littéraire de la ville d’Amiens, Paris, Didot, 1782, 665 p.
  • Arthur YOUNG, Voyages en France en 1787, 1788, 1789, Paris, Armand Colin, 1931, 3 vol. 

Bibliographie

  • François LESURE, Dictionnaire musical des villes de province, Paris, Klincksieck, 1999, p. 45-47 pour Abbeville, p. 54-57 pour Amiens.
  • Victor de BEAUVILLÉ, Histoire de la ville de Montdidier, Paris, Didot, 1857, 3 tomes, 586, 504 et 438 p.
  • Frédéric BILLIET, « La maîtrise de la cathédrale d’Amiens d’après le projet de cérémonial du chanoine Villeman au XVIIIe siècle », dans Bernard Dompnier (dir), Maitrises et chapelles aux XVIIe et XVIIIe siècles, des institutions musicales au service de Dieu, Clermont-Ferrand, PUBP, 2003, p. 343-365.
  • Xavier BISARO, Chanter toujours. Plain-chant et religion villageoise dans la France moderne (XVIe-XIXe siècle), Rennes, PUR, 2010, 246 p.
  • Jacqueline BRASSART, Le renouveau de l’abbaye de Corbie au temps des Mauristes (XVIIe et XVIIIe siècles), Amiens, Encrage, 2015, 398 p.
  • Paul CAGNY, Histoire de l’arrondissement de Péronne et de plusieurs localités circonvoisines, Péronne, Quentin, 1869, 2 vol., 808 et 826 p.
  • Raphaël CLOTUCHE, « Abbeville (Somme), présentation topographique et chronologique », Revue archéologique de Picardie, n° 3/4, 1997, p. 137-154.
  • Albéric de CALONNE, Histoire de la ville d’Amiens, Paris, Picard, 1900, 2 vol.
  • Ernest DANICOURT, Histoire d’Authie, de son prieuré et de son château féodal, Ham, Carpentier, 1885, 507 p.
  • François-Irénée DARSY, Amiens et le département de la Somme pendant la Révolution, Amiens, Douillet, 1878, 303 p.
  • Édouard-Eugène DELGOVE, Histoire de la ville de Doullens, Mémoire de la société des antiquaires de Picardie, tome cinquième, Amiens, Lemer, 1865, 531 p.
  • Jules DOURNEL, Histoire générale de Péronne, Péronne, Quentin, 1879, 524 p.
  • Henri Gabriel DUCHESNE, La France ecclésiastique pour l’année 1788, Paris, l’auteur, 1787, XII-472 p.
  • Georges DURAND, « Les orgues de la cathédrale d’Amiens », La Tribune de Saint-Gervais. Bulletin mensuel de la Schola Cantorum, t. 9, 1903, p. 238-248.
  • Georges DURAND, La Musique de la cathédrale d’Amiens avant la Révolution, notice historique, Amiens, 1922, Genève, Minkoff reprints, 1972, 131-18 p.
  • Georges DURAND, « Les orgues des anciennes paroisses d’Amiens », Bulletin trimestriel de la Société des Antiquaires de Picardie, 1er trimestre 1933, p. 31-97.
  • Louis-Antoine-Joseph GRÉGOIRE D’ESSIGNY, Histoire de la ville de Roye, Noyon, Devin, 1818, 406 p.
  • Florentin LEFILS, Histoire civile, politique et religieuse de la ville de Rue et du pays du Marquenterre, Abbeville, René Housse, 1860, VIII-422 p.
  • François-César LOUANDRE, Histoire ancienne et moderne d’Abbeville et de son arrondissement, Abbeville, Boulanger, 1834, XI-606 p.
  • Robert LEGRAND, « L’Église dans le district d’Amiens sous la Révolution », dans Alain Lottin (éd.), Église, vie religieuse et Révolution dans la France du Nord, Lille, Publications de l’Institut de recherches historiques du Septentrion, 1990, p. 141-153.
  • Maurice LEROY, « Histoire des chapelains de la cathédrale Notre-Dame d’Amiens », Mémoire de la société des antiquaires de Picardie, XXXV, 1908, p. 249-728.
  • Jean-Baptiste ROZE, L’Église d’Amiens de 1754 à 1856 ou simples notes pour servir à la continuation du Gallia Christiana, Amiens, Lengel – Herouart, 1871, III-315 p.
  • Ernest PRAROND, L’église du Saint-Sépulcre d’Abbeville, Paris, Abbeville, Dumoulin, Prévost, 1872, 44 p.
  • Maurice VANMACKELBERG, Les orgues d’Abbeville, Abbeville, Société d’émulation historique et littéraire d’Abbeville, 1966, 109 p.
  • Gaëtan de WITASSE, Géographie historique du département de la Somme, Mémoires de la société d’émulation d’Abbeville, Abbeville, Lafosse, 1902, 654 p.
<<<< retour <<<<