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SCHMIDT, François Joseph (ca 1756-1793 ap.)

SCHMIDT, François Joseph (ca 1756-1793 ap.)

État civil
NOM : SCHMIDT     Prénom(s) : François Joseph     Sexe : M
Autre(s) forme(s) du nom : CHEMITT
CHEMITH
SCHMITT
Date(s) : 1756 ca  / 1793-9 ap.
Notes biographiques

 François-Joseph SCHMIDT a été organiste des bénédictins de l'abbaye de Cluny de 1779 à 1787 environ. Il part ensuite à Chagny, où il vit en 1790, exerçant comme géomètre-arpenteur, sans que l'on sache s'il touche toujours un orgue ou non. Il est impliqué dans une affaire de séduction qui nous permet de le connaître assez bien. Cette histoire finit tragiquement.

• [1756] : Selon les indications d'âge livrées ici ou là au fil de l'enquête, François-Joseph SCHMIDT serait né en ou vers 1756. Les témoins clunisiens ignorent en général d'où ils vient : "ne sait si le sieur CHEMITH est allemand ou alsacien", "il sçait que le sieur CHEMITH est alsacien", "elle ignore le lieu de la naissance du sieur CHEMITH mais le croit allemand"... Son acte de mariage le dit fils de sieur Jean-George Schmidt, "bourgeois à Merxhein" [Haut-Rhin], et de Marie-Anne Holder son épouse.

• 1779, Cluny : C'est au plus tard en cette année 1779, voire un peu avant, que François-Joseph SCHMIDT devient organiste des bénédictins de l'abbaye de Cluny. Il gagne 100 ou 102 livres par an, ce qui constitue des gages d'un niveau très faible. Il commence à "donner des leçons de musique à la delle Jard en l’année 1779", affirme le père de la jeune fille, Pierre-Louis Jard, homme de loi, demeurant paroisse Notre-Dame. Ces leçons, dont on ignore la périodicité, sont payées 6 livres par mois. L'un des témoins sait qu'elles concernaient la musique vocale.
 "Il étoit alors dans un âge mûr et son écolière n’avoit que 13 ans" : le père cherche à faire croire à un barbon séduisant une très jeune fille. Or la suite de l'enquête a montré qu'en 1779, date du début des leçons à Claudine-Julie [ou Julienne] Jard, François-Joseph SCHMIDT a seulement 23 ans.

• 1779-1782, Cluny : "Il continua ses leçons pendant trois années", dit le père. Les témoins affirment tous que l'organiste était très bien reçu par les parents Jard, dans leur maison et dans leur jardin, où on l'a vu se promener avec eux en devisant. Il est de même bien accepté dans la société clunisienne : "il étoit vu avec plaisir dans les maisons où il se présentoit", "il étoit accueilli dans toutes les maisons"… [et où, peut-être, mais ce n'est pas précisé, il donne aussi des leçons de musique].
En même temps qu'être l'organiste des Bénédictins, il travaille "dans les bureaux de la commission", sous les ordres du "commissaire à terrier", c'est-à-dire qu'il participe à la gestion des domaines de l'abbaye, à la perception des fermages, à la délimitation des parcelles et à la réfection du terrier (cadastre). "Ledit CHEMITH quoique organiste à l’abbaye, travailloit en qualité de commissaire en lad. maison et avoit la confiance et l’estime des religieux bénédictins".

• [Vers 1782 ou 1783] : Le père Jard, ayant appris – dit-il – que l'organiste se vantait en public des sentiments qu'il avait inspirés à Claudine-Julie Jard "lui interdit absolument l’entrée de sa maison".
Les leçons cessent, mais les jeunes gens continuent à se voir, sans doute avec la complicité de la mère qui selon les témoins est, elle, favorable au mariage. Ils échangent des lettres par l'intermédiaire d'une amie un peu plus âgée que Claudine-Julie, Françoise-Philiberte Belle, d'une marchande de mode et d'une domestique. Celle-ci est souvent chargée par l'organiste "de ses compliments pour la dite dlle Jard". La voie orale complète la correspondance.

• 6 juin 1785, Igé [Saône-et-Loire] : Françoise-Philiberte Belle, fille majeure d'un officier invalide demeurant à Cluny, se marie avec Laurent Leclerc, avocat en parlement à Tramaye. La mère de celui-ci a donné procuration au sieur Jard avocat en parlement à Cluny. Le père, la mère et sans doute la fille Jard sont présents à ces noces (trois signatures : "Jard fondé de pouvoir", "marguerite vachier jard" et "jard").

• Février 1787, Cluny : SCHMIDT est encore organiste à Cluny et réussit toujours à voir de loin en loin la jeune fille, malgré l'interdiction paternelle. Un soir, le père les surprend "dans son domicile", dit-il, en réalité selon le curé de Notre-Dame "sur le pas de sa porte, entre sept et huit heures du soir, ayant une lanterne éclairée à la main" (précision apportée pour montrer que cela se faisait aux yeux de tous et non en secret). Le père entre alors dans une grande colère, effrayant sa femme et sa fille au point qu'elles se réfugient chez des voisins. Puis la mère va chercher le curé "qui étoit déjà couché". Celui-ci se lève, se rhabille et s'en va jouer les médiateurs. Claudine-Julie Jard obtient "la permission de se retirer dans un couvent", et part "le lendemain pour celui de la Visitation en cette ville" [de Mâcon, lieu où se tient le procès].
Quelques mois plus tard, l'organiste quitte Cluny pour Chagny, afin de permettre à Claudine-Julie de regagner le domicile paternel et, dit le curé, "de ne pas priver plus longtemps la dame Jard de la compagnie d’un enfant qui lui est fort cher". L'un des témoins précise : "CHEMITH a préféré abandonner sa place et quitter Cluny pour qu’on ne lui impute pas d’être l’auteur des divisions des père mère et fille Jard". Les comptes de l'abbaye confirment le départ de l'organiste vers fin septembre 1787, où il reçoit 81 livres "pour solde de gages". Ils confirment aussi l'arrivée de Pierre GRANGNARD à la tribune de l'abbaye, peu après, en décembre 1787.
Chagny est une active petite ville d'environ 2 200 habitants, située au cœur d'une région viticole, à 16 km de Beaune et de Chalon, et à 56 km au nord de Cluny.

• 17 novembre 1789, Igé : L'amie de Claudine-Julie Jard, Dlle Françoise-Philiberte Belle, devenue veuve de Laurent Leclerc, se remarie, épousant Pierre GRANGNARD. Celui-ci est dit "commis aux droits seigneuriaux, résidant à Cluny", mais il est aussi connu comme organiste. C'est lui qui a remplacé SCHMIDT à la tribune de l'abbaye de Cluny ainsi que dans ses fonctions administratives, à partir de la fin de l'année 1787.

• En 1790, François-Joseph SCHMIDT n'est donc plus en poste à l'abbaye de Cluny. Il exerce comme géomètre-arpenteur à Chagny, où il demeure, remarquons-le, près de l'église ("rue allant à l'église"). Y a-t-il un orgue dans cette église paroissiale Saint-Martin de Chagny ? C'est vraisemblable puisque c'est à Chagny qu'était mort Ruppert RIEPP, facteur d'orgues, en 1749. L'inhumation avait eu lieu en présence du frère du défunt, Karl-Joseph RIEPP et de leur compagnon Bernard MARET, ce qui suggère que l'atelier Riepp était bel et bien présent alors à Chagny, donc sans doute en train de travailler sur l'orgue. Mais la documentation manque à son sujet.

• Mai 1791, Mâcon : Claudine-Julie Jard ayant atteint l'âge de 25 ans, les deux amoureux s'enfuient de Cluny pour Mâcon. Là, la jeune fille s'installe au couvent de Sainte-Marie et entame une procédure de "sommations respectueuses", consistant à faire demander officiellement par un notaire à ses parents, par trois fois, l'autorisation de se marier. Après quoi, même en cas de refus réitéré, le mariage est possible. Le père Jard réplique en déposant une plainte pour rapt et séduction selon laquelle l'organiste aurait abusé de la faiblesse de sa fille.
Les onze témoins qui comparaissent déclinent un intéressant éventail des personnes qui entourent les deux jeunes gens et qui sont peu ou prou intervenues durant les longues années de cette intrigue sentimentale. On y rencontre : des "bourgeois" ou épouses de "bourgeois", le curé de la paroisse Notre-Dame de Cluny, un "commissaire à terrier", une marchande de modes, la femme d'un huissier royal, le "directeur des chemins" et son épouse, l'archiviste de l’administration du district, la domestique du capitaine des chasses de l’abbaye. L'âge moyen des témoins est d'un peu moins de 34 ans. Le plus âgé est le curé, 46 ans. Tous racontent à peu près la même histoire, telle qu'elle est reconstituée ci-dessus. Tous insistent sur la bonne réputation de l'organiste : "un jeune homme décent et honnête", "des mœurs douces et honnêtes", "de mœurs irréprochables"… Plusieurs disent aussi la détermination de Claudine-Julie Jard qui "a dit plusieurs fois qu’elle n’auroit jamais d’autre mary que le sr CHEMITT et qu’elle attendoit avec impatience le moment de sa majorité pour l’épouzer"...
• 21 novembre 1791, Mâcon : En l'église Saint-Étienne, François-Joseph SCHMIDT et Claudine-Julienne Jard se marient, enfin ! Lui, est dit "commissaire géomètre à Chagny", sa mère est défunte. Elle, procède "en vertu d'une sentence du tribunal de district prononcé le 19 du courant", c'est-à-dire l'avant-veille seulement. Trois des quatre témoins sont de Cluny, tous trois volontaires ou gradés de la Garde nationale. Un quatrième ami est aussi venu de Cluny, que l'on identifie dans les signatures : Mussy Dumont, qui a été l'un des témoins interrogés en mai précédent par le tribunal. Quant au quatrième témoin, c'est un négociant de Mâcon. La mariée signe "clodine julienne jard", le marié "françois joseph Schmidt", avec une ruche qui démontre sa bonne maîtrise de l'écriture.

• 5 octobre 1792, Chagny : Dix mois et demi après le mariage naît un fils, Clair-Joseph. François-Joseph SCHMIDT est dit "géomètre à Chagny". L'enfant est baptisé le 7 du même mois. Le baptême proclame le soutien du reste de la famille Jard (en dehors du père) à la jeune mère. Le parrain est en effet son frère Clair, et la marraine sa mère, aïeule de l'enfant nouveau-né. Ni l'un ni l'autre ne sont présents, cependant, ils sont représentés par le directeur des postes à Chagny et sa femme.
• 13 octobre 1792 : Le géomètre a la douleur de perdre sa chère épouse si longtemps attendue, huit jours après ses couches. Elle était âgée d'environ 27 ans.

• 8 septembre 1793, Chagny : Est établi l'acte de décès du petit Clair-Joseph, mort la veille "au domicile de son père, rue allant à l'église", âgé de 11 mois, fils du citoyen François Joseph SCHMIDT, "commissaire à terrier", âgé de 37 ans, et de feue Claudine-Julienne Jard.

La trace de François-Joseph SCHMIDT, l'organiste géomètre longuement amoureux et si vite veuf, se perd ici. Il a manifestement quitté Chagny : son décès ne figure pas dans les tables décennales de la petite ville.

Mise à jour : 7 avril 2021

Sources
F-Ad71/ 7L 220 ; F-Ad71/ BMS Cluny ; F-Ad71/ BMS Mâcon ; F-Ad71/ H 12, pièce 13 ; F-Ad71/ NMD Chagny

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