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CHATELAIN, René (1764-1806)
État civil
NOM : CHATELAIN     Prénom(s) : René     Sexe : M
Date(s) : 1764-2-14   / 1806-10-22
Notes biographiques

René CHATELAIN est un passionnant exemple de chantre de village, qui se révèle capable de prendre le relais du clergé absent pour "chanter les offices du culte" aux lendemains de la Terreur dans le village de Bourgogne où il est maître d'école.
Si le profil du maître d'école chantre de paroisse est fréquent en Bourgogne, il s'accompagne souvent d'une transmission de père en fils de la double fonction. Tel n'est pas le cas de René CHATELAIN : fils d'un paysan, c'est après avoir été domestique à Dijon qu'il est devenu maître d'école et chantre. Ce qui ajoute encore à l'intérêt de son cas...

• 14 février 1764, Clamerey [Côte-d'Or] : René CHATELAIN voit le jour dans ce village du pays auxois, à mi-chemin entre Précy-sous-Thil et Vitteaux. Il est fils de Jean Chatelain, manouvrier – dont il dira en 1792 à son mariage, qu'il est "laboureur"… –, et de Jeanne Legout / Le Goux. Son parrain est fils d'un marchand du village, et sa marraine est orpheline d'un meunier, elle ne sait pas signer.

• Les vingt-huit premières années de la vie de René CHATELAIN restent à éclairer... Bien que ses parents soient illettrés et sans doute peu aisés, il a manifestement accédé cependant à une certaine instruction. Au moment de son mariage, il sait signer avec aisance. Par ailleurs à la même date, l'un de ses frères, Antoine, est recteur d’école à Clamerey et un autre, Jean, est greffier de la justice de paix du canton de Normier, chef-lieu de canton situé tout près de Clamerey.

• 24 septembre 1792, Dijon : En l'église Saint-Michel est célébré le mariage de deux domestiques, René CHATELAIN, demeurant sur la paroisse "dite actuellement de St-Jean", et Marguerite Trapey (ou Trapet), fille mineure de Pierre Trapey, jardinier à Gilly (aujourd'hui Gilly-lès-Citeaux, à 20 km au sud de Dijon). Leurs parents ne sont pas présents mais ont donné leur accord par écrit.
Trois jours plus tôt, les futurs ont passé un contrat de mariage chez maître Thibaut notaire à Dijon. Si René CHATELAIN apporte 800 livres "en mobilier, provenant de ses gains et épargnes", la jeune fille arrive au mariage sans aucun bien. Une tante maternelle, présente chez le notaire, lui promet 200 livres, mais à toucher après son décès. La mise en communauté est fixée à 50 livres de part et d'autre, le douaire à 30 livres et le préciput à 50 livres.  Information importante, le futur déclare "qu’il n’est pas sur le rôle des impositions attendu qu’il est domestique chez M. Richard". Quant à la future, elle demeure chez Mlle Chantrier "à Dijon rue et place Mirabeau". Leurs deux patrons restent à identifier. Ils ne sont présents ni l'un ni l'autre chez le notaire ni ensuite à l'église.
On peut penser qu'à compter de leur mariage les deux époux ont quitté leurs employeurs respectifs. Et que c'est à ce moment-là que René s'est transformé en maître d'école, métier déjà exercé par l'un de ses frères.

• [À une date qui reste à préciser], le couple Chatelain-Trapey quitte Dijon.
[Après fin 1792], Flagey : René CHATELAIN devient le maître d'école du village viticole de Flagey [aujourd'hui Flagey-Échezeaux], tout proche de Gilly et donc de la famille Trapey / Trapet. Auparavant, d'octobre 1787 à fin 1792, le recteur d'école de la paroisse – qui en était évidemment aussi le chantre – était Henri-Pierre PEURIOT.

• 28 ventôse an II (18 mars 1794) : René CHATELAIN "membre du Conseil général de la commune de Flagey" rédige lui-même un acte de mariage dans le registre d'état-civil "complétant" [remplaçant] l'officier public. Il signe "Chatelain faisant les fonctions d'officier public".
• 14 germinal an II (3 avril 1794), Flagey : À cette date apparaît la première signature de René CHATELAIN en tant qu'"instituteur de la commune" dans le registre d'état civil. Il signe "Chatelain instituteur". En l'an II, les actes pour lesquels indiquer l'âge des témoins est indispensable disent unanimement que René CHATELAIN est "âgé de 30 ans" (ce qui est exact).

• [1795-1796], Flagey : Les habitants du village, "à défaut de prêtre et n'ayant pas les moyens suffisants pour en salarier un", demandent au sieur CHATELAIN de "leur chanter les offices du culte". Il consent à le faire "pour les obliger", dit-il. Cela indique qu'il a une connaissance approfondie du répertoire des dits offices, et une habitude cantorale solide. On peut douter qu'il ait acquis l'une et l'autre seulement durant les deux ou trois ans qu'il vient de passer au village comme maître d'école et poser l'hypothèse qu'il était déjà chantre auparavant ou l'avait été à certaines périodes de sa vie.
• 20 germinal an IV (9 avril 1796) : Ne sachant pas si "l'exercice de cette fonction" l'oblige à prêter serment, René CHATELAIN s'adresse à l'administration municipale du canton de Nuits. Il déclare : "je reconnois que l'universalité des citoyens français est le souverain et je promet soumission et obeÿssance aux lois de la république".

  • Xavier Bisaro analysait ainsi ce précieux document dans son ouvrage Chanter toujours (2010) :
    • Dans cette lettre d’un chantre bourguignon, l’équivoque semble surtout ressentie en termes administratifs. Autant que les paroissiens qui le requièrent, ce déclarant semble en effet résoudre sans hésitation la situation (pas de prêtre, donc un chantre). Scrupuleux ou simplement prudent à l’égard des règlements qui n’avaient pas prévu sa fonction, il en devance l’éventuelle application. Lui comme d’autres assumeront sans dilemme apparent cette charge parfois jusque sous la Monarchie de Juillet.

À propos de ce chantre comme de bien d’autres qu’il avait retrouvés chantant des "messes blanches" sans prêtre, et que les autorités tentaient en vain de faire taire, Xavier Bisaro se demandait : "Les représentants locaux du nouveau régime sont-ils d’ailleurs vraiment extérieurs à la dynamique rituelle des villages dont ils sont eux-mêmes issus ?". Le cas de René CHATELAIN apporte une réponse claire : en effet, au moment même où il chante les offices, il est aussi impliqué au sein de la municipalité de Flagey.

• [1798] : René CHATELAIN devient "adjoint municipal de la commune de Flagey".

• Durant les années suivantes, et au moins jusqu'au 28 germinal XIII (18 avril 1805), date à laquelle figure sa dernière signature dans le registre de Flagey, René CHATELAIN vit toujours dans la commune où il sert souvent de témoin à divers actes d’état civil. Il ne semble plus exercer le métier d'instituteur, et est en général qualifié de "propriétaire".

• 22 octobre 1806, Gilly-lès-Citeaux : Son beau-frère Jacques Trapet, cordonnier à Gilly, et Jean-Pierre Deladoit, instituteur, déclarent le décès de René CHATELAIN, survenu le matin même, à l'âge de 42 ans. Il est mort "en son domicile, maison fermière de Messieurs Tourton et Ravel", où la famille semble s'être installée depuis peu (un an et demi tout au plus), à la faveur d'une nouvelle reconversion professionnelle de René qui est ici qualifié de "propriétaire cultivateur".

Cette notice biographique est dédiée à la mémoire de Xavier Bisaro.

Mise à jour : 4 août 2018

Sources
F-Ad21/ 4E 4/15 ; F-Ad21/ BMS Clamerey en ligne ; F-Ad21/ BMS Flagey-Échézeaux ; F-Ad21/ BMS Flagey-Échézeaux en ligne ; F-Ad21/ BMS Gilly-lès-Citeaux en ligne ; F-Ad21/ BMS St-Michel de Dijon en ligne ; F-Ad21/ L 1161 ; X. Bisaro, Chanter toujours…, 2010

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