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ALLAIN DUPRÉ, Jean-Baptiste (1739-1822)
Autre(s) forme(s) du nom : ALAIN ou ALLAIN, dit DUPRÉ
ALLAIN-DUPRÉ
DUPRÉ
Date(s) : 1739-8-1 / 1822-10-8
Fils et frère de maîtres à danser, Jean-Baptiste ALLAIN-DUPRÉ suit, quant à lui, la voie de la musique instrumentale, à la fois dans le domaine cultuel et dans le domaine profane. Organiste réputé au Mans puis à Tours, il est aussi claveciniste, instrument dont il donne activement des leçons lucratives. Il est enfin compositeur : plusieurs de ses œuvres sont conservées et mériteraient aujourd'hui d'être recréées. Comme son père avant lui, il ajoute à son nom le surnom de DUPRÉ, qui peu à peu s'agrège à son patronyme. Il est le dernier titulaire de l'orgue de la collégiale Saint-Martin de Tours entre 1761 et 1790 et forme de nombreux élèves à son art ; son talent est reconnu de tous et il semble même présider d'une certaine manière la scène musicale tourangelle. En homme des Lumières, la Révolution le séduit et il s'y engage avec enthousiasme en prenant des responsabilités au sein de la municipalité tourangelle. En 1793, il est sensible à la vision des Montagnards et devient l'un des membres éminents du Comité de surveillance révolutionnaire, marqué par une assez grande intransigeance. Un temps accusé de "terrorisme", il se fait ensuite oublier et meurt sous la Restauration, vivant confortablement de ses rentes, laissant un bel héritage à son épouse et à son seul fils survivant.
• 1er août 1739, Château-Gontier [Mayenne] : Fils de "hh [honnête homme] Pierre ALLAIN DUPRÉ maître d'exercice" (c'est-à-dire maître à danser) et de Mathurine Lecointe, Jean-Baptiste naît dans cette petite ville du haut Anjou, implantée sur la rive droite de la Mayenne autour de son château, puis développée grâce à la rivière et grâce à l’implantation d’institutions royales (Présidial, Élection, Grenier à sel). Il est baptisé le même jour, paroisse Saint-Jean-Baptiste. Ses parrain et marraine sont un frère et une sœur plus âgés.
Le père, initialement nommé Pierre ALLAIN, a adopté DUPRÉ comme nom professionnel. Lors de ce baptême, tous les membres de la famille présents utilisent le surnom Dupré et d'ores et déjà l'agrègent à leur patronyme. La jeune marraine de neuf ans va même jusqu'à signer seulement "marie Dupré". On remarque que le père de famille est gratifié de l'avant nom honorifique "hh".
• [De 1746 environ à 1756 ou 1758] : Même si la musique était cultivée dans son milieu familial d'origine, le jeune Jean-Baptiste a probablement bénéficié en complément d'une formation dans une psallette, sans que l'on sache (actuellement) si celle-ci se situe à Laval, ville la plus proche de son lieu de naissance (30 km), au Mans, où son père s'implante à la toute fin des années 1740, à Angers, capitale du diocèse dont relevait sa ville de naissance, ou encore ailleurs.
Au cours des années 1740, son père est attesté à La Flèche, en Anjou, également dans le diocèse d'Angers : Jean-Baptiste a-t-il fréquenté durant quelques années le collège des Jésuites ? En l'état présent des recherches, toutes les hypothèses sont possibles.
• 1er février 1759, Le Mans : Jean-Baptiste ALLAIN-DUPRÉ devient organiste de la collégiale Saint-Pierre-la-Cour, aux gages de 300 livres / an, "au lieu et place de M. Étienne HARMAND". Sa réception officielle a lieu le 5 mai, mais elle prend effet à compter du 1er février précédent et "pour tant et si longtemps que ses services nous seront agréables". La délibération capitulaire qui le reçoit ne donne aucune indication sur son itinéraire passé.
• 21 octobre 1759 : Le chapitre de la collégiale délivre un certificat à "maistre Jean-Baptiste Alain-Dupré". L'utilisation du mot "maître" indique probablement qu'il est tonsuré, mais ce n'est pas spécifié.
Lors des débuts du jeune organiste, la musique de Saint-Pierre est dirigée par Jacques BENOIST qui meurt en avril 1760 et est alors remplacé par François PICHON. Le jeune homme côtoie aussi le serpent Jacques CHAUFFIER et les chantres Julien LETOURNEAU, Claude LANDRON, Jérôme LAMBERT...
• 15 avril 1760, Le Mans : Jean-Baptiste assiste et signe au mariage de son frère François avec Madeleine Poilpré, fille d'un maître boulanger, célébré dans l'église paroissiale Notre-Dame de Saint-Vincent. Le marié et son père sont tous deux dits "maître d'exercice pour l'éducation de la jeunesse". Aucun métier n'est indiqué pour le jeune organiste. Il signe sobrement "Allain Dupré" avec un paraphe souple.
• 23 août 1761, Le Mans : L'organiste obtient de son chapitre employeur un congé "jusqu'à la nativité" [de la Vierge], le 8 septembre, c'est-à-dire environ quinze jours. On peut penser qu'il en a profité pour aller se faire auditionner à Tours, et peut-être ailleurs.
• 28 novembre 1761, Tours : Dans la perspective du départ de Pierre MONTAUT, les chanoines de la collégiale Saint-Martin décident de faire venir un autre organiste qui se trouve au Mans. L'abbé Ducherche [qui est l'interlocuteur du facteur rouennais Lefebvre chargé d'entretenir l'orgue] écrit au père bénédictin dom BEDOS afin qu'il joue les intermédiaires.
• 6 décembre 1761, Tours : Réunis en "galerie" après les vêpres du dimanche, pendant lesquelles il a du toucher l'orgue afin de montrer ses capacités, les chanoines, qui le décrivent "apte et habile" à tenir ce poste, reçoivent le sieur DUPRÉ comme organiste de leur église aux gages de 700 livres par an, à la condition d'enseigner l'orgue aux enfants de la psallette. Ses gages sont donc plus que doublés par rapport à ce qu'il recevait à Saint-Pierre du Mans.
• 15 décembre 1761, Le Mans : Jean-Baptiste ALLAIN-DUPRÉ obtient douze jours de congé de la part du chapitre de Saint-Pierre-la-Cour. En réalité, il organise son déménagement du Mans à Tours. En même temps ou peu après, ses parents quittent Le Mans pour aller, eux aussi, s'installer à Tours.
• 29 décembre 1761, Tours : Le chapitre de Saint-Martin décide que ses gages lui seront payés à partir du 1er décembre. Cette date correspond sans doute au moment où il a commencé à jouer à la collégiale.
• Début janvier 1762, il est remplacé au Mans par Pierre MONTAUT, précédemment en poste à Saint-Martin de Tours, ce qui laisse supposer un échange négocié à l'amiable entre les deux chapitres.
• Vers 1763, Luçon [Vendée] : Pierre ROSSIGNOL, âgé de 19 ans, accède à la tribune de la cathédrale Notre-Dame. Le chapitre fait venir pour lui "le second livre de Couperin, les livres de Daquin, de Balbastre et Woguensel, avec l'accompagnement de violon qu'on dit être nécessaire à l'organiste". Jean-Baptiste ALLAIN-DUPRÉ a parachevé sa formation de cet enfant de chœur sorti de la psallette de Saint-Martin de Tours.
• 8 août 1765, Tours : ALLAIN-DUPRÉ obtient la permission de se rendre à Paris entre la fête de l'Assomption et celle de la Toussaint mais devra être présent pour ces deux fêtes.
• 16 novembre 1765, Tours : À sa demande, la compagnie capitulaire lui accorde ses 700 livres de gages annuels "en titre". Cela équivaut à une titularisation à vie, c'est donc une importante garantie d'avenir, et un facteur de stabilisation.
• 23 novembre 1765, Tours : Ses appointements passent à 800 livres par an dont 700 livres en titre. Jusqu'en 1790, ce niveau de rémunération ne bougera plus.
• 24 mars 1768, Tours : Pour la somme de 160 livres de loyer par an, Alexandre-André Legrand, ancien officier chez le roi, donne un logement à titre de sous-bail à loyer "avec promesse de faire jouir pendant le cours de six années trois mois" au sieur Jean-Baptiste ALLAIN-DUPRÉ, organiste de la collégiale Saint-Martin, demeurant jusqu'alors paroisse Saint-Pierre-le-Puellier. Il s'agit d'"une portion de maison en cette ville paroisse de Notre Dame de l'Ecrignolle ayant son entrée par la Rue des fouquets cydevant occupée par la defunte dame Veuve Lestorée, faisant partie d'une maison appelée saint Pierre de Rome apartenant aux Relligieux de Mairmoutier dont le sr Legrand est principal locataire". Le 25 avril 1774, le bail est prolongé pour neuf années mais le loyer passe à 200 livres par an.
• [Avant juin 1769], Tours : Jean-Baptiste ALLAIN-DUPRÉ a parmi ses écoliers à l'orgue le jeune Jean-Baptiste BLOT, enfant de chœur de Saint-Martin jusqu'en juin 1769 et qui ultérieurement, en mars 1774 dans les Affiches de Poitiers, se proclame "Élève du célèbre Dupré".
• 20 juillet 1769, Tours : Le chanoine Thomas, l'un des intendants de la psallette est prié de demander à l'organiste d'examiner le clavecin acheté à M. Hubert, qui se trouve à présent à la psallette.
• 18 janvier 1770, Tours : Un inventaire effectué juste avant son mariage permet d'appréhender son univers de la rue des Fouquets, pas très loin de la collégiale. Son logement comporte quatre pièces principales (salle, salon, deux chambres) et une cuisine, ainsi que des espaces annexes (antichambre, cabinet, cour, cave). L'ensemble respire le confort (tentures de damas, tapisseries de verdure, bergère couverte de flanelle à fleurs… quatre lits dont l'un est évalué 355 livres), voire un certain luxe (commode d'acajou à dessus de marbre, argenterie abondante atteignant un total de 578 livres…). On remarque de nombreux miroirs et des tableaux. Les loisirs et la sociabilité sont évoqués à travers "un tric trac garni et ses bobèches", "une boëte à cadrille et cent jettons d’yvoire"... ainsi que 60 chaises et 6 fauteuils en tout ! Un clavecin trône dans la salle, évalué 700 livres, soit de très loin la somme la plus importante de tout l'inventaire. Dans un cabinet sont rangés dans leurs étuis deux violons estimés 36 et 15 livres. Le total des effets inventoriés atteint 4 672 livres.
• 21 janvier 1770, Tours : Dans l'étude du notaire René Thenon est signé le contrat de mariage entre Jean-Baptiste ALLAIN-DUPRÉ et Généreuse-Louise Chevrier. Le futur est dit "organiste de l'insigne église de Saint-Martin de Tours", il est assisté de ses parents, Pierre ALLAIN DUPRÉ et dame Mathurine Lecointe, avec lesquels il demeure "ensemble à Tours rue du Fouquet, paroisse Notre-Dame de l'Écrignol". Pour laisser place à la jeune épouse et aux enfants à naître, les parents partiront peu après s'installer à Véretz chez leur autre fils, René-Jacques, devenu curé de cette paroisse.
L'organiste apporte au mariage près de 9 000 livres provenant entièrement "de son pécule particulier, gains et épargnes". Dans cette somme on remarque notamment "1 226 livres qui luy sont dues par différents écoliers pour leçons de clavecin suivant le relevé qu'il a fait de son livre". De son côté, la "demoiselle future épouse a été dottée par la dame sa mère de la somme de 5 000 livres". L'un et l'autre des futurs versent à la communauté la somme de 1500 livres, le surplus leur demeurant propre à chacun.
• 23 janvier 1770 : En l'église paroissiale de Saint-Saturnin, est célébré – par le frère du marié, curé de Véretz – le mariage de Jean-Baptiste ALLAIN-DUPRÉ, 31 ans, et de Généreuse-Louise Chevrier, 19 ans. Le marié est dit "organiste de la noble et insigne église de Saint-Martin". Ses parents sont présents, ainsi que son frère François-Claude, qui est alors maître à danser au Mans. Un autre maître de danse assiste également à la cérémonie : Pierre-Paul NOURRY, oncle par alliance de la jeune mariée. Enfin, on remarque la présence de Mathurin PAPIN, basse-taille et chanoine semi-prébendé de Saint-Martin, d'origine mancelle.
• 2 juillet 1770, Vains [Manche] : Le pré Bataille, d'une surface d'une vergée et quart (soir environ 25 ares), est vendu par son cousin Jacques Allain (fils de son oncle Jacques) à un certain Antoine Ballois pour la somme de 100 livres, "sous réserve de continuer le paiement de 15 livres de rente foncière düe à Pierre ALLAIN fils [d'] Antoine". Jean-Baptiste et ses frères hériteront ultérieurement de cette rente (voir ci-après au 20 juin 1811).
• 1771 à 1775, Tours : Quatre enfants naissent de l'union de Jean-Baptiste ALLAIN-DUPRÉ et Généreuse-Louise Chevrier, tous paroisse Notre-Dame-de-l'Écrignole. Le premier, Jean-Baptiste-René, baptisé le 5 mai 1771, a pour parrain son oncle paternel, le curé de Véretz. Viennent ensuite Pierre-Aimé le 5 avril 1772, Généreuse-Modeste le 17 juin 1774 et Hippolite le 31 août 1775. Chaque fois le père est dit organiste de Saint-Martin. On ne relève jamais la présence de musiciens comme parrains.
• 6 février 1771, Tours : Jean-Baptiste ALLAIN-DUPRÉ signe à l'inhumation de sa mère, en compagnie de son épouse. À la même époque, son père vit chez son fils curé, à Véretz. Le couple parental s'était-il séparé ou bien Mathurine Lecointe est-elle morte lors d'un séjour à Tours où elle était, peut-être, venue se faire soigner ?
• Juillet 1771, Tours : Jean-Baptiste ALLAIN-DUPRÉ compose Apollon et Cyrène, divertissement héroïque en deux actes aujourd'hui conservé à la Bibliothèque Municipale de Tours. C'est Dorange, le conservateur, qui a retrouvé la partition en 1867. Il l'offre au maire en ces termes : "Ce livre, précieux pour les musiciens, gisait exposé à l'humidité, depuis la Révolution, dans un grenier d'une maison voisine de l'ancienne église de Saint-Martin. Je l'ai réparé de mon mieux ; il est complet et sera très-bien placé dans notre précieux dépôt. [...] Dupré résume en lui une des plus belles époques musicales de notre ville ; et au double point de vue de l'histoire locale et de l'art musical, c'est de bonne fortune, pour notre Bibliothèque, de posséder une œuvre de Dupré".
• 3 septembre 1771, Tours : Le chapitre de Saint-Martin accorde à son organiste un congé de six semaines avec maintien de ses gages pour se rendre à Paris. Ce déplacement a-t-il un lien avec l’achèvement de sa composition? Va-t-il la présenter aux maîtres de la capitale, la faire graver, la proposer à un directeur de théâtre ?
• 28 septembre 1772, Paris : Sa sœur Marie Jeanne se marie, sans doute paroisse Saint-Sulpice, à Jean François Donat.
• 18 décembre 1772, Véretz [Indre-et-Loire] : Dans ce village situé à 12 km de Tours, en direction d'Amboise, dont son frère René-Jacques est le curé, Jean-Baptiste assiste à l'inhumation "dans l'église" de leur père, l'ancien maître à danser Pierre ALLAIN DUPRÉ, "veuf de Mathurine Lecointe", qui est décédé la veille – vraisemblablement au presbytère. Il signe "J.B. allain Dupré".
• Septembre 1773, Paris : Sont publiées “Six sonates pour le clavecin ou piano-forté avec accompagnement d’un violon & violoncelle ad libitum” par M. DUPRÉ "organiste de St-Martin de Tours & maître de clavecin", en vente au prix de 9 livres "à Tours chez l’auteur proche les Augustins" ainsi qu'à Lyon. Le 8 octobre suivant, il fait part de cette publication dans les "Annonces, affiches et avis divers" [de Paris], dans le numéro 84.
• 23 août 1774, Tours : Le couple, qui demeure toujours paroisse Notre-Dame-de-l'Écrignole, achète 12 000 livres dont 8 000 livres au comptant, en espèces, aux héritiers de Marie Charlotte Trutier, épouse de Louis Regnier, contrôleur du vingtième de la généralité de Tours, dont Marthe Trutier, veuve de Jean François BOURDAIZEAU, la maison et closerie de la Roche Hameau, située paroisse de Larçay, au sud de Tours, dans la vallée du Cher. Le domaine est vaste avec un bâtiment pour le maître sur un étage et des annexes, de nombreuses "caves en roc" dont certaines ont été aménagées en écurie, étable pour les vaches, pressoir à roue avec ses deux cuves, il y a aussi une bergerie, un toit à porc, une grange à blé; à côté du jardin, on trouve une succession de pièces de vigne et bois taillis, de pièces de terre labourable et même des chenevières (champs de chanvre); une grande allée mène à la maison et la propriété est close de murs, les parcelles de haies vives. de l'autre côté de la vastes cour agrémentée de son puits, s'élève le bâtiment du closier.
• 23 août 1774, Tours : Le deuxième fils de l'organiste, Pierre-Aimé, est inhumé paroisse Saint-Saturnin, il était âgé de deux ans et quatre mois. Le lendemain, Jean-Baptiste et son épouse viennent prendre possession en compagnie de la sœur de madame Allain-Dupré, Jeanne Chevrier, épouse de Claude Bernardeau, greffier de la subdélégation de Tours. Cette maison sera encore entre les mains du couple au décès de Jean-Baptiste. Sans doute venait-il passer systématiquement son congé de deux mois en septembre et octobre de chaque année; un de ses fils y naîtra en 1787.
• 27 avril 1775, Tours : Le chapitre de Saint-Martin charge son organiste de former à l'orgue de façon consciencieuse ["diligenter"] l'enfant de chœur Thomas MÉNARD. Ce dernier deviendra à son tour maître de clavecin à Paris et fera carrière à l'Académie royale de Musique.
• 30 janvier 1776, Rochecorbon : Dans ce village situé à moins de 8 km de Tours, sur la rive droite de la Loire, où elle avait sans doute été placée en nourrice, est inhumée Geneviève-Modeste décédée la veille à 21 mois, "fille du sieur Jean-Baptiste ALLAIN-DUPRÉ organiste de Saint-Martin".
• 18 juillet 1776, Tours : Jean-Baptiste ALLAIN-DUPRÉ comparaît enfin devant le chapitre après avoir été cité une première fois dix jours plus tôt pour négligences dans l'exercice de ses fonctions éducatives. Il remet aux chanoines la supplique qu"il a rédigée dans laquelle il justifie son absence, expliquant que ce n'est ni par manque de respect ni par désobéissance qu'il ne s'est pas rendu à la convocation, mais par crainte de voir ternie sa réputation. "Sa delicatesse lui avoit fait regarder une citation comme un acte en quelque façon deshonnorant". Il s'engage à donner trois leçons de clavecin par semaine à l'enfant de chœur dont il est chargé, "ainsi qu’il le fait pour le général de ses ecoliers".
• 29 août 1778, Tours : En raison des très importantes réparations à faire à l'orgue, le chapitre interdit de le toucher.
• 31 août 1778, Tours : Le chapitre fait remise à son organiste, "par grâce spéciale", des 50 livres 15 sols 16 deniers de lods et ventes pour un contrat d'acquisition d'une maison sur le territoire du fief du Bourg-Saint-Père qui relève de la collégiale (la délibération fait référence à un acte passé devant les magistrats du bailliage de Tours d'un montant de 6 010 livres).
• 28 janvier 1780, Tours : Les époux ALLAIN-DUPRÉ, qui demeurent toujours rue des Fouquets, achètent aux héritiers d'Olivier François Gabriel Normand, docteur en médecine à Tours, une métairie dite des Grandes ou Belles Maisons, située "au dessus du bourg et paroisse de Larçay", dont le fermier est Pierre Quenard. On y élève des bœufs, chevaux, vaches, moutons et cochons, il y a une grange à blé et des terres cultivées qui en dépendent. Le montant de la vente s'élève à 17 000 livres. Le 30 juin suivant, les époux viennent prendre possession du lieu devant notaire, ils sont accompagnés du chanoine semi-prébendé Mathurin PAPIN.
• 5 septembre 1780, Tours : Jean-Baptiste ALLAIN-DUPRÉ obtient six semaines de congé mais devra venir jouer les dimanches et fêtes. La suite de la délibération a été biffée.
• 15 novembre 1780, Tours : On lui rembourse la somme de 26 livres payée au souffleur pour le service accompli lors des fêtes de sept chandeliers (de premier rang) jusqu'à la dernière fête de la saint Martin d'hiver.
• 7 septembre 1782, Tours : Il obtient un congé avec maintien des gains au chœur jusqu'à la fête de la Toussaint ; c'est l'enfant de chœur Charles Antoine MAUDUIT qui est chargé de le suppléer et de veiller au bon état de l'orgue. Le jeune garçon deviendra ensuite organiste de la collégiale de Péronne.
• 15 Juillet 1783, Paris : ALLAIN-DUPRÉ fait paraitre dans le Journal Encyclopédique ou Universel une annonce qui propose la vente de "Six sonates avec le clavecin ou le forte-piano avec accompagnement d'un violon AD LIBITUM, [...]. Œuvres II. A Tours chez l'auteur; à Paris, chez MM. Cousineau & Salomon, luthiers, le premier rue des Poulies, le second place de l'Ecole, & aux adresses ordinaires de musique, Prix, 9 Liv.".
• Novembre 1784 puis mi-juillet 1785, Le Mans : Ses anciens employeurs, les chanoines de Saint-Pierre, s'adressent à lui pour qu'il leur trouve un organiste et un serpent. En novembre 1784, il leur envoie Michel BOYER, qui est reçu au Mans, mais cependant fait une infidélité à la collégiale de fin juin 1785 à mi-décembre 1785 (ce qui explique la seconde demande). Concernant le recrutement d'un serpent, Dupré recommande le sieur LORIN, serpent de l'abbaye de Marmoutier, mais celui-ci ne vient pas au Mans. BOYER a évoqué la figure d'ALLAIN-DUPRÉ dans sa "Notice historique sur les orgues […] Tours avant 1789" parue en 1848. "DUPRÉ [...] était alors dans la maturité de son talent, qui rivalisait avec celui des premiers organistes de la capitale. Il n'avait pas les formes élégantes et la brillante exécution de GUICHARD, organiste de la cathédrale, mais il possédait une science profonde de l'harmonie. Quand il voulait être chantant, ses idées étaient parfois communes, mais il les rendait en grand maître. Son jeu toujours net, égal, d'un à-plomb, d'une mesure invariables, était le plus beau modèle que l'on pût se proposer d'imiter. Aussi les vêpres de cette église se disant à quatre heures, après celles de la cathédrale, j'avais le temps d'y courir encore, pour y recueillir de nouveaux motifs d'un style différent, qui fournissaient à mes études de la semaine de la matière pour tous les morceaux que j'avais à jouer le dimanche après les avoir écrits et travaillés sous la direction de mon bon frère (Étienne BOYER)".
• [1783-1784], Tours : Une collaboration fructueuse s'établit entre ALLAIN-DUPRÉ et le maître de musique de la collégiale Jean François LESUEUR : "qui n'avait guère que vingt ans, [...]. Le sévère Dupré rendit à ce jeune compositeur la justice qu'il méritait, et lui faisant l'honneur de reprendre quelquefois le sujet de ses fugues qu'il traitait de telle manière, que j'ai entendu Lesueur dire bien longtemps après, lorsqu'il dirigeait le Conservatoire de Paris, que ses fugues remaniées par Dupré lui faisaient venir la chair de poule. J'entends encore ces deux grands maîtres, lors du Regina solennel que Lesueur fit exécuter, une veille de Pâques [1783], dans le jubé de l'antique basilique" (écrit Michel BOYER).
• 21 juin 1785, Tours : Les époux ALLAIN-DUPRÉ, qui demeurent alors paroisse Saint-Pierre-le-Puellier, procèdent à l'amiable devant le notaire Gervaise au partage de la succession de Jeanne Dupuy, veuve de Barthélémy Chevrier, belle-mère de l'organiste. Les trois autres cohéritières sont les trois sœurs de Généreuse Louise et leurs époux : Claude Besnardeau, greffier des Insinuations ecclésiastiques et des subdélégation et maréchaussée de tours et Jeanne Chevrier, Pierre Aimé Leduc, ancien négociant à Tours et Anne Chevrier, Joseph François Hippolyte Estevou, négociant à Saumur et Modeste Madeline Chevrier. Chaque couple reçoit un quart de la succession qui s'élève à 17 137 livres soit 3892 livres 1 sol.
• 1786-1789, Tours : Jean-Baptiste ALLAIN-DUPRÉ s'est affilié comme "frère à talens" à la loge maçonnique de la Concorde Écossaise à l’Orient de Tours, en compagnie de Louis MAÎTRE [1786] et NOURRY [1786], sans doute Pierre Paul.
• 5 novembre 1787, Paris : On procède à l'inventaire après décès de son beau-frère Jean-François Donat, bourgeois de Paris, époux de Marie Jeanne Allain-Dupré.
• 5 novembre 1787, Larçay, petit village situé au sud-est de Tours : Il signe au bas de l'acte de baptême de leur fils Alexis qui est né lors du séjour annuel que la famille fait chaque automne dans sa propriété des Roches-Humeau (ou bien aux Belles-Maisons?).
• 28 avril 1789, Tours : À la suite du transfert du service divin dans la chapelle Saint-Jean (ancienne salle capitulaire) en raison des lourds et longs travaux de restauration de la collégiale qui débutent, la compagnie demande à son organiste, ALLAIN-DUPRÉ, de continuer malgré tout à toucher régulièrement l'orgue que le secrétaire qualifie, en latin, de "remarquable" ["eximii"].
• [1789-1790], Tours : Dans la Quinzième lettre bougrement patriotique du véritable père Duchêne, parue à Paris en 1790, on raconte que l'organiste d'un chapitre de Tours "qui sans doute est patriote", aurait joué le "Ah ! ça ira, ça ira, ça ira… Alors la sonnette impérative tâche de couvrir le ça ira patriotique. Mais les basses, mais les clarinettes, mais les cors, mais les bourdons et les trembleurs, et les flûtes et les haut-bois, et les flajolets et les cornemuses du saint buffet, vrai magasin de tapage angélique, étouffe lederlin-din-din aristocratique, et vous ronfle ça ira, comme si toute la musique patriotique du Paradis étoit descendue dans le grenier aux flûtes. Les Chanoines deviennent furieux, et comme si tous les soufflets de l’orgue leur eussent soufflé au cul, en un instant les voilà gonflés d’une colère archidiabolique qui les fait entonner le Magnificat en faux-bourdon, avec une force capable d’ébranler la voûte du temple du Dieu de paix, qui sourit dans sa barde [sic] divine, du vacarme insensé de ses dodus soi-disant serviteurs. Mais le patriote aux doigts agiles vous tire des sons si sonores de son armoire à boucan, que le chœur aristocrate est écrasé. On sort tout bouffi de rage ; on tient chapitre, et le résultat de la délibération de la cohue en camail, est de foutre un cadenat à la boëtte ronflante, afin que ce DIEU QUI VEUT que ÇA AILLE, en ait même le démenti dans l’orchestre qui sert à chanter sa gloire éternelle. On dit que la NATION a brisé le susdit cadenat, et qu’elle veut de la musique".
À supposer que la pittoresque anecdote soit véridique, s'agit-il là de notre homme, ou de son homologie GUICHARD à la cathédrale?
• 1790, Tours : Jean-Baptiste ALLAIN-DUPRÉ est toujours organiste de la collégiale Saint-Martin, aux gages de 800 livres par an. Il y côtoie Julien Élie LEROY, maître de musique qui dirige dix enfants de chœur et dix musiciens ou chantres.
• 27 novembre 1790 au 12 novembre 1791, Tours : ALLAIN-DUPRÉ est élu notable à la municipalité.
• 9 février 1791, Tours : Les époux ALLAIN-DUPRÉ, qui demeurent paroisse Saint-Pierre-le-Puellier, assistent au partage de la succession de Pierre Paul Nourry, maître de danse qui est mort en 1789, époux de Madeleine Dupuy, tante maternelle de Généreuse Louise. Ils ont droit au quart dans la moitié de la succession qui leur revient, l'autre moitié allant à la fille d'une sœur de Madeleine Dupuy. Le montant total de la masse s'élève à près de 31 000 livres. Les cohéritiers reçoivent en espèces près de 1 000 livres mais plusieurs contrats de constitution de rentes et une maison rue de la Sellerie, appelée hôtellerie de la Belle-Fontaine, reste pour l'instant dans l'indivision. Évaluée alors à presque 8 000 livres, elle sera vendue par la suite à une date inconnue.
• 25 juillet 1791, Tours : Les fabriciers de la nouvelle paroisse Saint-Martin, l'une des deux paroisses de la ville qui s'étend sur toute sa partie occidentale, sont réunis dans la salle de "l'absalete" [sic] de l'église de Saint-Martin. Parmi les signatures, on relève celle d'ALLAIN-DUPRÉ. Quatre jours plus tard, il est décidé de conserver l'organiste ainsi que "quatre basse contre, deux serpens, six enfans de chœur".
• 18 août 1791, Tours : Le secrétaire résume la démarche des fabriciers auprès du directoire du département où ils se sont déplacés en délégation; ALLAIN-DUPRÉ y a participé. L'objectif était de prendre des décisions urgentes au sujet des travaux dans l'ancienne collégiale (qui est en pleine restauration depuis deux ans environ); la discussion porte aussi sur le nombre d'officiers convenables à conserver pour l'exercice du culte dans une paroisse de 9 à 10 000 personnes.
• 15 septembre 1791, Tours : "Arreté égallemant que Monsieur DUPRÉ sera prié de continuer provisoirement son service en qualité d'organiste, et qu'il sera consulté sur la rétribution qu'il estime luy être due, et qu'il demeure authorisé a ce service les deux souffleurs attachés a saint Martin sur la rétribution desquels il sera prié de nous donner des Eclaircissements".
• 25 septembre 1791, Tours : "...monsieur le president a dit que mondit sieur Allin Dupré touché d'un pareil arreté, et considerant que les revenus de la parroisse de saint Martin ne sont pas encore connus et peuvent etre insuffisans, il se contenteroit jusqu'a plus emple eclercissement, de la rétribution que nous avions provisoirement alloués a nos serpens et basse conte, que même il se reduiroit a moins si le bureau l'estimoit necessaire; qu'en tout état de chauses, il prioit le bureau de ne pas oublié qu'il est depuis trente ans dans l'usage d'aller tous les ans passer environ deux mois a la campagne; que quant aux deux souffleurs, ils etoient ci devant retribués, scavoir le premier qui etoit aubligé de ballayer l'orgue, de souffler pour les acords, et d'allumer le feu avoit 60#, Et le second cinquante qu'il estimoit que le travaille devenant moins continu, il suffiroit de donner aux mêmes conditions cinquante livres au premier et quarente livres au second. Sur ce, ce bureau applaudissant au desinteressement de monsieur allin Dupré, a arreté que provisoirement et jusqu'a ce que les revenus de la fabrique soyent connus, il sera retribué de la somme de quatre cent livres par an [soit la moitié de son traitement en 1790], qu'il demeure [mangé par la pliure, sans doute : autorisé] a prendre des vacances depuis le neuf septembre jusqu'a la toussaint" [puis les gages des souffleurs proposés sont validés].
• 12 novembre 1791, Tours : ALLAIN-DUPRÉ remplace Louis Fulgence Vauquer-Simon et devient officier municipal et quatre jours plus tard, il assure quelques jours durant la fonction de substitut du procureur de la commune après la démission Pierre-Jacques Douet le Jeune. Il restera officier municipal jusqu'au 30 décembre 1792. Le même jour à Véretz, son frère "René Jacques Allain Dupré, curé de cette paroisse, a prêté ce jourd'huy dimanche 23 janvier 1791, à l'issue de la messe paroissiale, en l'église, heure de midi, en notre présence [officiers municipaux] et en celle des fidèlles, le serment de veiller avec soin sur les Fidèles de la paroisse qui lui est confiée, d'être fidèle à la Nation, à la Loi et au Roi, et de maintenir de tout son pouvoir la Constitution decrétée par l'Assemblée Nationale et acceptée par le Roi". Il est en outre le maire de la commune.
• 19 novembre 1791, Tours : ALLAIN-DUPRÉ, qui ne signe plus le registre depuis le 3 novembre précédent, comparait pour établir l'inventaire des titres et papiers des paroisses réunies pour former celle de Saint-Martin.
• 23 novembre 1791 au 30 décembre 1792, Tours : Il est élu officier municipal.
• 1791, Tours : Jean-Baptiste ALLAIN-DUPRÉ fait une demande de pension au Comité ecclésiastique. Ses revenus étant de 800 livres, le district propose de lui accorder un traitement de 600 livres, drastiquement ramené à 350 par le département.
• 27 janvier 1792, Tours : Après le départ de Louis-Antoine GUICHARD, un concours est organisé pour lui succéder à la tribune de la cathédrale de Tours. Il est présidé par Jean-Baptiste ALLAIN-DUPRÉ. C'est Étienne BOYER, son ancien élève, qui l'emporte devant Joseph JOUBERT et Sulpice Philippe LEJAY.
• 13 septembre 1792, Tours : " S'est présenté au conseil de permanence le citoyen jean baptiste Alain Dupré organiste de st martin lequel a preté le serment arrêté au conseil du departement le dix sept aoust dernier, ainsi qu'il est expliqué au commencement du proces verbal, ainsin qui suit, je jure d'etre fidèle à la nation et de maintenir la liberté et l'égalité & et a signé avec nous" écrit l'officier municipal Lamirault.
• 4 mars 1793, Tours : "Il a été fait demande par le citoyen ALLAIN DUPRÉ de la somme de trois cents livres pour neuf mois de son traitement en qualité d'organiste de cette Eglise echus le quinze fevrier dernier" lit-on dans le registre de la fabrique paroissiale Saint-Martin.
• 18 octobre 1793, Saumur: Les Représentants en mission près l'armée de l'Ouest, Choudieu et Richard, qui avaient pour mission d'empêcher les "Vendéens" de repasser la Loire et de mener une levée extraordinaire de chevaux, nomment les dix membres du comité de surveillance révolutionnaire de Tours. Leur tâche était "de comprimer les malveillans dans la ville [...], par des mesures révolutionnaires, considerant qu'ils machinent contre la liberté dans la plus grande securité, considerant que la ville de tours est une de celles que l'infame Pitt avoit choisie pour l'execution de son execrable complot". Jean-Baptiste ALLAIN-DUPRÉ, "organiste", est cité en huitième position aux côtés de l'ancien maire de Tours Worms de Bomicourt et de Sénar, le procureur de la commune. Les comités de surveillance révolutionnaire mis en place par des municipalités dès 1792 sont légalisés par la Convention en mars 1793. Elle ordonne la création dans chaque commune d'un comité de surveillance de douze citoyens chargés de surveiller au départ les étrangers et les suspects. Le 17 septembre suivants, ils reçurent un pouvoir de police pour arrêter les "ennemis de la liberté". La loi du 14 frimaire an II (4 décembre 1793) les intègre dans le gouvernement révolutionnaire sous le contrôle des comités de salut public et de sûreté générale [d'après Histoire et dictionnaire de la Révolution Française, 1789-1799, p.604]. Gabriel-Jérôme Sénar, à la tête des Jacobins de Tours en 1792, s'est rallié à Hébert et aux Enragés en avril 1793. Guimberteau le démet en novembre mais il fait appel à la Convention et il est rétabli peu après.
• 14 décembre 1793, Tours : Jean-Baptiste ALLAIN-DUPRÉ est à nouveau nommé par les représentants en mission Guimberteau, Levasseur de la Sarthe et Rouhière au comité de surveillance révolutionnaire établi en ville. Son nom est cité en deuxième place sur les dix mentionnés. La première mouture du comité apparaissait trop "modérée".
• 24 décembre 1793, Tours : Comme les autres membres du comité de surveillance de la ville, il signe une adresse pleine de fermeté au district. "[...] Soyés biens assurés que tous nos arrêtés seront toujours le resultat de notre attachement aux lois et de la surveillance la plus active pour dejouer les malveillants et les contre revolutionnaires" est-il écrit en guise de conclusion.
• [1794-1795], Tours : Il fait partie des signataires de "La Théorie des Conspirateurs mises à découvert ou Réponse des patriotes de Tours au libelle de Sénar intitulé : les brigands de la Vendée en évidence" avec L. Texier-Olivier, Leroux, Bassereau, Delatremblais, Roger Ulriot dit Courbière, Meusnier-Badger et Berjou, imprimée chez Vauquer et Lhéritier, imprimeurs du département. Sénar avait dû quitter Tours pour Paris après avoir été mis en accusation par la Société populaire et montagnarde en ventôse II (février-mars 1794). Dénoncé au mois de juillet suivant par deux habitants de Tours qui se sont déplacés au club des Jacobins après la chute de Robespierre, il est incarcéré mais rédige ses mémoires, dénonçant et accusant lui aussi, à tour de bras. C'est contre ces accusations que les auteurs réagissent. Au terme de 97 pages dans lesquelles chacun cherche à démonter les accusations de Sénar, ils réclament collectivement qu'on le traduise devant le Tribunal Révolutionnaire avec ses complices "pour être jugés selon la rigueur des lois". Jean-Baptiste ALLAIN-DUPRÉ, qualifié de "fourbe", "faux et infidèle" est accusé d'avoir protégé le parent d'un ami proche et son propre notaire, Petit, contre les rigueurs du Comité, d'avoir manœuvré pour faire expulser Bret et Lerat de ce comité, qu'il rédigeait "des déclarations contre le voeu et le sçu des gens foibles et igorans" et d'avoir fait déchirer des "tableaux de détenus [...] parce qu"ils ne portoient pas des couleurs assez noires". Il répond point par pont à toutes ces accusations de Sénar.
• 13 mars 1795, Tours : Jean-Baptiste ALLAIN-DUPRÉ, "membre du conseil général de la commune" et son épouse établissent un acte de donation mutuelle devant le notaire Juge. On peut formuler l'hypothèse qu'en ces temps incertains, il chercher à assurer à sa femme de quoi surmonter matériellement son éventuelle disparition. " [...] Voulant se donner des preuves de leur amitié constante et reciproque et afin que le survivant d'eux puisse vivre avec plus d'aizance et de commodité, ils se sont donnés l'un à l'autre et se donnent par les présentes par donation mutuelle entre vifs et irrevocable dans la meilleure forme que donation puisse etre au survivant d'eux et acceptant reciproquement la jouissance et usufruit seulement la moitié de tous les biens meubles et immeubles qui leur appartiennent et pourront leur appartenir par la suite". Une feuille imprimée en partie remplie mentionne que le couple paie une contribution mobilière de 59 livres 10 sols pour un traitement déclaré de 1100 livres; il mentionne la présence d'une domestique.
• 18 avril 1795, Tours : La Municipalité envoie à l'agent national du district une "liste des hommes qui ont pu devoir etre compris dans la loy du 24 de ce mois, iceux au nombre de trente huit, et ce pour satisfaire à l'arrêt de l'administration du district du 24 de ce mois". Parmi ces trente-huit noms, on relève en huitième position celui d'"Allain Dupré, cidevant membre du comité révolutionnaire". Il côtoie "Samson, executeur des jugts du tribunal criminel" et "Fey, accusateur public" ou "Jean Glainard, homme dangereux sous tous rapports"...
• Mai 1795, Tours : ALLAIN-DUPRÉ envoie à une date non précisée une requête au district afin de demander des explications après avoir été compris dans cette liste, très vraisemblablement à la suite de l'arrestation de Pocholle. Le représentant en mission Pierre Pomponne Amédée Pocholle, envoyé par la Convention au mois de mars précédent, a été arrêté le 19 prairial précédent "relativement à une demande faite par plusieurs cytoyens qui demandent la communication de tous les registres et papiers contenant les forfaits commis sous le règne de la Terreur". Le 20 prairial, a été imprimée à Tours une requête des citoyens de Tours à la Convention nationale portant réclamation contre le refus du représentant du peuple Pocholle de restreindre la répression. C'est la réaction thermidorienne.
• 2 novembre 1797, Tours : Les voûtes du chœur de l'ancienne collégiale Saint-Martin s’effondrent et le reste de l'édifice, miné, explose en novembre de l'année suivante. L'orgue était-il encore à l'intérieur de la nef ? ALLAIN-DUPRÉ a-t-il cherché à le sauver ? On ne peut savoir si c'est lui qui est à l’œuvre derrière la demande du 12 juillet 1794, émanant du district, faite au département de prendre des mesures conservatoires des orgues qualifiées de "chef d’œuvre". L'édifice a été transformé en "écurie Martin". Le 15 août suivant, le département débloque une somme de 200 livres afin de construire une cloison de bois susceptible de protéger les orgues. Cette mesure ne suffit pas, en mars 1796, des habitants du quartier informent la municipalité que des vols et dégradations ont lieu dans l'édifice "notamment a l'orgue dont on enlève l'étain journellement". L'ingénieur du département, dépêché sur place peu avant, évoquait déjà dans son rapport les "matières fécales qu'on ne cesse d'y faire habituellement... c'est une horreur dont on ne peut se faire une idée".
• 27 juin 1798, Tours : ALLAIN-DUPRÉ se rend à l'administration municipale afin de signer un certificat de résidence dans lequel on le présente comme "pensionné" demeurant depuis dix-huit ans dans une maison lui appartenant rue des Mûriers. C'est l'occasion d'avoir un aperçu de son allure physique. Il est mentionné comme ayant une "taille de cinq pieds six pouces, visage long, cheveux et sourcils chatains, yeux gris, nez aquilain, bouche bien faite, menton rond, front haut et large".
• 20 octobre 1798, Tours : "Le citoyen Jean Baptiste Alain Dupré ex-organiste du cidevant chapitre de st Martin de Tours, demeurant en cette commune section de la poissonnerie, s'est présenté a l’administration municipale et a preté le serment en ces termes : je jure haine à la royauté et à l'anarchie, attachement de fidelité a la république et à la constitution de l'an trois et a signé sur le registre".
• 23 avril 1799, Tours : Jean-Baptiste ALLAIN-DUPRÉ, nommé avec Étienne BOYER et François Nicolas BONJOUR comme experts, viennent au temple décadaire, l'ancienne cathédrale, afin de faire le procès-verbal des travaux réalisés sur l'orgue par le facteur Joseph ISNARD. Les réparations sont reçues après examen de "tous les jeux de fonds, cornets, jeux d'anches, nottes par notes, ainsi que les travaux neufs faits de fer-blanc". BOYER devient l'organiste titulaire à la suite d'un concours en juin. Cet examen est la dernière intervention publique documentée de Jean-Baptiste ALLAIN-DUPRÉ en tant qu’organiste.
• 22 juin 1799, Tours : Les époux ALLAIN-DUPRÉ achètent une maison au n°4 rue d'Amboise devant Juge aîné au citoyen Marc Marie Roux pour la somme de 7 500 francs dont 4 000 francs payés au comptant en numéraire métallique. Ce sera le dernier domicile de l'ancien organiste qui y mourra 23 ans plus tard. Cette maison est composée d'une salle, salon, office et un cabinet divisé en deux portions, au premier étage deux chambres à cheminée avec alcôve et trois cabinets à côté, un grenier, deux caves voûtées dessous, une cour ayant pour entrée une porte cochère en face du bâtiment ci-dessus, une cuisine, un lavoir et un grenier dessus, un hangar servant de serre-bois, un puits dedans, "un parterre" dans lequel est le siège d'aisance, une petite cour derrière dans laquelle est une écurie avec un râtelier et un siège d'aisance, lesdits bâtiments couverts d'ardoises.
• 23 août 1803, Tours : Âgé de 64 ans, il envisage sa fin prochaine. Il rédige un court testament olographe par lequel il renforce l'acte de donation fait en l'an III et souhaite avantager davantage son épouse : "Voulant ajouter et augmenter aux dispositions portées dans la donation mutuelle que ma femme et moi nous sommes faite par acte reçu devant le Citoyen Juge aisné et son confrère notaires à Tours le 23 ventôse l'an trois, enregistré le 27 ; je donne et lègue à la ditte Généreuse Louise Chevrier mon épouse tout ce que la Loi du 13 floréal de la présente année me permet de lui donner tant en propriété qu'en usufruit ; voulant que le présent mon testament soit exécuté, révoquant tous autres testaments que je aurois pu faire avant ce jour". Il se présente comme "propriétaire à Tours y demeurant section de la Belle fontaine".
• 20 juin 1811, Tours : Devant son notaire habituel, Louis Juge, notaire impérial à Tours, Jean-Baptiste ALLAIN-DUPRÉ, propriétaire, demeurant à Tours, établit une procuration pour toucher la rente de 15 livres créée en 1721 pour son père sur le "pré Bataille", situé commune de Vains, lieu de naissance de Pierre ALLAIN (voir ci-dessus au 2 juillet 1770). On peut penser qu'il s'agit surtout d'en toucher les arrérages, dont le montant n'est pas chiffré. L'ancien organiste appose à l'acte une signature assez appuyée et tremblée.
• 8 octobre 1822, Tours : Jean-Baptiste ALLAIN-DUPRÉ meurt à son domicile du 4, rue de la Bazoche à quatre heures du matin. C'est son neveu, Michel Jean David Benardeau, propriétaire à Nouzilly, qui déclare le décès en compagnie du notaire Louis-Guillaume Juge. Sa maison se situe dans l'ancien enclos canonial Saint-Gatien, pas très loin du chevet de la cathédrale.
• 17 octobre 1822, Tours : Son inventaire après décès est effectué plusieurs jours durant devant Louis-Guillaume Juge en présence de sa veuve, de leur fils Jean-Baptiste René Allain-Dupré, "employé demeurant à Paris rue du Petit Lion St Sauveur n°13, seul habilité à succéder au défunt" [à venir]. Le montant total des effets mobiliers s'élève à 8070 francs 50 centimes dont 6790, 50 francs pour la maison de Tours et 1280 francs pour la maison de Larçay. deux femmes sont au service du couple comme gagistes, elles possèdent chacune une armoire dans une chambre mansardée et semblent dormir sur place, il s'agit de Madeleine Gaucher et de Reine Martin [cette dernière est alors âgée de 33 ans, fille d'un fripier, elle restera au service de la veuve Allain-Dupré, elle se marie à Tours le 23 janvier 1826 avec un cordonnier, Ambroise Gaucher].
Les vestiges de la formation et de la carrière musicales de Jean-Baptiste ALLAIN-DUPRÉ sont finalement peu nombreux : on note la présence de deux violons dans la chambre où il est mort, estimés 24 francs, et un forte-piano organisé, dans le salon, estimé 400 francs. Dans la bibliothèque, on trouve seulement, en deux exemplaires, le Traité de l'harmonie réduite à ses principes naturels, de Jean-Philippe Rameau, paru en 1722, le Dictionnaire de musique de Jean-Jacques Rousseau, auteur dont il possède de nombreux ouvrages, des Éléments de musique et un autre Traité de l'Harmonie. Tout respire l'aisance et le doux confort mais rien de tapageur ni de luxueux. Parmi les objets précieux, les deux montres du défunt dont une à chaîne d'or, estimées 200 francs et une tabatière d'or estimée 100 francs. L'argenterie pèse, en tout, treize marcs et son prix monte à 690 francs, des fourchettes et des petites cuillères sont marquées "IBD", signe de raffinement et preuve aussi de l'abandon du patronyme "Allain". La garde-robe du défunt ne semble plus très fournie et un peu usée.
En revanche, la bibliothèque, installée dans un petit cabinet au premier étage, est riche de 119 titres répartis en 736 volumes, plus 240 volumes dont les titres n'ont pas été mentionnés...On ne possède pas tous les formats et jamais les dates de publication. C'est Louis François Letourmy, "imprimeur libraire demeurant à Tours rue Royale" qui est chargé d'en faire l'inventaire. La plupart des titres renvoient à des publications antérieures à la Révolution et on peut supposer que notre organiste les a acquis dans sa jeunesse et qu’ils ont joué un rôle dans sa façon de penser et de s’engager politiquement par la suite. En un mot, ALLAIN-DUPRÉ est un homme des Lumières mais doté d'une solide culture classique, curieux et possédant des domaines de prédilection même si l'éclectisme de sa bibliothèque est à souligner.
L’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, parue entre 1751 et 1772 sous la direction de Diderot et d’Alembert occupe spatialement sans doute la plus grande place puisqu’elle figure en deux cents volumes [sans doute une réédition postérieure en petit format] ! On trouve la plupart des œuvres de Voltaire, Montesquieu et Jean-Jacques Rousseau. Plusieurs titres montrent une réflexion autour de la notion de tolérance religieuse ou plutôt un intérêt pour ceux qui dénonçaient le cléricalisme et de l’intolérance religieuse, ce que Voltaire appelait « l’Infâme » : œuvres de Marmontel (Les Incas ou la destruction du Pérou, Bélisaire), de madame de Graffigny (Lettres d’une Péruvienne), de Rousseau (Lettres de la Montagne), de Diderot (Lettres aux aveugles) ; dans ce prolongement, on peut évoquer l’Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes, plus communément connue sous le nom d’Histoire des deux Indes, qui dénonce le colonialisme et la traite négrière. Dans le domaine politique à proprement parler, on relève peu de titres, notons l’ouvrage de Necker paru en 1784 sur l’Administration de La Nation, ou l’Analyse du Spectacle de la Nation. De toute cette période des grands bouleversements dont ALLAIN-DUPRÉ a été un modeste acteur en son temps, ce dernier a conservé l’Histoire philosophique de la Révolution de France, depuis la convocation des notables, par Louis XVI, jusqu'à la séparation de la Convention nationale (1796). L'auteur, Antoine Fantin des Odoards, doit se justifier dans sa préface des attaques portées contre son jacobinisme et se présente comme héritier des Lumières. Par son attrait des récits de voyage (ceux de monsieur Cook dans le Pacifique par exemple ; ceux de La Harpe en 23 volumes, Abrégé de l'histoire générale des voyages […] dans les pays ou les voyageurs ont pénétré, les mœurs des habitans, la religion, les usages, arts et sciences… et des découvertes scientifiques (il possède l’Histoire naturelle de Buffon en 27 volumes), Jean-Baptiste ALLAIN-DUPRÉ reste un homme du XVIIIe siècle. En bon physiocrate, il se passionne pour l'agronomie et met à profit, sans doute, l’ouvrage de Gilbert, Traité des prairies artificielles ou Recherches sur les espèces de plantes qu’on peut cultiver avec le plus d’avantage en prairies artificielles,.., pour gérer son petit domaine de Larçay.
Bien d’autres ouvrages peuplent sa bibliothèque, il lit des pièces de théâtre, de la poésie, beaucoup d’ouvrages historiques sur toutes les époques, des mémoires. L’Histoire d’Henry IV, les mémoires de Sully indiquent peut-être une aspiration à la stabilité et à la tempérance chez notre ancien organiste ; les Réflexions sur quelques écrits de Chateaubriand ont-elles nourri la sienne sur les contours d’un régime parlementaire ? Enfin, il possède l'Histoire du peuple de Dieu en 18 volumes de l’abbé Berruyer. On la présente aujourd’hui comme une « tentative originale de réécriture en français de la Bible sous la forme d’un roman adapté au goût de son temps », ce qui « lui valut une grande notoriété, mais suscita également une abondante controverse » (péché originel minimisé, nécessité de la grâce divine niée, etc...). Cela ne donne pas d’indication sur la façon dont ALLAIN-DUPRÉ a vécu sa foi mais cela permet de comprendre qu’il était un homme qui ne voulait pas se contenter des acquis d’une simple tradition. Une étude plus systématique de cette bibliothèque permettrait sans doute d’affiner les réponses.
• • • Un site internet dédié à l'œuvre de Jean-Baptiste Allain-Dupré a été créé par son descendant Philippe Allain-Dupré :
http://www.allain-dupre.fr/presentation.htm
Mise à jour : 6 juin 2018